Depuis plusieurs semaines, quelques sociétés de mise en valeur et de développement agricole (Smvda) connaissent des difficultés diverses. Les exploitations ont été volées, incendiées et mêmes interdites d'accès. La cause principale de ces actes revient à la colère des employés et des habitants des agglomérations avoisinantes à ces terres. «Ce n'est pas normal qu'une seule personne travaille et gagne seule le fruit de centaines d'hectares, alors que nous sommes au chômage», crie un jeune homme, d'une vingtaine d'années, en essayant de forcer l'un des exploitants d'une Smvda à Mateur à rebrousser chemin. Cet exploitant nous explique que l'affaire est loin d'être une simple contestation contre le droit au travail, «les personnes avoisinantes à mon exploitation souhaitent mettre carrément la main sur les biens de l'Etat. Ils disent que louer un terrain agricole sur plusieurs années est une aberration. Toutes les personnes avoisinantes doivent avoir accès à un bout de terrain pour y travailler et y vivre. Pour moi et pour toutes les personnes qui sont dans ma situation, il s'agit vraiment d'une aberration». L'atmosphère est très tendue. Les routes qui mènent aux champs sont toutes coupées et les querelles ne s'arrêtent pas. Les exploitations sont gardées, jour et nuit, par leurs locataires qui essayent de faire face aux voleurs. «Certains de mes employés sont complices dans les vols que connaît mon exploitation depuis quelque temps. Nous nous relayons, mes enfants et moi, jour et nuit, pour sauver les troupeaux de vaches, les moutons qui restent car certains ont déjà disparu. Nous essayons également de faire attention au reste de notre matériel, qui est très coûteux». M. Z. assure que certains de ses voisins ont tout perdu, matériel, semences, bétail, bâtiments, terres... «Les pertes sont énormes et nous avons bien peur que la situation s'aggrave davantage, surtout après la décision de l'Etat de la révision de la situation de ces sociétés. Il est vrai qu'une partie des revendications populaires avaient commencé juste après la décision de déchéance d'une Smvda exploitée par la sœur de l'ex-ministre A. Zouari et aussi celle exploitée par le fils de l'ancien ministre R. Belhadj Kacem. Nous pensons être victimes de telles décisions, car elles ont été à l'origine de nos difficultés». Morcellement, encore ! D'après M. Z, l'Etat avait le devoir de s'entretenir avec les premiers responsables de ces sociétés pour s'assurer de leur honnêteté. «Nous savons tous que la location sur une longue période de ces terrains ne se fait qu'avec conditions, lesquelles sont établies dans un cahier des charges que nous devons respecter. Il est vrai que certaines personnes ne remplissent pas ces conditions et exploitent des terres domaniales sans raison. Certaines ne sont pas en règle et baignent dans des problèmes de remboursement de crédits aussi bien avec l'Etat qu'avec les fournisseurs. Il y a aussi ceux qui ont dépassé les délais des contrats de location... Personne ne peut nier que les problèmes se posent pour les exploitants des Smvda exactement comme pour les agriculteurs propriétaires de leurs terres. Nous sommes scandalisés par le fait que l'Etat ne nous ait pas contactés pour vérifier ce qu'il nous doit», dénonce notre interlocuteur. Ce dernier affirme que dans son cas à lui, tout va pour le mieux. «Je suis à la tête de centaines d'hectares, et ce, depuis plus de vingt-cinq ans. Je n'ai jamais eu de problèmes d'impayés, je remplis largement mon cahier des charges». Pour M. Z. spécialisé dans les fourrages, son exploitation est très importante pour le secteur agricole tunisien. «J'estime, comme beaucoup de mes collègues de la région, que notre travail est important car nous faisons travailler un nombre important de personnes, petits employés soient-ils ou ingénieurs diplômés. Nous jugeons aussi que nous produisons des blés d'une qualité supérieure et que tout frein à notre activité serait fortement nocif aux réserves de notre Tunisie». D'après son voisin, M. K., la situation doit impérativement se débloquer dans les plus brefs délais : «Nous sommes en période de labour, et le temps presse pour la semence de cette année. Nous aurons dû commencer notre travail il y a quelques semaines déjà, mais avec les problèmes qui se sont posés, notre travail a pris beaucoup de retard. Nous ne pourrons pas nous engager dans un travail tant que nous n'avons pas de réponses claires de la part des départements concernés, aussi bien au ministère de l'Agriculture que des domaines de l'Etat». Les exploitants expriment leur peur et restent réticents quant à la période des récoltes. «Personne ne peut me garantir une bonne récolte en juin prochain, calme et sans incidents. Nous craignons tous les incendies, les vols et surtout une session de nos contrats par l'Etat en cette période. Nous exigeons, donc, et dans les plus brefs délais, des réponses claires de la part des départements concernés. Nous exigeons nous-mêmes des contrôles loyaux, pour que toute personne en règle puisse continuer à travailler». D'après les exploitants des terres agricoles, les décisions doivent être rapides pour ne pas nuire à un secteur clé de l'économie nationale. «Ce n'est pas à nos employés de nous juger et ce n'est pas à eux que doit revenir la décision de la session des contrats. Nous sommes en danger car nos terres agricoles souffrent déjà d'un grave problème de morcellement. Il ne faut pas laisser la possibilité à quiconque d'aggraver cette situation par un nouveau morcellement par souci de justice et de partage “équitable" de biens», conclut M. Z.