Il est largement admis que seules de vraies réformes de gestion pourraient éviter à notre chère Tunisie une impasse économique, financière, sociale et donc politique. Sans cela, on nous accusera d'avoir fait un saut dans le vide. Dans cette optique, l'élaboration d'une politique ne constitue qu'une partie de la bataille parce que les politiques, il faut les mettre en œuvre scrupuleusement et les gérer correctement. Pour cela, il est nécessaire d'avoir une administration efficace et efficiente, ce qui demande une attention permanente. Il faut encourager l'émergence d'une culture de responsabilité dans le service public et la faire vivre. Les autorités en place doivent aussi attirer les talents et les retenir en offrant aux fonctionnaires qui peuvent sensiblement améliorer les performances du secteur public de meilleurs salaires, des promotions ainsi que la possibilité d'être reconnus. La qualité du personnel, ça se paie. Rétablir les liens entre qualification et rémunération L'employabilité de la main-d'œuvre nécessite de rétablir les liens entre qualification et rémunération, quantité de travail et niveau de vie. Les mécanismes d'incitations doivent être étendus de telle sorte que le gain marginal reste proche du gain moyen. Cela implique un recours à des rémunérations flexibles tenant compte de l'effort individuel. En Tunisie, les entreprises aussi bien que l'administration sous-estiment largement le potentiel de leur personnel et donc les marges de progrès qu'il recèle. Effectivement, les employés sont malheureusement trop souvent perçus comme un coût, une charge. Or, il existe en réalité de nombreuses personnes qui réfléchissent, ont envie de bien faire et les capacités pour cela. Ce besoin spontané de bien faire pour « se faire plaisir » ou s'épanouir est totalement négligé dans notre société. Et ceci est dû au fait que le mode « top down » (le chef qui sait tout) continue de dominer le mode de gestion de nos entreprises et de notre administration alors que la logique veut que chacun devrait pouvoir organiser son travail pour le rendre plus efficace. Mais pour cela, encore faut-il que l'organisation reconnaisse que l'on travaille mieux avec plaisir que sous pression. Le consensus est qu'il y a toujours, du côté des salariés, une partie de motivation non utilisée et donc une réserve de productivité considérable pour l'économie tunisienne. Or cette évidence a du mal à passer dans les faits. Aujourd'hui la motivation est, sans aucun doute, une carte majeure à jouer. Malheureusement, on a encore du mal à reconnaître son existence. Il est nécessaire de considérer le personnel comme un investissement et non pas comme un coût. Il faut valoriser le savoir-faire des employés. Une meilleure motivation du facteur humain permet des gains de productivité visibles. D'autant plus que le gisement de croissance de la motivation a l'avantage d'être « durable » et « soutenable » car il est appelé à se reproduire en permanence. La question des salaires C'est une réalité, et il faut l'admettre, le niveau de salaires en Tunisie tel qu'il est aujourd'hui n'est guère motivant. Et lorsque le salaire moyen tourne autour de 800 dinars, il est difficile d'imaginer pouvoir demander plus d'implication aux personnels. Il va peut-être falloir reposer intelligemment la question d'un nouveau partage de la valeur ajoutée. Ce qui nous manque en Tunisie, ce sont de bons pédagogues maniant de façon pertinente concepts et statistiques pour nous faire sortir au plus vite du primat du court terme. Toutefois, il est absurde de croire que l'on pourrait multiplier les emplois en réduisant le temps de travail. Si la révolution a montré qu'il faut désormais s'employer à mieux répartir la croissance, il est important de tout faire pour assurer celle-ci. Partant de cela, une politique d'action sociale, si elle est souhaitable, ne doit pas être menée en hypothéquant l'avenir. Faire du social en se servant de la fonction publique est en effet jouer avec l'avenir du pays. Une politique de recrutement de masse affectera négativement la productivité de notre administration, déjà en mal d'efficacité. Si nous ne sommes pas capables de proposer une réforme courageuse de la fonction publique, il nous faut surtout éviter de l'asphyxier par des fonctionnaires dont elle n'a parfois point besoin. En définitive, il nous faut remettre l'homme au cœur de l'activité économique ! C'est une de ses raisons d'être.