Après avoir haussé le ton, M. Ben Abbes fait des déclarations conciliantes A l'occasion de la première tenue du Conseil national du CPR à Gafsa, le week end dernier, les déclarations des dirigeants du « parti du président », un brin belliqueuses, ont attiré l'attention des politiques et des médias. Si M.Abbou, secrétaire général du parti, a affirmé «le soutien inconditionnel à Ali Laarayedh, ministre de l'Intérieur». Il a en revanche fustigé sans modération les ministères de la Justice et des Affaires étrangères. M. Hedi Ben Abbes, porte-parole du parti, a déclaré pour sa part, que le Conseil national «conditionne le maintien de son parti dans la Troïka à l'adoption d'un remaniement ministériel». Ainsi, à la sortie de cette rencontre, les dirigeants du CPR se sont répandus en déclarations, distribuant satisfecit et blâmes, et parfois même des menaces à peine voilées. Restons au premier degré de l'interprétation. Les répercussions de ces déclarations des chefs cpristes ont fait le tour de la sphère politico-médiatique. On ne pouvait imaginer meilleure publicité à ce conseil qu'on a voulu national, dernière émanation du CPR, qui aurait pu passer sous silence, dans l'indifférence la plus totale. Pour passer au second degré et comprendre ce qu'il en est réellement, La Presse a joint M.Hédi Ben Abbes, secrétaire d'Etat chargé des affaires américaines et asiatiques porte-parole du CPR, qui semble d'emblée avoir tempéré ses propos prononcés tout juste dimanche. «Nous voulons une équipe de choc capable de passer à la deuxième phase» Figure phare de son parti, éminent universitaire, secrétaire d'Etat depuis juin 2012, M.Ben Abbes rajoute à ses multiples casquettes celle de porte-parole de son parti. C'est avec patience et persévérance que cet élu de la circonscription de France 2 s'est frayé un chemin dans la tumultueuse scène politique locale qu'il juge lui-même à la fois «dure et enthousiasmante». On dit de lui qu'il confère un voile de sérénité et de bon sens à un parti considéré comme brouillon et tapageur, usé avant l'heure par le pouvoir. Le Conseil national a tenu sa première réunion les 10 et 11 novembre à Gafsa. Il s'est attribué comme tâche l'évaluation du travail du bureau politique tous les quatre mois, mais également celui du gouvernement. A ce propos, nous déclare M.Ben Abbes, «nous avons identifié quelques domaines où le travail doit être fait d'une manière plus efficace ». Pour ajouter pragmatique : «Nous savons que tous les remaniements dépendent du chef du gouvernement, c'est à lui que revient la décision. La seule instance dans laquelle nous pouvons agir c'est la Troïka, qui elle-même soumet ses recommandations au chef du gouvernement». A cette précaution, M.Ben Abbes qui semble avoir réendossé son habit politique en rajoute une autre : «Ce qui nous intéresse, ajoute le secrétaire d'Etat, c'est la mise en place d'une politique qui soit à la hauteur de la population. Si cette politique doit passer par un remaniement, elle passera mais ce n'est pas un objectif en soi». Avec ces revendications polies, le membre du bureau politique fait savoir que les objectifs n'ont pas été réalisés et que «pour cela, nous souhaitons un deuxième sursaut », mais affirme la totale symbiose de son parti avec le ministre de l'Intérieur : «Nous pensons que les mesures prises dernièrement par le ministre de l'Intérieur témoignent d'une véritable volonté de réformer, notamment avec certaines nominations et surtout au niveau de la politique empruntée, plus stricte au niveau de l'application de la loi». Dans le même ton modéré, mais quelque part vindicatif, notre interlocuteur ajoute que son parti revendique «une participation plus effective aux prises de décision». Et ajoute confiant : «Nos exigences ont été acceptées sans la moindre réserve au niveau de la Troïka». «Certains députés ont rejoint Nida Tounès, cela prouve qu'ils n'étaient pas de véritables cpristes» A notre question : que pèse le CPR ? Notre interlocuteur répond : « Après le départ du président de la République et celui de M.Ayadi qui a fait un choix personnel, et c'est son droit, il y a des députés qui ont rejoint Nida Tounès, cela prouve qu'ils n'étaient pas de véritables cpristes. La question ne se pose plus, et c'est à la limite tant mieux. Sont restés au cpr ceux qui portent ses couleurs, c'est à dire 17 députés. Le CPR reste le deuxième parti en nombre de sièges, c'est la deuxième force du pays, il arrive au 2e rang. Ceci étant, c'est un parti solidaire qui correspond à notre Tunisianité en termes de modération, d'état civil, d'égalité totale homme-femme. En termes de droit universels». «On a ramené Ennahdha dans notre carré et non l'inverse» Dans un ton qui semble très confiant, presque triomphant, le secrétaire d'Etat fait valoir que le CPR ne s'est pas converti à la Charia ni au parlementarisme et précise à ce titre : «Ce qui nous intéresse ce sont les institutions démocratiques, que le travail du gouvernement ne réussisse pas, ça peut arriver à n'importe quel régime. Mais ce qui nous intéresse au plus haut point ce sont les institutions démocratiques et leur construction. Si on rate le virage de la construction, nous le raterons pendant des décennies», analyse-t-il. Et de continuer : «Vous pouvez compter sur le CPR pour qu'il défende bec et ongles ces principes. Nous avons ouvert des brèches, quand on s'est mis d'accord sur l'élection du président au suffrage universel direct, c'est au tour de tous les partis politiques et de la société civile de s'engouffrer dans cette brèche et d'appuyer ces propositions, il est évident que chaque parti défend ses principes, Ennahdha a le droit de défendre les siens. Mais nous resterons intransigeants sur notre conception de l'Etat. Ce n'est pas négociable». Bon à savoir, la Troïka se réunira samedi prochain, il faudra patienter quelques jours pour savoir si ces revendications cpristes trouveraient bonne oreille ou non ? À suivre de près.