Il est une tradition à Bizerte qu'on perpétue maintenant depuis des siècles, au bord de la mer. Il s'agit de la pêche au mulet (muge), ce poisson très recherché pour la qualité des œufs de la femelle, appréciés tout particulièrement par l'homme-connaisseur, le fin gourmet. Une tradition bizertine donc qui remonte à l'époque romaine et que l'on peut observer dans certaines villes situées sur le littoral de la Méditerranée. En effet, de fin août à début octobre, les côtes de Bizerte, notamment à Sidi Salem, Ras El Blatt, Sidi El Béchir, Sidi Mechreg, sont investies par des marins-pêcheurs prêts à «bondir» pour «piéger» le fameux poisson. Il n'y a pas si longtemps, on pratiquait la technique de «damessa» pour pêcher le mulet. Selon M. Chekib Zouaoui, issu d'une famille de marins-pêcheurs de père en fils, cette technique est basée essentiellement sur des filets et des cannes de roseau sous forme de «lit-receptacle» destiné à recueillir les poissons qui s'échappent des filets. Aujourd'hui, cette pratique est totalement dépassée d'après notre interlocuteur, la pêche s'effectuant principalement avec des filets de type «bormitara» et surtout à l'épervier (tarraha). On attache un mulet femelle pêché à l'aube et qu'on traîne au bord de la mer, peu profonde, pour attirer les mulets mâles lors de la saison dite des amours. Après la pêche, on passe alors à l'extraction des œufs, une opération menée avec beaucoup de délicatesse et de professionnalisme. Les œufs sont ensuite salés et séchés suivant le respect des règles (climat, température, durée, dose, etc.) pour être bien conservés. Et l'on obtient ainsi la fameuse boutargue (ou poutargue), dite également le caviar méditerranéen, dont le kilo peut atteindre les 200 dinars. Notre source précise que ces œufs de mulet sont fort nutritifs, voire aphrodisiaques... La boutargue est généralement consommée, accompagnée de boissons «légèrement» alcoolisées, parfois trempée dans de l'huile d'olive.