Le bilan des dégâts occasionnés aux forces de sécurité intérieure et à leurs biens ne cesse de s'alourdir. Les incidents du dernier match de Sousse entre l'Etoile et l'Espérance en sont une fraîche illustration. Mais à quand la fin de la traversée du désert ? Plus de cinq policiers ont été blessés lors des incidents ayant émaillé le sommet footballistique de la CAF qui s'est déroulé samedi dernier à Sousse entre l'Etoile et l'Espérance. Avant la révolution, ce bilan relevait tout simplement de l'utopie, le régime policier semant, à l'époque, la terreur et la tyrannie. Au point qu'un simple flic qui ne payait pas de mine était redouté comme la peste. Or, depuis le 14 janvier 2011, revers de la médaille pour nos agents de l'ordre qui, mine de rien, encaissent, aujourd'hui, des coups plus qu'ils n'en donnent. Voyons quelques exemples saillants, tels que répertoriés par les statistiques du ministère de l'Intérieur: – mort d'un policier à Gabès lors d'une opération de chasse à l'homme – à Kairouan, un agent de l'ordre périt au fond d'un puits dans lequel l'a poussé un malfaiteur en mal de règlement de comptes – cinq jours dans le coma pour un policier qui fut victime d'une tentative de meurtre à Sidi Bouzid – hospitalisation, dans un état sérieux, de trois agents de l'ordre violemment agressés par des sit-inneurs à Jendouba – à Sfax, des inconnus incendient le domicile d'un policier dont les membres de la famille s'en sortent avec des brûlures plus au moins graves. – à Remada, tentative, échouée de justesse, de désarmement de deux agents de la Garde nationale – à Jendouba, la voiture d'un policier est mise à feu – à Zarzis, une bande de 50 personnes munie d'armes blanches fait irruption dans un poste de police où elle réussit à libérer, de force, l'un des leurs qui attendait d'être jugé pour divers délits. En analysant davantage ces statistiques, on découvrira des chiffres autrement plus alarmants. En effet, depuis la révolution, on compte pas moins de 15 agents de l'ordre ayant péri au champ de bataille, 1.362 cas de blessures graves, 341 hospitalisations, 460 attaques de domiciles d'agents, 310 véhicules de la police incendiés, 300 postes de police et de la Garde nationale attaqués ou incendiés, sans compter une centaine d'armes disparues et quelque 140 équipements de télécommunication perdus. Dégâts provoqués, comme chacun le sait, par trois facteurs principaux, à savoir : 1- la rage de la révolte populaire après 23 ans de dictature 2- la fuite sécuritaire qui s'en est suivie 3- le défoulement d'un peuple farouchement décidé à... prendre sa revanche sur un appareil de sécurité au cynisme inoubliable. Un léger mieux Bien évidemment, nos policiers, jusqu'ici impuissants et désarmés, n'ont pas tardé — sursaut d'orgueil oblige — à réagir, en tentant, via leurs syndicats, de resserrer leurs rangs, tout en élevant des revendications suivies de sit-in. Combatifs, s'accrochant comme une huître à son rocher, ils ont réussi à remonter la pente, en retrouvant une bonne partie de leur motivation, et en redevenant plus dissuasifs. Il est vrai que tant l'Union nationale des syndicats des structures de la police que le Syndicat national des forces de sécurité intérieure, en maintenant la pression sur la tutelle, ont pu enfin obtenir gain de cause, en bénéficiant d'un blanc-seing (en matière de légitime défense) et d'un renforcement de leur parc roulant, dans l'attente de la satisfaction du reste de leurs revendications. Toujours est-il que ces acquis, bien que précieux, demeurent insuffisants pour le redéploiement d'une police plus efficace et qui se respecte. Quid de la réforme ? Et pourtant, nos forces de l'ordre ont bel et bien jubilé à l'annonce, au mois de septembre dernier, de la mise en œuvre de ce qu'on a appelé «Projet du plan de réforme de la sécurité». Ce projet a été alors accueilli avec ferveur par toutes les composantes de l'appareil sécuritaire du pays, tant il promettait par la kyrielle d'acquis qu'il devrait générer tels que les recrutements, la législation, les notions du maintien de l'ordre public et surtout l'institution d'une culture sécuritaire au diapason des droits de l'Homme, de la citoyenneté et de la démocratie. Autant de promesses mielleuses restées hélas jusque-là lettre morte, étant donné que le nouveau ministre de l'Intérieur semble plutôt intéressé par l'élaboration d'une réforme qui trancherait avec celles de son prédécesseur. Acceptons-en l'augure.