Le fiasco des élites nationales des jeunes interpelle les consciences et invite à une sérieuse réflexion sur la stratégie à entreprendre. Des cadets aux olympiques, les sélections nationales des jeunes marquent le pas. A l'image de l'équipe U20, tombée au seuil du dernier tour éliminatoire de la Coupe d'Afrique de nations 2013 à Alger, elles brillent par leur absence dans les phases finales des championnats d'Afrique ou des coupes du monde. Pourtant, le constat est récurrent: cette incapacité à atteindre le palier supérieur revient avec une régularité exaspérante. La dernière fois où les Aiglons ont fait parler d'eux, ce fut au Mondial U-17 de Corée du Sud. L'été 2007, les cadets, conduits par Maher Kanzari, accédaient jusqu'au deuxième tour de la phase finale où ils se faisaient éliminer par la France. Mais déjà, le fait de passer le premier tour, la fameuse phase de poules, représentait en lui-même une première. En effet, aucune sélection nationale de football n'avait jusque-là réussi à franchir le cap du premier tour d'une coupe du monde, une sorte de seuil psychologique infranchissable. Que ce soit l'équipe A ou les équipes des jeunes (les juniors à Tunis 1977, à Moscou 1985...; les Olympiques à Rome 1960, Séoul 1988, Athènes 2004), la règle de conduite était le fameux «un tour, et puis s'en va»! Autre élément de constat : beaucoup trop de déchets, chemin faisant : le talent se perd dans la nature bien avant d'atterrir dans le giron de l'équipe «A». «Que reste-t-il maintenant de la superbe sélection U-17 de Kanzari?», s'interroge Mondher Kbaïer, entraîneur de l'Etoile du Sahel et ancien sélectionneur olympique. «Tout juste trois ou quatre éléments qui ont percé au plus haut niveau, les Bilel El Ifa, Youssef Msakni, Nour Hadhria... et les autres, que sont-ils devenus?», ajoute l'ancien directeur technique du centre de formation de l'ESS, un véritable spécialiste en matière de jeunes. «Nous entretenons toujours une perception erronée, sinon anachronique du contenu de la politique de formation. L'expérience a démontré les limites de l'attitude consistant à «enlever» le jeune de son milieu familial pour le jeter dans un centre, loin de ses parents. Pour les jeunes entre 12 et 15 ans, un tel déracinement est tout à fait contre-productif. On s'en est rendu compte en Europe. Chez nous, ce n'est malheureusement pas encore le cas, on continue d'ignorer superbement l'environnement familial, vital dans la maturation et le développement de la personnalité du jeune footballeur», déplore Kbaïer. «La DTN doit donner le tempo» L'échec le plus récent, celui de la sélection U20 tombée en juillet dernier au 2e et avant - dernier tour qualificatif pour la CAN 2013, contre un Gabon pourtant à la portée, rappelle à quel point le gâchis est énorme. «Nous devons dresser le bilan et éviter de répéter les mêmes erreurs», insiste le directeur technique national, Youssef Zouaoui. «Il y a un programme présenté dernièrement au bureau fédéral qui tente de rendre plus efficaces les centres de formation et les centres sectoriels. La direction technique nationale doit donner le tempo : elle trace la stratégie, puis on choisit le sélectionneur qui doit mettre en application cette même stratégie. Les choses ne peuvent pas se passer autrement», explique Zouaoui. «Dans le cas du team national olympique, l'échéance peut paraître lointaine. Les prochaines olympiades, ça sera l'été 2016 à Rio, au Brésil. Mais c'est déjà demain. Il faudra choisir un noyau de joueurs natifs de 1993-94 et travailler avec afin d'en faire un ensemble compétitif. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte : le temps de jeu, le nombre de matches internationaux... Pourtant, cela risque de se révéler parfois insuffisant comme le démontre l'équipe U20 qui a bénéficié d'un nombre record de jours de stage et de matches disputés (pas loin de la vingtaine). Il n'y a jamais de garantie. Les ingrédients du succès, la direction technique nationale doit aider les staffs techniques à les trouver», suggère le DTN chargé des équipes nationales et du Centre national de formation des jeunes qui espère pouvoir exposer dans les meilleurs délais sa stratégie dans un point de presse qu'il entend convoquer prochainement. En tout cas, les sélections nationales des jeunes sont très loin des standards internationaux, dont ceux des pays africains situés aux premiers rangs mondiaux (Nigeria, Ghana, Cameroun, aujourd'hui la Gambie, le Botswana...) «Nous avons longtemps snobé le foot d'Afrique Noire, oubliant qu'il accomplit un travail formidable à la base, constate le coach de l'ESS, Kbaïer. Grâce à une meilleure infrastructure, les plus petits pays du continent progressent à vue d'œil. A l'exemple du Botswana qui a éliminé il y a quelques années la Tunisie des Jeux olympiques». Il reste pourtant à vérifier si les milliards investis ces dernières années par les plus grand clubs du pays dans de coûteux recrutements de joueurs étrangers ne sont pas dépensés aux dépens de la politique de formation. Et si cette recherche du prêt-à-porter n'affecte pas sérieusement la marge de manœuvre au sein du vivier des sélections nationales, la responsabilité des clubs est, on le devine, totalement engagée dans la faillite de la politique de formation.
