La troisième soirée de l'Octobre musical était dédiée à l'Argentine, à son printemps, à sa campagne et à son tango, à travers les œuvres de deux de ses plus grands compositeurs, Carlos Guastavino et Astor Piazzolla. Ce fut au piano de Marcela Roggeri et à la clarinette de Florent Héau de nous faire découvrir tout cela et ce fut, pour le moins qu'on puisse dire, une succulente rencontre qui sentait bon les parfums argentins avec des fragrances intimistes, sensuelles et gaies. Marcela Roggeri perpétue la grande tradition argentine du piano à travers le monde, que ce soit en musique de chambre ou encore à travers des spectacles de sa propre création qui réunissent plusieurs disciplines (danse, poésie, théâtre, etc.). Florent Héau est connu, lui, pour être l'une des plus grandes figures de l'école française de clarinette. Un instrument qu'il fait revivre à travers des concerts, des spectacles de théâtre musical et des master classes qu'il dirige, un peu partout en Europe, en Amérique Latine ou en Asie. Ces deux musiciens étaient parmi nous, vendredi dernier, réunis sur la scène de l'Acropolium de Carthage pour nous convier à un dialogue entre les musiques de Guastavino et Piazzolla, «une musique de printemps et de la campagne et une autre plus urbaine et plus sensuelle», précise la belle pianiste argentine dont les habits pousaient parfaitement l'ambiance romantique et délicate annoncée par le programme. Les premiers morceaux du spectacle étaient donc consacrés à ce compositeur qui a énormément écrit pour voix et pour piano et dont les pièces étaient devenues une référence pour la musique hispanique, surtout pour voix. Sa musique allie avec une grande subtilité romantisme, poésie et sonorités populaires. Quoi de plus approprié, dans ce cas, que la finesse du piano admirablement joué par Roggeri et le son délicat de la clarinette de Héau, afin de garder la noblesse des œuvres de l'Argentin. L'on a pu apprécier cela à travers deux de ses récitals, un solo de piano et un portrait musical, celui de Raita Iglesias, une professeur de musique qui était au conservatoire avec lui. Comme nous l'explique le clarinettiste, ce portrait fait partie d'une série de portraits que Guastavino avait consacrés à des personnages de son entourage. Dans la deuxième partie, les deux musiciens nous ont fait découvrir un tango très gai et très moderne, façon Astor Piazzolla, qui tire sa spécificité de ses multiples rencontres et influences, et dont le bandonéoniste et compositeur argentin était considéré comme l'initiateur. Innovateur, ce dernier fut le premier à avoir introduit une guitare électrique dans un ensemble de tango. Piazzolla était aussi connu pour sa série dédiée aux anges, dont la pianiste nous a, admirablement, offert deux morceaux: Milonga d'el angel et Muerte d'el angel. De retour à l'univers romantique de Guastavino, les deux musiciens n'ont pas manqué de nous proposer, en duo, une de ses compositions les plus connues, Se equivoco la paloma (la colombe s'est trompée). Pour revenir ensuite à un autre classique de Piazzolla, Adios Nonino (adieu les enfants) que le compositeur a écrit dans les années 1960, à la mort de son père et qu'il a offert également à ses enfants. Vers la fin du spectacle et bien drapés, par cette nuit pluviale, par les chaleureux applaudissements d'un public conquis, Marcela Roggeri et Florent Héau nous ont gratifiés d'un dernier morceau de Ginastera — un autre grand compositeur argentin—, La chanson de l'arbre de l'oubli. Une chose est sûre, cet arbre-là n'avait aucune chance d'être transposé à cette soirée. Merci les Argentins.