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Comment retrouver la boussole gouvernementale et constitutionnelle?
Rentrée politique
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 08 - 2012


Par Hédia BARAKET
L'été a été particulièrement marqué par une avalanche d'événements déstructurés, par un écroulement des repères élémentaires de la gouvernance et par l'accumulation des urgences nationales sans cesse ajournées au profit d'un débat politico-religieux fallacieux. Au retour, l'automne 2012 est amené à être une rentrée politique historiquement déterminante pour une Tunisie en perte de boussole gouvernementale et constitutionnelle.
Toute tentative de bilan ou de lecture de cette actualité estivale particulièrement mouvementée et déstructurée, elle-même produit d'une année de tâtonnements gouvernementaux et constitutionnels, laisse entrevoir les mêmes tristes paysages. Constat élargi à plusieurs secteurs de la vie politique, administrative et au triple niveau de la gouvernance, du débat politique général et du projet constitutionnel en cours.
La Troïka de ses maîtres
Le premier paysage de cette rentrée est celui d'un gouvernement de coalition en proie au diktat du parti islamiste d'Ennahdha qui, au nom de la légitimité électorale, se dérobe au jeu démocratique dont il a promis de respecter les codes. Il se complaît dans la décision unilatérale dont même ses deux partenaires du parti Ettakattol et du CPR se voient exclus. Les conflits, les divergences, les démissions successives observées au sein du gouvernement et de ces partis fragilisent autant ces formations relativement solides qu'une troïka, de naissance forcée, d'essence fragile et durement éprouvée par quelques mois de pouvoir. Désormais, ses failles et ses brèches s'élargissent et éclatent au grand jour à l'occasion de plus d'une affaire. La dernière en date est la déclaration du président Moncef Marzouki dans laquelle il a rendu compte des appréhensions et de la critique de la rue tunisienne quant à la «dérive hégémonique» enclenchée par le parti Ennahdha. Le message est d'une grande clarté qui n'a pas manqué de froisser plusieurs de ses partenaires. Même la manœuvre de certains leaders nahdhaouis qui en ont minimisé la portée et n'ont pas quitté la salle s'inscrit dans une tentative de faire encore montre d'une union factice. Or, que Marzouki ait «juste traduit le sentiment général» et n'ait pas parlé en son nom propre, qu'il l'ait invoqué à l'approche d'une nouvelle échéance électorale, ne réduit en rien l'importance ni l'impact de cette déclaration. Elle lève à nouveau le voile sur la précarité de la coalition, et donne raison à ce sentiment ambiant aujourd'hui partagé par une bonne partie des Tunisiens, de la société civile et de l'élite.
L'enjeu constitutionnel
Le deuxième paysage autrement plus désolant est celui d'une Assemblée constituante idéologiquement consommée et politiquement usée. Ployant elle aussi sous le diktat de la majorité des députés islamistes, elle a peu à peu sombré dans un débat religieux fallacieux et un conflit idéologique superflu que la Tunisie, les exigences de son économie, les idéaux de sa révolution et les principes élémentaires devant soutenir sa future constitution se seraient bien épargnés. Résultat : gâchis économique et perte de la boussole constitutionnelle originelle. Le projet de brouillon de constitution qui, aux dernières déclarations, ne sera pas prêt avant février 2013, continue à faire l'impasse sur l'essentiel : l'esprit même de la Constitution encore déchiré entre historicité moderniste, ouverte et tolérante de la Tunisie et entre les folles appétences identitaires et religieuses parvenues et instrumentalisées. Dans la même orientation, le projet fait aussi l'impasse sur la philosophie et la nature même du régime futur devant le mieux s'adapter à la gouvernance de notre pays. De l'avis de plus d'un constitutionnaliste tunisien, dont le professeur Yadh Ben Achour qui s'est récemment prononcé à l'occasion d'une lecture préliminaire du projet de constitution, les dispositions de ce brouillon préfigurent l'avènement d'une dictature théocratique. Les articles propres aux limitations des libertés, à l'amputation de l'égalité, à la criminalisation de l'atteinte au sacré et bien d'autres, la loi de la majorité au sein des commissions, les pratiques dictatoriales et grégaires des députés de la majorité en ont généreusement fourni la preuve tout au long de l'année parlementaire. A la veille de cette rentrée, la démission du comité des experts qui devait servir d'éclaireur et de conseiller à une assemblée en manque d'expertise juridique et constitutionnelle, vient à nouveau confirmer la nette volonté des constituants du parti Ennahdha de régner sans partage sur les orientations idéologiques de la future constitution. Refusant de reconnaître le comité et de lui fournir son cadre légal, ils viennent de consommer une énième rupture avec les legs législatifs et institutionnels de la première transition. C'est désormais à cela et cela seul que se vérifient, désormais, les faibles performances de l'ANC : le degré rupture avec les instances et les projets de textes issus de la première transition pour le seul motif que ceux-ci dessinent l'ébauche d'un processus démocratique devenu encombrant et visiblement incommodant à l'épreuve des nouvelles orientations.
Déliquescence de l'administration
Le troisième paysage de la rentrée est celui d'une administration en déliquescence. On a longuement fait l'éloge de l'administration tunisienne pour avoir traversé les turbulences de la révolution en gardant le cap grâce notamment à sa neutralité. Au retour de quelques mois de «gouvernement légitime», les choses ont bien changé. Le constat défraie la chronique (la Tunisie compte au moins un fonctionnaire par famille) où l'on rend compte de l'arbitraire qui préside aux mouvements, aux nominations et aux prétendus assainissements en vigueur. Au lieu de rétablir la force des lois, les principes basiques de l'autorité et du respect de la hiérarchie sur lesquels se fonde l'administration, au lieu de procéder à un assainissement méthodique et juste, au lieu de réhabiliter bien des compétences marginalisées sous l'ancien régime pour leur non-appartenance au RCD, on assiste à des mouvements arbitraires et abusifs se jouant des règlements administratifs et des critères objectifs et justes de l'expertise et de la compétence. Résultat : baisse symptomatique de la qualité de la prestation administrative, chute de l'autorité et du respect de la hiérarchie qui sape à la base toute tentative de réforme aussi sérieuse soit-elle, recrutements partisans dictés par la peur de l'autre et «la confiance exclusive dans les siens», marginalisation méthodique des compétences (ces mêmes carrières injustement bloquées sous l'ancien régime) dès lors qu'elles ne présentent pas d'allégeance, sanctions déguisées, récupérations, avancements et promotions des partisans de l'ancien régime qui montrent une nouvelle obédience...
Le pouvoir discrétionnaire de l'administration est usé à fond par des ministres, des conseillers et des proches collaborateurs issus, au même titre, des recrutements récents ou des anciens cercles de privilège. L'assainissement et la réforme montent une logique transactionnelle ; une justice à deux temps, deux poids et deux mesures au détriment d'une administration en cours de quadrillage politique et de mobilisation partisane.
Médias au bord de la grève
Le quatrième paysage est celui d'une situation médiatique profitant certes des libertés acquises à la faveur de la révolution, mais courant vers la régression et la répression en l'absence de textes et de régulation protégeant l'intégrité des journalistes, la liberté d'expression et les plafonds déontologiques. La sourde oreille du gouvernement, ses nominations unilatérales et peu fondées à la tête des médias clés du service public, sa pression directe et indirecte sur leurs lignes éditoriales, la volonté manifeste d'en faire des porte-voix du pouvoir, son obstination à ne pas activer les décrets-lois 115 et 116... les exemples abondent du déni total qu'oppose l'actuel gouvernement au principe même d'une presse libre, critique et à son rôle de contre-pouvoir. Déni qui vient de conduire le Syndicat national des journalistes tunisiens, réuni vendredi en assemblée extraordinaire, à décider une grève générale avant le 15 septembre prochain.Tentative ultime d'exprimer une rupture de dialogue en dépit de la manœuvre d'apaisement entamée la veille par le gouvernement et qui, de l'avis des syndicats présents, n'augure d'aucun rapprochement des points de vue.
La religion instrumentalisée
Le cinquième paysage est celui du débat politico-religieux artificiellement institué dès l'entrée en jeu des islamistes dans la bataille électorale. Chargée d'ardeurs et de violences, présenté comme étant bien plus péremptoire que les urgences économiques et les principes de liberté, de justice et de dignité émanant des revendications populaires du 14 janvier, la question de la religion va s'inviter à la table de la future constitution et s'imposer dans les plis profonds de la société. Le discours, les références islamistes, les bases et les filiations salafistes, les messages fédérateurs utilisés par le parti Ennahdha qui a construit sa pré-campagne et sa campagne électorales sur l'ambiguïté socio-religieuse de la notion de solidarité et les largesses qui s'en sont suivies ont ouvert les portes à toutes les instrumentalisations. Et en une année de gouvernement légitime, on apprendra peu à peu que la priorité des priorités tunisiennes est de défendre «une religion menacée et une identité perdue». On vivra les polémiques et les dissensions conséquentes, les violences et les pratiques «indépendantistes» des salafistes : occupation des mosquées, commerces spécifiques, mariages coutumiers, endoctrinement des jeunes et des enfants, guerre à l'art et à la libre expression, menace et attaques organisées à l'encontre des libre penseurs. Le tout dans une zone de non-droit, avec la tolérance, la justification et le pardon des nouveaux dirigeants, vite devenus otages complaisants de leurs bases. Récemment cet été, un incident symptomatique : sous la menace des salafistes voulant s'attaquer au spectacle de Lotfi Abdelli, le délégué de Menzel Bourguiba annule le spectacle là où, en tant que collectivité locale, son réflexe le plus évident aurait été de demander la protection et des renforts sécuritaires à son ministère. Sa réaction est révélatrice d'un état de fait : il est désormais établi de se soumettre à la loi salafiste que de s'en référer aux lois et aux institutions. Que des violences soient commises au nom de la religion, qu'elles soient ainsi justifiées par le parti au pouvoir dénote une réalité : celle de l'instrumentalisation à des fins électorales, mais surtout hégémoniques.
Leçons d'une saison au pouvoir
On pourrait continuer sur la même lancée et citer le paysage d'une justice transitionnelle qui prend une orientation plutôt transactionnelle et coupée sur mesure. Il suffit de regarder le spot de sensibilisation concocté et diffusé sur les chaînes nationale et Ettounssia pour se rendre à l'évidence que de tous les dossiers qui pourraient s'amonceler, il y a juste un morceau choisi que le parti au pouvoir voudrait en priorité couper et servir aux siens...
Alors, la question hallucinante qui se pose à l'occasion de cette rentrée est de savoir si l'on n'est pas devant un paysage autrement plus désolant : celui d'une jungle politique où la course à l'occupation de tous les lieux du pouvoir aurait fait perdre aux dirigeants toute direction judicieuse et rationnelle ainsi que les repères élémentaires de l'éthique politique, du respect du droit et des institutions.
Quelle que soit la réponse, elle n'élude pas la responsabilité historique devant laquelle se trouvent ces dirigeants: se départir de leur ambiguïté, se prononcer sincèrement, clairement et efficacement sur des dossiers aussi brûlants et décisifs les uns que les autres. L'important à ce stade n'est plus autant de trouver des solutions immédiates ou de réitérer des promesses électorales impossibles à tenir, mais de tirer les leçons d'une saison de pouvoir et de tâtonnements. L'important à ce stade est de considérer enfin l'intérêt national et d'en référer au consensus autour de cet intérêt — à commencer par la constitution et de la nature du régime — au lieu de s'obstiner à asseoir encore l'argument d'une légitimité électorale durement confrontée à l'usure du pouvoir.


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