Nous l'avons rencontré au festival d'El Jem. Il nous vient d'Egypte avec son Orchestre philharmonique des jeunes Arabes qui regroupe plus de 90 musiciens et musiciennes issus du monde arabe dont il est le fondateur et le directeur d'orchestre. Accueillant, aimable et ouvert, M. Faouzy Shamya — c'est de lui qu'il s'agit — a bien voulu nous parler de son parcours, de son expérience professionnelle et de cet orchestre philharmonique qui se produira ce soir, pour la première fois en Tunisie, dans le cadre du Festival international d'El Jem avec un spectacle-hommage au printemps arabe qui a inspiré plus d'un artiste...plus d'un créateur. Si l'on commençait par vous présenter à nos lecteurs... Musicologue et compositeur égyptien, j'ai obtenu mon diplôme en 1979 de l'Université Marbourg en Allemagne (section sciences musicales) où j'ai exercé, comme enseignant, pendant huit ans, avant de retourner au pays. Je suis également l'ancien doyen du Conservatoire du Caire et le vice -président de l'Union internationale des facultés et des instituts de musique en Egypte. En 2002, j'ai créé l'Orchestre philharmonique des jeunes Arabes dont je suis actuellement le directeur et le chef d'orchestre. Voulez-vous nous parler, justement, de cet orchestre philharmonique ? L'Orchestre philharmonique des jeunes Arabes est un projet qui regroupe un nombre important d'étudiants en musique issus de 13 pays arabes, à savoir l'Egypte, la Tunisie, l'Algérie, la Syrie, le Koweït, le Bahreïn, la Palestine, les Emirats Arabes Unis, la Jordanie, l'Irak, la Libye et le Soudan. Le premier dans son genre, il compte 90 jeunes musiciens et musiciennes qui se réunissent dans des ateliers de formation et d'encadrement, assurés par des chefs d'orchestre expérimentés dans des pays arabes ou européens, et ce, pendant deux semaines, dans le but de participer dans un grand projet artistique arabe titré «l'Orchestre philarmonique des jeunes Arabes». Ce projet s'est cristallisé dans mon esprit depuis l'année 2000, mais il ne s'est réellement concrétisé qu'en 2006, avec notre première édition à Damas. Fonder et mettre sur les rails un tel orchestre étaient pour moi le grand rêve de ma vie. Un rêve qui s'est ,enfin, réalisé! Par cet ensemble, nous visons à créer un lieu de rencontre entre des jeunes, afin de renforcer les liens entre les institutions et écoles arabes et favoriser autant l'ouverture sur l'autre que les échanges mutuels des expériences professionnelles. En tant que fondateur et directeur de l'orchestre, quelles sont vos tâches principales ? Je suis l'organisateur de toutes nos participations aux festivals qui se tiennent partout dans le monde. C'est moi qui choisis les œuvres qui sont jouées, ainsi que le chef d'orchestre qui dirigera les jeunes dans tel pays ou dans tel autre. J'ajouterais qu'outre cela, et sur le plan humain, mon devoir fondamental est d'entretenir l'enthousiasme de ces jeunes et de les aider à surmonter leurs peurs ou leur sentiment de dépaysement. En effet, même s'ils sont talentueux et intelligents, ils ont besoin d'être soutenus et bien encadrés. Pendant la tournée dans le monde arabe, j'ai réalisé qu'il y a des compétences de très haut niveau et qu'il fallait juste leur donner une chance de s'exprimer par la musique. Les concerts qu'on donne et les rencontres qu'on ne manque pas d'organiser sont une occasion pour la jeunesse d'apprendre et de s'améliorer sur tous les plans : relationnel, professionnel, technique et artistique. Avec l'émergence de nouvelles formes et genres de musiques, particulièrement le rap qui connaît de plus en plus de succès auprès des jeunes, surtout après les révolutions arabes, la musique classique instrumentale est-elle aujourd'hui, menacée, selon vous? Il est certain que de nos jours, la musique classique est en train de perdre de plus en plus de place avec le rythme frénétique de la vie qui s'inscrit dans une logique de rapidité et de consommation «fast food». Mais l'un de nos principaux objectifs demeure de toujours œuvrer à la diffusion du répertoire et des œuvres classiques, qu'elles soient universelles ou arabes, surtout et justement, auprès des jeunes générations. Pour ce faire, nous essayons d'assurer l'enregistrement, chaque année, de notre participation dans l'un des grands festivals internationaux et arabes auxquels nous prenons part. D'autant que notre projet ne consiste pas uniquement à provoquer des événements culturels, mais à affermir les liens et l'union entre les jeunes Arabes ainsi qu'à les inciter à s'ouvrir sur les autres cultures. Où situez-vous votre orchestre par rapport aux autres orchestres classiques mondiaux ? Sans fausse modestie ni prétention, je le considère comme l'un des meilleurs orchestres dans le monde entier. En témoigne le grand succès que nous avons connu lors de nos trois dernières sorties, tenues en Syrie et en Allemagne. Nous nous sommes relevé un défi et l'avons gagné. Ce défi était de représenter le monde arabe comme un peuple uni, ouvert et tolérant. Jouant des œuvres puisées dans notre patrimoine musical classique ou populaire et maîtrisant des pièces référencielles du classique universel, nous avons prouvé à tout le monde, notamment européen, que nos jeunes peuvent exceller, créer et qu'ils ne sont pas fanatiques. Des chrétiens, des musulmans, des filles voilées, d'autres non voilées se mettent tous les uns à côté des autres, pour présenter en toute harmonie notre culture et notre patrimoine commun. C'était réaliser une communion humaine à laquelle s'ajoute la quête de la perfection artistique. Les jeunes semblent déserter la musique classique au profit d'autres genres musicaux. Y a-t-il encore de la place pour la musique classique? Nous avons tous besoin de la musique, mais pas de n'importe quelle musique et la musique classique restera toujours la meilleure ! Elitiste et un peu snobe, elle cultive le goût. D'ailleurs, j'adresse à ce propos un message aux jeunes qui devraient apprendre à savourer la musique classique et à découvrir sa douceur qui a un effet magique sur l'être humain. Cette musique qui, par son langage, unit les civilisations, les peuples et les nations contrairement au langage des politiciens qui n'encourage les gens qu'à s'entretuer . Qu'est-ce que vous avez prévu pour la soirée d'aujourd'hui? Pour ce soir, les mélomanes tunisiens auront droit en première partie aux chefs-d'œuvre des plus grands compositeurs tels que Bach, Rossini et autres, avec en bonus deux œuvres puisées dans le répertoire de la musique classique mexicaine. Le deuxième moment fort de la soirée sera réservé aux œuvres musicales des maîtres de la musique arabe, tels que Baligh Hamdi. Le public tunisien sera également ravi de découvrir la virtuosité de la musicienne égyptienne Nesma Abdel Aziz qui sera munie par sa Marimba, qui exécutera en solo instrumental de grands tubes de la chanson arabe, en l'occurrence de «Tiko-Tiko», de Jamel Salama ou encore «Ettouba» de Abdel Halim Hafedh.