Ce soir-là, le public venu nombreux, en quête d'une musique qui garde encore une partie de son mystère, s'attendait à une soirée musicale mémorable où la note exotique s'allie au mouvement émancipé du corps. Mais la monotonie s'est vite installée et le dégoût a gagné du terrain sur la passion. Samedi soir, des brises marines caressent la colline. Ici et là, à travers le parvis d'Ennejma Ezzahra, des férus des musiques latines parlent, discutent et gesticulent. Les origines du tango, les mélodies sud-américaines, le tango classique et les caractéristiques du tango-nuevo, orchestrent les débats. Une fois que l'on n'avait plus de quoi meubler l'attente, les applaudissements forts d'un public lassé se faisaient entendre. A ce moment, un trio dont une femme, surgit sur scène. Au début, le groupe a interprété des chansons extraites du répertoire musical argentin. Une manière d'introduire un concert en hommage à Astor Piazolla, ce virtuose qui a révolutionné le tango en y introduisant une rythmique plus dynamique, des harmonies savantes et une structure musicale plus élaborée. Des caractéristiques néanmoins peu présentes dans le travail du quintet, puisque les compositions qu'a présentées le groupe dans la deuxième partie de la soirée, étaient dépourvues de profondeur et de rythme. Même les morceaux extraits de diverses musiques traditionnelles argentines, telles que la zamba , le chamamé, la cueca, la vidala, la chacarera, la chaya et bien d'autres, ont peu séduit un public assoiffé de bonne musique. Une musique qui apostrophe l'âme, la dorlote et la transporte vers d'autres horizons, encore plus vastes et plus sensuels. Par ailleurs, il y a lieu de noter que le bandonéon, instrument le plus important du tango, était peu présent durant la soirée. En plus, les tableaux de danse exécutés par le couple argentin ont laissé voir une platitude fort remarquable. En d'autres termes, peu de connexion entre l'homme et la femme et un rythme machinal de l'expression corporelle. C'est dire que les danses étaient superficielles, et à partir de là, plus proches d'un défilé de mode que d'un mouvement corporel recelant les mystères du tango. Loin d'être ému, un large public a, très tôt, quitté les lieux, désolé et insatisfait d'un spectacle ou plutôt du nuevo tango auquel il a eu droit, qui n'avait rien d'exceptionnel, de captivant, ni même d'esthétique.