Par Abdelhamid GMATI On apprend que les biens mal acquis par les proches de l'ex-président Ben Ali ont été identifiés. La commission de confiscation les a établis à 398 sociétés à participation, 400 propriétés et plusieurs autres biens. On savait que la famille mafieuse faisait «des affaires louches» mais on découvre maintenant, avec effarement, l'ampleur de leurs malversations. Tout cela a été estimé à 13 milliards de dollars. On sait aussi que des avoirs financiers importants ont été placés à l'étranger ; encore que là il faudrait se montrer précis. Des pays comme la Suisse ou des villes comme Dubaï ont nié l'existence, chez eux, de comptes bancaires de Ben Ali. Ceci étant, il y a lieu de s'interroger, avec certains économistes, sur l'évaluation qui en a été faite et sur le devenir de ces biens. M. Slim Besbes, ministre des Finances par intérim, précisait, il y a quelques mois, que «L'Etat tunisien n'est actionnaire que de manière accidentelle dans ces sociétés. La saisie de ces biens de toute nature, pas seulement en participations, n'est en aucune manière une nationalisation». Il annonçait, fin août, que des entreprises confisquées seront mises en vente à partir d'octobre. Ces cessions devraient rapporter au moins 1200 millions de dinars ; or d'après des économistes et financiers, 150 entreprises diagnostiquées dans divers secteurs ont été évaluées à 4 milliards de dinars. Il y a là une différence notable à clarifier. Voudrait-on les brader ? On répète que les recettes serviraient à financer des projets de développement régional et à soutenir les personnes démunies. Est-ce pour faire taire les interrogations ? Pourquoi cette hâte ? Logiquement et dans un souci de clarté et de transparence, il serait utile d'identifier ces entreprises, d'en publier les noms, le type d'activités, le nombre d'employés, le chiffre d'affaires, etc. Et il ne faut pas oublier que nombre de ces entreprises ont bénéficié de crédits bancaires. Le même ministre parle de 2.700 millions de dinars qui doivent être remboursés aux banques. Idem pour les autres propriétés qui devraient être identifiées, rendues publiques et estimées à leur véritable coût. Le même processus de clarté devrait accompagner les 1 830 propriétés du RCD. Passe que des voitures et autres bureaux soient utilisés mais a-t-on le droit de s'approprier des propriétés acquises légalement ? Un peu de transparence ôterait toute suspicion et toute équivoque. Autre sujet de préoccupation : la vente des terres agricoles à des étrangers. Au mois de juillet dernier, M. Ridha Saïdi, ministre conseiller auprès du Premier ministre, parlait de la promulgation, dans le cadre de la révision du Code d'incitations aux investissements, d'une nouvelle législation permettant à des étrangers, en particulier des investisseurs des pays du Golfe (Qatar), de s'approprier des terres agricoles. La loi actuelle permet aux étrangers d'investir dans l'agriculture, en procédant entre autres à des locations, mais il n'est permis en aucun cas à un étranger d'acquérir un terrain agricole. La Tunisie avait bravé les difficultés en nationalisant les terres agricoles en 1964, que s'étaient appropriées par les colons. On sait les dangers que cela peut représenter pour l'indépendance et la souveraineté nationale. Un autre sujet suscite des interrogations ces jours-ci : le gaz de schiste. C'est louable de la part du Gouvernement de se préoccuper de l'énergie dont a besoin le pays et de vouloir rechercher de nouvelles ressources en gaz. D'après les experts tunisiens et étrangers «le danger de cette exploration ne réside pas dans le gaz extrait mais dans la technique d'extraction: le procédé s'appuie sur le forage directionnel (souvent horizontal), associé à la fracturation hydraulique (provocation de microséismes) d'un grand nombre de puits. La fracturation est obtenue par l'injection d'importantes quantités d'eau à haute pression dans la formation géologique, autour du point d'injection (10.000 à 15.000 m3 par forage)». Outre le fait que nous ne disposons pas de l'eau nécessaire, les conséquences seraient désastreuses sur l'environnement et la santé humaine. Il est à craindre que toute la région soit transformée en un désert impropre à la vie. Nombre de pays, comme la France, le Québec ont interdit ce genre d'exploration. Au Canada et aux USA où cela a été toléré, tout se fait sous haute surveillance et ces pays sont vastes. Le danger subsiste même chez eux. Alors ? Pourquoi le Gouvernement qui multiplie les dénégations et les explications, n'écoute-t-il pas le jugement des experts ? Répétons-le : tout cela mérite de la clarté et de la transparence. Pour la quiétude de tous. Et cela ne coûte rien si l'on n'a rien à cacher.