Jusqu'à il y a quelques petites années de là, la Tunisie produisait au mieux deux films par an, cependant que la Télévision tunisienne, avec deux chaînes, sortait quatre feuilletons lors du mois saint. Il faudrait mentionner également quelques téléfilms pour cette dernière, et nombre de courts-métrages pour le 7ème art. Il n'empêche : la fiction, sur le petit comme sur le grand écran, est onéreuse, ce qui explique un peu une production générale modeste. Mais quand on sait qu'il existe pour ce marché très limité une bonne vingtaine de sociétés de production, l'on ne peut que se demander comment elles fonctionnent, surtout comment elles tiennent encore le coup. Le cas de Rives Productions est particulier à trois titres. Première surprise : la Société ne fait pas de publicité, un créneau qui fait vivre convenablement certaines autres entreprises du genre. L'autre particularité est que Rives ne tourne pas grâce à sa vocation de Société de production (toutes les autres font à peu près la même chose), mais grâce au nom de son gérant et fondateur, M. Néjib Ayed, un homme scrupuleux et très apprécié sur la scène pour son intégrité et son professionnalisme. D'ailleurs, à Tunis, l'on ne parle pas vraiment de Rives Productions (rares sont ceux qui retiennent vraiment le nom), mais de Néjib Ayed. L'homme (lire son portrait) est en soi une marque déposée, soit une marque de confiance et de sérieux. Et enfin, l'entreprise ne vit pas exclusivement de la subvention de l'Etat (aide à la production) mais compte généralement sur elle-même. Et pourtant, elle tourne !
La Société est petite de par sa taille (cinq personnes permanentes) mais très grande dès qu'une production est en chantier (jusqu'à 200 personnes, entre intermittents et autres prestataires, les comédiens non compris). Elle a été créée en 1999 avec un capital initial de cinq mille dinars (doublé en 2002), pour se lancer, évidemment, dans la production cinématographique et télévisuelle. Dès sa première année, elle produit « A la recherche de Aïda », un film de Mohamed Malas, et enchaîne la même année avec « En face », un court-métrage de Mehdi Ben Attia. Les années 2000 et 2001 démarrent plutôt bien : un feuilleton de quinze épisodes pour la Télévision (« Ya zahratann fi khayali » de Abdelkader Jerbi ) et l'année d'après tombe « Une Odyssée », un long-métrage de Brahim Babay. A ce jour, la Société a produit cinq longs-métrages (dont un pour le Maroc, « Les anges de Satan »), cinq feuilletons et un nombre respectable de courts-métrages, mais aussi un film russe en 2005 de Alexandre Tcherniaev (« Le journaliste »).
Autre particularité de Rives Productions : elle n'attend pas l'arrivée sur ses bureaux de projets de scénarios et ne fait même pas appel aux scénaristes. Car homme du métier, son gérant a toujours fait en sorti qu'il ait sous la main des textes fin prêts à la réalisation ; s'il n'écrit pas lui-même, il réécrit, réajuste et emmagasine : ce qu'il appelle une banque de scénarios. Aujourd'hui, par exemple, il a dans le tiroir cinq feuilletons et douze téléfilms en attente d'être tournés. En 2008, sortiront un film de Chawki Mejeri (« Le royaume des fourmis ») et deux courts-métrages.
Or, la Société n'a bénéficié à ce jour qu'à deux reprises de l'aide à la production, soit cent mille dinars sur deux courts-métrages. Le financement des films a toujours été l'affaire de son gérant. Très apprécié à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, M. Néjib Ayed a cette faculté peu évidente chez les autres de pouvoir dénicher de quoi boucler les budgets de ses films généralement dans les pays arabes (Algérie, Maroc, Libye, Jordanie, Syrie ) et quelques fois sur des Fonds européens. Il faut dire que dans la majorité des cas, l'expérience a régulièrement démontré que le producteur tire pour lui d'abord sa part du gâteau avant même de démarrer son film, ce qui ne peut que flétrir la qualité de l'uvre ainsi touchée dans son budget. Le succès des films de Néjib Ayed tient en partie en ceci qu'il finance son film avant d'en récolter le profit. C'est d'autant plus audacieux que souvent le film ne dégage ses bénéfices que sur une année, parfois sur cinq années. Et encore plus quand on sait que Rives Productions n'a pratiquement rien produit en 2007. Et pourtant, ça tourne