Chaque fois que le feuilleton tunisien est en débat, sortent des tiroirs tous les problèmes liés à la production. Mais pas celui de la fiction en elle-même. Le service culturel de l'Agence Tunis-Afrique Presse a, récemment, organisé une rencontre ayant réuni avec les journalistes, le réalisateur Hamadi Arafa, le producteur exécutif Néjib Ayed et les comédiens Fethi Haddaoui, Amel Alouane et Dhafer Abidine. A dire vrai, les sujets proposés à la discussion, au nombre de quatre, mais de grande importance, nécessiteraient plutôt tout un colloque de deux à trois journées de débat. Ce qui a limité les intervenants à faire part des problèmes d'organisation qui se répercutent souvent sur le rendement des comédiens, des techniciens et surtout du réalisateur dont la pression du facteur temps complique outre mesure le travail. En gros, les problèmes d'organisation vont de la remise tardive du scénario à la décision finale de le tourner ou pas. Ce qui laisse penser que les responsables de la fiction au sein des chaînes de télévision ne se rendent compte de l'imminence du mois saint que trois mois avant. D'où la hâte d'opter, aveuglément parfois, pour tel scénario à peine achevé (sinon en cours d'écriture) et de le tourner en un temps record. Fethi Haddaoui insiste ici sur le fait que les «Orientaux sont de loin plus organisés que nous, le comédien sachant, non pas à un jour près, mais à une heure près, où il tourne, quand commence et quand prend fin son contrat, cependant qu'en Tunisie, il m'est arrivé d'être appelé pour 25 jours de tournage pour, en fin de compte, terminer avec 37 jours, d'où le gaspillage de temps et d'argent». Ce dont Hamadi Arafa semble satisfait, à savoir que la prolifération des sitcoms et l'abondance de la production ont permis d'impliquer les jeunes appelés à prendre le relais plus tard, ne convainc pas Néjib Ayed qui trouve que lesdites sitcoms, tournées au pied levé, dénotent plutôt l'insuffisance des moyens affectés à la production d'une vraie fiction cathodique, et «qu'il est temps, pour toutes les chaînes, publiques ou privées, d'y penser sérieusement, car tout l'audimat, durant le mois saint, se mesure à l'aune du feuilleton et de sa capacité de mobiliser ou non le téléspectateur tunisien». Très pertinente, à cet égard, est l'intervention du comédien Dhafer Abidine qui a fait remarquer que «dans les pays développés, le scénario n'est jamais confié à une seule personne, mais à un collectif de scénaristes, l'objectif étant d'améliorer et d'enrichir l'œuvre au fur et à mesure de son développement», sachant «que maintes fois, il m'est arrivé sur le plateau de devoir, sur instructions du réalisateur, laisser de côté le scénario et le dialogue initiaux pour jouer un tout autre texte imprévu, tout simplement improvisé». Et nous voilà dans le vif du problème. Car il faudrait se dire que tous les problèmes liés à la production n'intéressent ni de près ni de loin le téléspectateur. Le plus important pour celui-ci est la qualité de l'œuvre et le genre de problèmes sociaux qu'elle se propose de traiter ; pour peu que la qualité (traitement et dialogues) fasse défaut et que le Tunisien ne puisse s'identifier à travers la problématique posée, le zapping est à un seul clic. Or, si l'audimat, du moins durant le mois de Ramadan, est tributaire du feuilleton tunisien, force est donc pour toutes les chaînes de télévision de s'attaquer à la question avec beaucoup plus de sérieux et, surtout, de professionnalisme. C'est d'autant plus obligatoire —et vital!— que le feuilleton tunisien n'est toujours pas à même de concurrencer le feuilleton étranger. La guerre de l'audimat ne sera possible qu'à ce prix-là : appeler à plus de qualité et de réalisme au niveau du texte; le jeu des comédiens et la réalisation technique suivront de toutes les façons.