Le mercredi 26 septembre 2012, la grande cantatrice des années 1940/50 Hassiba Rochdi nous quittait à l'âge de 94 ans. Hassiba Rochdi a commencé sa carrière à Sfax, découverte par le cithariste Mohamed Nabli. Elle interprétait, à ses débuts, des chansons égyptiennes de l'époque, telle celle d'Om Kalthoum : Jannet naïmi fi hawaki. Avant d'être invitée à Tunis par Fethia Khaïri, Hassiba a joué avec Mohamed Jammoussi à Sfax une pièce de théâtre intitulée Ezzahra. Dans le milieu professionnel de la chanson, elle fit la connaissance de Mohamed Triki (1900/1999) et l'épousa. Ce dernier forma un orchestre spécialement pour elle, et quel orchestre ! Ali Sriti et Hédi Jouini au luth, Salah Mahdi au «naï», Brahim Salah au «qanoun»... Encore une fois, c'est Fethia Khaïri qui présenta Hassiba à Béchir Rsaïssi qui l'emmena en France avec Fethia, Brahim Salah, Mohamed Jabbouzi (cithariste) et Mohamed Jammoussi pour enregistrer des chansons; c'était en 1937. La première chanson sur disque à 78 tours s'intitulait : El âchaga hargetli glaïbi. Elle affirme dans une interview que cette chanson est composée par Mohamed Triki, et n'est pas du patrimoine populaire. Elle a également chanté Sag najaâk sag, reprise plus tard par Saliha. Hassiba Rochdi a jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale chanté un grand nombre de morceaux de Mohamed Triki, Hédi Jouini, Ali Riahi et Sayed Chatta. Son départ pour l'Egypte en 1948, a fait que ses propres chansons furent interprétées par d'autres chanteuses, sinon par les compositeurs-chanteurs de ces œuvres, comme c'est la cas de Hédi Jouini qui a chanté et enregistré à la radio nationale Lamouni illi gharou mimi, Taht El Yasmina, Yitfinari, Samra ya samra... Ali Riahi, qui écrit la musique de ses propres chansons et qui ne compose pas beaucoup pour les autres, a spécialement offert à Hassiba Ma habbitech et Ezzaman min ghir habib. Lors de son voyage aux USA à l'issue de son mariage avec le vice-consul des Etats-Unis en Tunisie, elle a eu l'occasion de faire connaître la chanson tunisienne et a présenté entre autres Ma habitech avec un grand orchestre occidental. La série de galas aux Etats-Unis s'intitulait: «Hassiba's nights» (Les nuits de Hassiba). Les chansons les plus connues de Hassiba sont surtout celles composées par Mohamed Triki Mahlaha tadhbilet aïnek, Jismi baïd âlik, Ya rikibin el khil, goulou'l haoua, interprétée plus tard par Hana Rached. L'une des chansons les plus authentiques après «El âchaga» est celle de Mohamed Ennouri : «Sir, sir sir ya lazreg sir». Son séjour en Egypte a enrichi sa carrière; elle a joué dans dix films égyptiens où elle était la vedette, ainsi que dans trois longs métrages italiens. Quant aux chansons dans le pays du Nil, elle collabora surtout avec Ahmed Abdelkader («Ich betrid» et «Laws kan hawak»). En rentrant au bercail, sa mère l'a priée (ou obligée) de rester en Tunisie, ce qu'elle fit. Le retour définitif en 1956 lui fit perdre son contrat avec Houcine Sedki, ainsi que tous ses papiers, coupures de presse, etc; mais les films existent toujours. Ils sont parfois projetés par les stations satellitaires. Hassiba Rochdi a joué dans quelques fictions tunisiennes dans les années 60-70 dont «Sous la pluie d'automne» de Mohamed Lekhchine et deux films de Omar Khlifi et quelques feuilletons. Cette artiste, qui a tant aimé son pays, aurait pu être plus célèbre et plus présente, n'étaient-ce ces interruptions et ces séjours en Egypte au moment où le cinéma était en plein essor. Paix à son âme.