Depuis la révolution, le choix de la Tunisie en matière de politique monétaire a été celui de l'expansionnisme, un choix qui avait pour objectif d'accompagner la relance économique. A cet effet, on n'a cessé de baisser le taux directeur, d'approvisionner le marché en liquidités et de baisser le coefficient de réserves obligatoires. Cette politique aura, souligne l'économiste et universitaire Abdeljelil Bedoui, permis de modérer la récession ( -2% en 2011) alors qu'elle aurait pu être plus grave. Un choix qui aura, aussi, permis d'éviter la faillite de quelques banques et d'un nombre important d'entreprises. Cette politique n'a, cependant, pas permis de relancer l'investissement qui a diminué notamment en 2011, marquant un recul de 10% et a, largement, contribué à l'émergence de pressions inflationnistes relativement fortes, d'où une diminution de la valeur du dinar. A.Bedoui note que pour la première fois depuis la révolution et sur recommandation du FMI, la BCT vient d'augmenter son taux directeur de 25 points, le TMM est, ainsi, passé de 3,5 à 3,75%. Une décision qui ne fait que consacrer une tendance à la hausse du taux sur le marché monétaire, tendance qui résulte, elle, d'une augmentation du besoin en liquidités. En effet, les liquidités injectées dans le marché, en juin, se sont élevées à 4.788 millions de dinars, 5.185 MDT en juillet et 5.255 MDT en août. Ainsi, selon notre spécialiste, l'augmentation du taux directeur aura, simplement, consacré la tendance du marché tout en tentant de réduire la demande en liquidités. Il trouve que c'est, aussi, une manière d'anticiper sur une éventuelle aggravation des tendance inflationnistes et de s'aligner sur les recommandations du FMI. La question qui se pose ici est celle relative à l'impact éventuel de cette augmentation du taux directeur sur l'investissement et la relance économique, relève-t-il encore. Pour sa part, A.Bedoui pense que cette décision n'aura pas d'impact notable sur la croissance et l'investissement, «d'abord parce que cette variation n'est pas très importante et ensuite parce que le taux d'intérêt réel demeure négatif dans la mesure où le taux d'inflation reste supérieur au taux d'intérêt révisé, sans oublier que depuis la révolution et en dépit des baisses répétitives du taux d'intérêt, l'investissement n'a pas bougé, ce qui nous permet de conclure qu'au-delà de ce taux directeur, la relance des investissements demeure tributaire du climat des affaires encore altéré par l'insécurité». Par ailleurs, cette augmentation du taux directeur participera, selon M.Bedoui, à alourdir davantage la dette de ceux qui sont déjà endettés aussi bien du côté des entreprises que des ménages. Il pense, pour sa part, que l'avenir de la politique monétaire et de la relance économique dépend, surtout, de la résolution d'un certain nombre de problèmes structurels. Il cite, à ce propos, la réforme d'un secteur bancaire actuellement accablé par les créances douteuses et la prévalence de garanties surévaluées, un secteur qui souffre, aussi, de fragilités permanentes relatives aux tailles réduites des banques, aux faibles capitaux, à l'absence d'encadrement des crédits et au manque de transparence. La fragilité du système productif, principalement constitué de PME familiales fortement endettées, l'absence de coordination entre politique monétaire et politique fiscale et le non-respect des institutions et de l'importance de l'autonomie de la BCT dans la gestion de la politique économique en général et de la politique monétaire en particulier sont d'autres faiblesses citées par M.Bedoui en tant que freins à la relance économique. Il pense, par ailleurs, qu'à court terme il n'y aura pas beaucoup de changements au niveau de la politique monétaire car l'économie va encore avoir besoin de liquidités. Cependant, souligne-t-il, «les autorités devront rester prudentes en veillant à ne pas alourdir l'endettement des opérateurs par des hausses inconsidérées des taux d'intérêt et à maîtriser les pressions inflationnistes tout en évitant de recourir à une réduction inconsidérée de la valeur du dinar». Aujourd'hui, le déficit de la balance extérieure représente 5,2% du PIB, notre interlocuteur souligne que dans ces condition et afin de préserver la compétitivité des exportations tunisiennes, une réduction de la valeur du dinar peut devenir tentante, un choix à bannir dans tous les cas. Selon lui, il faudra plutôt penser à réaliser des gains de productivité et à améliorer la qualité des produits exportés pour compenser la hausse inflationniste. En conclusion, il note qu'une politique expansionniste est justifiée en temps de crise et qu'étant donné que les perspectives de l'exportation sont limitées, il faut miser sur la demande intérieure (consommation et investissement). Il note, à ce propos, que les insuffisances de la démarche tunisienne consistent, entre autres, dans le fait que la relance ne s'est faite que par la consommation et que le budget de l'Etat n'a pas accordé suffisamment d'importance aux investissements directement productifs; en effet, les dépenses de gestion représentent 27% du budget, les dépenses en capital 13% et celles allouées aux investissements directement productifs ne représentent que 0,6%. Sans oublier que la relance a été financée par un recours excessif à l'emprunt en s'alignant sur les mêmes choix économiques au lieu de revoir le système de répartition.