A défaut d'une réponse favorable, d'autres grèves sont probables quitte à ce qu'elles soient ouvertes Suite à de vaines négociations avec le ministère de la Santé, entamées depuis déjà trois mois, le bureau exécutif de l'Union régionale du travail de Tunis, le syndicat régional des médecins, des pharmaciens et des dentistes de la santé publique ont organisé, hier à Tunis, une assemblée générale pour décider, ensemble, de la démarche à envisager dans l'optique d'insister davantage sur l'impératif, pour le ministère de tutelle, de répondre favorablement à leurs recommandations. Présidant l'ouverture de cette réunion, le Dr Mohamed Hédi Souissi, représentant le syndicat régional des médecins, des pharmaciens et des médecins dentistes de la santé publique, a rappelé à l'assistance les démarches passées, entreprises depuis le 19 juillet 2012; des démarches ayant pour finalité d'asseoir un dialogue bilatéral et responsable entre le syndicat et le ministère de la Santé publique et de rendre aux médecins et pharmaciens exerçant dans le secteur de la santé publique leurs droits les plus légitimes et leur dignité en tant que compétences tunisiennes de mérite. Une tentative qui n'a trouvé ni échos ni coopération de la part de la partie officielle. «Nous avons porté le brassard rouge le 19 juillet 2012 en signe de recommandation d'indemnisation des médecins urgentistes. Une seconde et semblable initiative a été organisée, rappelons-le, le 19 août au service des urgences situé à Montfleury. Puis, nous avons généralisé cette démarche pour toucher les hôpitaux de Tunis; une action approuvée par 90% des médecins. Cependant, et jusqu'à nos jours, le ministère de la Santé publique n'a manifesté aucune réaction favorable», souligne le Dr. Souissi. Les recommandations tournent autour de droits sociaux et professionnels. M. Souissi a évoqué, d'abord, l'éventuel projet du ministère qui consiste en la programmation d'une vacation d'après-midi dans les dispensaires. Ce projet s'avère contesté par les maîtres de la profession, dont le Dr. Ben Amor, endocrinologue à l'hôpital Mongi-Slim. «Cette vacation est carrément inutile. Dans les années 80, nous avions tenté l'expérience dans le but d'assurer aux patients des soins nécessaires et ponctuels, dont les injections de l'après-midi; le changement de pansements etc. Nous avons depuis quelque temps essayé d'introduire une consultation l'après-midi, une tentative qui a causé plus de tumulte au niveau des vacations du personnel que de confort pour le patient. Pour remédier à cela, certains ont programmé des consultations l'après midi fixées entre 12h00 et 14h00, ce que je trouve absurde», indique Dr Ben Amor. Un avis que partage, d'ailleurs, la plupart des médecins présents à cette réunion générale, dont M. Faouzi Touil, secrétaire général du syndicat régional de Ben Arous. Pour M. Touil, il est nécessaire de peser le pour et le contre d'une telle mesure. En tant qu'urgentiste de carrière, il affirme que le pic des urgences se situe à l'intervalle de temps allant de 19h00 à 23h00. «Est-il vraiment indispensable de mobiliser toute une équipe médicale et paramédicale pour l'après-midi ? Je pense que non. D'ailleurs, ajoute-t-il, même en termes de dépenses, ce serait une inévitable perte d'argent». Un autre intervenant a insisté sur la nécessité de restructurer le ministère, de renforcer le contrôle, de payer le personnel avant de se hasarder dans des projets recommandant une surexploitation des équipes. Autre recommandation: les augmentations salariales des médecins du secteur public desquelles ont été, inexplicablement, exclus les médecins, pharmaciens et médecins dentistes de la santé publique. «Pourtant, nous avons les mêmes diplômes et les mêmes compétences que nos confères qui ont bénéficié de ce droit», précise le Dr. Souissi. Par ailleurs, l'orateur évoque le problème de passage de grade; un droit jusque-là dépourvu d'une législation claire et efficace. Il parle également au nom des urgentistes dont certains ont passé plus d'une dizaine d'année dans ce service et qui désirent être mutés dans un autre service. «Or, fait-il remarquer, les mutations n'obéissent, semble-t-il, à aucune logique de priorité». D'un autre côté, M. Touil a évoqué l'un des problèmes majeurs qu'endurent de plus en plus le cadre médical et paramédical urgentiste, à savoir celui de la violence. Il souligne que les patients ne sont pas conscients que les moyens et les conditions de travail dans ces services sont restés dans le même stade déplorable. Leurs réactions s'avèrent souvent fort déplacées, et ce, au détriment, évidemment, de la dignité du médecin et des paramédicaux. Certains intervenants ont mis l'accent sur les conditions de travail lamentables qu'endurent les médecins de la santé publique; des conditions jugées inadmissibles d'autant que l'administration bénéficie de plus de confort. Un médecin a également attiré l'attention sur l'attribution excessive des carnets blancs qui permettent à certains patients à faibles revenus de bénéficier gratuitement de médicaments. «Or, la pharmacie de l'hôpital connaît souvent un déficit au niveau de certains médicaments. Le patient, lui, ne peut comprendre ce genre de lacunes et nous accuse de le priver de son droit aux médicaments», note un médecin. Prenant la parole à son tour, M. Habib Jerjir, secrétaire général adjoint de l'Ugtt, condamne l'impasse communicationnelle imposée par la partie officielle. Il rappelle que la révolution visait, en outre, à bannir la manie des décisions unilatérales et asseoir les fondements du dialogue franc et fructueux entre la tutelle et le syndicat. M. Jerjir pointe du doigt le laisser aller du ministère de la Santé publique et le recours du ministre à des mesures verticales. «Le secteur de la santé publique, indique l'orateur, est une priorité de la société tunisienne. Si l'on continue dans cette démarche unilatérale, le droit à la santé risque de se convertir en une marchandise commercialisée, réservée au patient qui paie le plus». Après le débat, l'assistance s'est mise d'accord sur la nécessité de passer à la phase successive, celle des grèves. Les médecins, pharmaciens et dentistes de la santé publique décident d'effectuer une grève régionale dans les établissements de santé de Tunis, et ce, le 10 octobre 2012. «Si nos requêtes étaient encore une fois ignorées par la partie officielle, nous serions dans l'obligation de mener une grève de trois jours ou même une grève ouverte», souligne le Dr Souissi.