ISLAMABAD (Reuters) — Robert Gates s'est attaché hier devant la nouvelle génération d'officiers pakistanais à combler le "déficit de confiance" qui altère la coopération entre les Etats-Unis et le Pakistan dans la lutte contre les islamistes. Dans un discours à l'Université de la défense nationale, la plus prestigieuse académie militaire du Pakistan, le secrétaire américain à la Défense a souligné que cette défiance était le fruit de la propagande orchestrée par leur ennemi commun. Il a rappelé qu'il était membre du gouvernement en 1989, lorsque Washington a commis une "grave erreur" en abandonnant l'Afghanistan à lui-même et en renonçant à ses liens militaires avec le Pakistan après l'expulsion par les guérillas afghanes des forces d'occupation soviétiques. "C'est en grande partie la raison de ce déficit de confiance, tout à fait réel et tout à fait compréhensible, qui nous rend la tâche plus difficile pour affronter la menace commune de l'extrémisme", a déclaré le chef du Pentagone. Robert Gates est arrivé jeudi au Pakistan pour une visite visant à accentuer la pression sur Islamabad pour qu'il engage le combat contre les talibans afghans réfugiés sur son sol, d'où ils attaquent les forces américaines et mènent leur insurrection en Afghanistan voisin. Mais après s'être heurté à un nouveau refus de l'état-major pakistanais, soucieux de consolider ses acquis et de ne pas écarteler ses forces, il s'est employé à ne pas en demander plus à un pays que l'insistance américaine irrite. L'armée pakistanaise a lancé ces derniers mois, dans la vallée de Swat ou la région tribale du Waziristan, de vastes offensives contre les talibans qui s'en prennent aux intérêts nationaux, mais elle ne veut pas aller plus loin. Pas de vue sur le nucléaire Selon les analystes, Islamabad considère les talibans afghans comme un rempart à l'influence de son rival indien en Afghanistan et comme un allié potentiel dans le cas où les Etats-Unis viendraient à quitter l'Afghanistan, ce que beaucoup de Pakistanais redoutent, et laisser derrière eux le chaos. Devant les futurs cadres de l'armée, Robert Gates a salué les succès militaires récents et a souhaité qu'une pression plus intense soit exercée sur les factions afghanes. "C'est seulement en faisant pression sur ces groupes des deux côtés de la frontière que l'Afghanistan et le Pakistan pourront se débarrasser de ce fléau", a-t-il dit. Mais il avait souligné auparavant devant la presse qu'il reviendrait au Pakistan de décider quand agir : "Les responsables pakistanais décideront eux-mêmes de ce qui sera le meilleur moment pour leurs opérations militaires." Si l'armée exclut pour l'heure une nouvelle offensive d'envergure, les observateurs la disent susceptible de frapper des cibles précises, notamment des bastions de talibans afghans ou d'Al Qaïda dans les zones tribales. Les forces pakistanaises, appuyées par des hélicoptères, ont lancé hier une attaque contre des positions islamistes dans les faubourgs de la principale ville du Nord-Waziristan, dans le nord-ouest du pays. Islamabad redoute que le conflit en Afghanistan ne s'étende sur son sol, où les attaques par des drones américains, non évoquées par Gates, suscitent déjà la colère de la population. Soucieux d'apaiser ces inquiétudes, Gates a expliqué: "Il est important de se souvenir que les talibans pakistanais opèrent de concert à la fois avec les talibans en Afghanistan et Al Qaïda, aussi est-il impossible de distinguer ces groupes." Les théories prêtant aux Etats-Unis l'intention de priver le pays de son arsenal atomique ou de vouloir écraser l'Islam, auxquelles adhèrent de nombreux Pakistanais, sont échafaudées par ces groupes "que nous cherchons à détruire", a-t-il dit. "Donc laissez-moi vous dire que les Etats-Unis ne convoitent absolument pas le moindre centimètre du sol pakistanais (...) et que nous n'avons pas le désir de contrôler les armes nucléaires du Pakistan."