Sandy !! Qu'il est beau ce mot !! Une musicalité qui laisse rêveur !! Qui emporte !! Qui emporte dis-je ? Mon côté poétique, ma dimension méditerranéenne m'encourageaient à sortir pour accueillir Sandy !! «Armée» de mon appareil photo je suis allée faire un tour dans la ville de Jersey City. Il commençait déjà à pleuvoir, le ciel était presque noir, un vent à décorner les bœufs soufflait. Sandy débarquera et montrera sa bave bientôt !! Les rues se vidaient rapidement, sauf quelques curieux, comme moi, avec leurs appareils photo pour cristalliser ce moment d' inquiétude et d'angoisse. Je me suis approchée de la rivière, (the Hudson River) difficilement, toutes les rues ont été coupées par des rubans jaunes, (zone très dangereuse). Ceux qui habitaient au bas de la ville étaient obligés de quitter leurs maisons par précaution. Les eaux commençaient à grignoter une partie des rues. La ville entrait dans un silence sinistre... «Ne vous inquiétez pas, disait un voisin, Sandy sera clément comme l'ouragan Irene de l'année dernière...». Mais Sandy rampait vers la ville avec un bruit assourdissant. Une course contre la montre pour acheter quelques victuailles et m'enfermer chez moi. Une galère !! A 20 heures le vent devint violent. En un clin d'œil, la ville fut plongée dans l'obscurité !! Plus de courant à Jersey et New York !! Aucune source d'information, pas de réseau, pas d'internet. Le noir absolu ! Le lendemain, grelottant de froid, tout le monde était dehors, en quête d'une quelconque information sur la nuit terrifiante de Sandy. Le seul moyen était les radios des voitures pour glaner une information ou pour recharger les téléphones !! Mais pas de couverture de réseau !! Je voyais les gens tenant leurs portables, inquiets, marchant comme des zombies, essayant désespérément de trouver une faille dans le ciel qui laisserait pénétrer un semblant de «réseau» et qui montraient leur téléphone du doigt au premier rencontré s'il avait un signal. Tout le monde répondait par un «non» de dépit !! Un paysage désolant s'offrait à nous : routes défoncées, arbres arrachés, voitures cabossées... Les rares magasins ouverts donnaient une lampe électrique (un flash light) aux clients, pour circuler entre les rayons; mais souvent avant même d'y mettre le pied, on nous annonçait la mauvaise nouvelle : «No candles, no batteries, (pas de bougies et pas de batteries) !!» Comble de l'ironie, des gens vendaient des bougies d' anniversaire !! Au début tout le monde trouvait cette situation drôle, «amazing»; mais le fardeau devenait de plus en plus lourd !! Le jour d'Halloween, tout le monde était déguisé, enfants, bébés, adultes et vieux. Ils marchaient dans les rues avec leurs masques. Les files devant les magasins et les stations d'essence étaient impressionnantes ! Plus de pain, plus d'eau !, Tout est «sold out» ! Plus rien dans la ville !! Les tunnels de Jersey City à Manhattan exigeaient au minimum trois personnes dans chaque voiture pour pouvoir les traverser afin d'aider les personnes non motorisées... Quelques bus étaient gratuits. Une troisième nuit sans électricité... Le premier réflexe dès l'aube était de courir vers le réfrigérateur pour voir s'il s'était remis en marche et jeter un coup d'œil par la fenêtre pour savoir si les voisins avaient de l'électricité !! Abattus, mais l'habitude commençait à s'installer. On remplissait une bassine d' eau, on mettait le four à 500 degrés pour réchauffer la maison avec la vapeur !! Pour dénicher quelques «news», on sortait discuter avec le voisin !! Les gens ne pouvaient plus aller travailler !! Plus d'essence !! Cinq heures de file d'attente dans un froid polaire, un bidon rouge à la main, pour remplir un maximum de 20 dollars !! Partout des files d'attente pour les bougies, les batteries... Ce rituel durera huit jours Petit à petit le courant «se rétablissait». Pour avoir accès à Internet et un peu de couverture réseau, c'est à Starbucks, un café, que tout le monde se donnait rendez-vous, ramenant leurs ordinateurs et leurs portables, pour écrire, travailler ou tout simplement boire un bon café et rester bien au chaud. On attendait qu'une prise de courant soit vide pour vite recharger son portable... Chacun attendait son tour de «prise» !! La chose la plus intéressante, c' est que tout était suspendu : les loyers, le droit de se garer dans les zones autrefois interdites «stage in emergency». Mais, bizarrement, les habitants, qu'ils soient Américains ou d' une autre nationalité, n'avaient pas perdu le réflexe de jeter quelques pièces de monnaie «quarter» dans le bac, quand ils se garaient, j'avais le sourire !! Un sens de civisme sans bornes !! Le jour où «l'Archange» courant éclaira toute la ville, des cris de joie et des hourras montèrent au ciel... Les voisins se félicitaient, s'embrassaient, se donnaient l'accolade !! New York a retrouvé son rythme et Sandy se blottit dans un coin de la mémoire de chaque témoin de ce mauvais souvenir !!