• Regain d'efficacité dans l'appareil policier après de longs mois de déboires. Mais la réhabilitation définitive n'est assurément pas pour demain… Il est incontestable que la police nationale est à créditer d'un réveil tonitruant caractérisé par les nombreux points qu'elle a marqués ces derniers jours et qui relevaient jusqu'ici de l'exploit, voire de l'utopie. Blessés dans leur amour-propre au lendemain de la révolution, au point de…se faire mordre la poussière, par manifestations et actes de vandalisme interposés, livrés à eux-mêmes et ne faisant plus impression face à un peuple révolté et longtemps soumis au joug d'un appareil sécuritaire tyrannique et cynique, nos policiers se devaient de se racheter et de recouvrer un minimum de respect et de dignité. Aujourd'hui, on peut dire qu'ils y sont parvenus, en signant récemment deux coups d'éclat dont les plus retentissants, à nos yeux et à ceux d'ailleurs d'experts en matière de sécurité, sont : 1- Les révélations sensationnelles sur les événements survenus le 14 janvier dernier à l'aéroport de Tunis-Carthage. En arrêtant in extremis les 28 fuyards du clan des Trabelsi alors qu'ils s'apprêtaient à prendre la poudre d'escampette, nos policiers ont réalisé, par cet acte héroïque et audacieux, un exploit salué avec ferveur par tout un peuple. Et d'un. 2- Les manifestations de lundi dernier ont été maîtrisées sans trop de dégâts, relativement à la gestion catastrophique des manifestations précédentes qu'on neutralisait avec, au compteur, un bilan généralement meurtrier et sanglant au sortir de chaque émeute. Et de deux. Des signes prometteurs Autre signe prometteur de ce redressement spectaculaire: une bonne partie des postes de police et de la garde nationale, outre les nombreux coups de filet, ont signé, ces jours-ci, un regain de «prestige», en redevenant mieux gardés et pratiquement inaccessibles aux actes de saccage. Effet dissuasif ? Nenni. Baguette magique ? Vous n'y êtes pas. «Outre le fait qu'on a repris confiance en nos moyens, on a tout fait pour améliorer nos rapports avec les citoyens», explique un policier qui affirme d'un ton triomphal que «le calme est enfin rétabli» et que «le bras de fer n'est plus qu'un souvenir». Pour le bon peuple, l'affirmation est loin d'être usurpée. «On peut aisément parler, soutient un citoyen, d'un léger mieux dans le comportement de nos policiers. Certes, il faut toujours compter avec les actes isolés, mais, dans l'ensemble, la cohabitation est, de nouveau, scellée, puisque nous sommes désormais mieux accueillis et servis aux commissariats de police et de la garde nationale où est bannie cette peur atroce qui nous habitait, 23 ans durant». Dans le même ordre d'idées, un fonctionnaire reconnaît, visiblement étonné, que «les agents de l'ordre, comme d'aucuns l'ont vérifié à l'œil nu, n'affichent plus grise mine lors des manifestations et ont heureusement rompu avec ce réflexe barbare d'user vite de leurs matraques et bombes lacrymogènes. Et, ma foi, c'est de bon augure». A cet égard, force est de constater, avouent plus d'un policier, que le ministère de l'Intérieur, par le biais de ses différents départements de sécurité, a placé la barre trop haut en matière de sensibilisation de ses agents quant à «la nécessité de consolider les rapports avec les citoyens, en restant constamment à leur écoute, tout en évitant l'escalade aux moments de crise». Dans la foulée, la tutelle, sans doute pour redonner des ailes à son corps sécuritaire, a renforcé récemment son parc roulant par l'acquisition d'un important contingent de véhicules flambant neufs, afin d'améliorer le rendement logistique de ses différentes unités, mettant ainsi fin aux énormes difficultés engendrées, jusque-là, par un parc vieillissant. Entre-temps, décision a été prise d'étoffer les effectifs des agents de l'ordre, en ordonnant de nouveaux recrutements. «Loin de nous l'idée de ressusciter l'ex-machine de la mort de l'appareil policier. Car, toutes les mesures qu'on a prises récemment visent plutôt la recherche d'une meilleure efficience de notre corps sécuritaire afin qu'il contribue plus efficacement à la réalisation des objectifs de la révolution», nous confie, sous le couvert de l'anonymat, un cadre policier qui invite la population à «faire preuve de retenue et de compréhension et à se remettre au travail pour préserver l'intérêt national». Défoulement... syndical Non contents d'avoir marqué de si nombreux points, nos policiers, un fait sans précédent dans l'histoire de leur corps, ont désormais remis les pendules à l'heure...syndicale. Au point de ... friser la frénésie, vu le nombre sans cesse croissant des syndicats qu'il ont créés ces jours-ci. Un seul des syndicat en bonne et due forme, c'est génial. Deux, c'est encore tolérable. Mais, chercher la quantité au détriment de la qualité comme se plaisent à le faire nos flics en ce moment, c'est tout simplement privilégier la désunion et inciter les différents unités à se désolidariser. C'est là aussi, qu'on le veuille ou pas, un signe qui ne trompe pas sur une tendance vers le ... défoulement d'un corps sécuritaire privé, depuis l'indépendance, d'exercice syndical et à la langue cousue. C'est pourquoi, des tentatives ont été signalées dernièrement en vue d'unifier les rangs des syndicats créés jusque-là sous la houlette d'un seul organisme syndical. Pourvu que le «jumelage» réussisse! Omerta Outre ce feuilleton navet, notre corps sécuritaire devra se débarrasser d'autres mauvais réflexes, voire d'autres maux rendus incurables par les pratiques diaboliques du passé. En effet, deux policiers sur trois vous diront, non sans inquiétude, que «la boîte du ministère loin d'être définitivement assainie, roule encore sous le poids de l'interventionnisme et de la corruption. Des dossiers brûlants y attendent d'être dépoussiérés et des têtes devront tomber». Par ailleurs, unanimité a été faite autour de la nécessité d'abolir la loi du silence, encore implacablement de rigueur sous les toits du ministère. Les dernières révélations sur les événements du 14 janvier à l'aéroport de Tunis-Carthage en sont une des fidèles illustrations, quand on sait que le patron de la BAT (Brigade antiterrorisme), Samir Tarhouni, n'a sans doute pas tout dit ce jour-là. Son verre risquerait même de rester éternellement à moitié vide, omerta oblige ! Si cela s'était passé en Occident, d'autres révélations non moins troublantes et accusatrices auraient été rendues publiques qui impliqueraient d'autres potentielles parties prenantes qui courent hélas encore ! Omerta aussi dans le traitement des dossiers d'agents de l'ordre et de chefs d'unités et de brigades trempés dans des affaires dont on ignore toujours le sort. Tout cela pour dire que le peuple tunisien, fort et fier de sa révolution historique réussie héroïquement et au prix fort, exige aujourd'hui transparence, clarté et… cartes sur table. L'en priver, c'est cisailler ce regain d'embellie constaté dans l'appareil sécuritaire du pays. A bon entendeur…