Les situations postrévolutionnaires sont problématiques. La nôtre se caractérise par le fait qu'elle s'apparente plutôt à une transition bloquée. On fait du surplace depuis l'élection de l'Assemblée constituante. Les problèmes s'accumulent et les tares socioéconomiques traînent en longueur. A l'échelle des groupes et des individus, la situation est vécue sous le signe du traumatisme. L'augmentation du chômage, la persistance des déséquilibres régionaux et la hausse vertigineuse des prix n'en finissent pas de déprimer le citoyen lambda. Il est plongé dans l'angoisse, tiraillé entre un vécu douloureux et un avenir incertain. Politiquement, les gens ne sont pas en reste. Ils ne savent plus où donner de la tête. Partout, des prédicateurs, des tribuns et des propagandistes. Et qui plus est, sur fond de foire d'empoigne permanente. Toutefois, deux phénomènes, somme toute récents, caractérisent la place. En premier lieu, le nombre de déséquilibrés, déprimés, angoissés graves et caractériels invétérés semble en nette augmentation dans nos murs. Il n'y a qu'à bien scruter certains de ses semblables et porter un regard attentif à leur endroit pour s'en rendre aisément compte. Les médecins l'attestent, eux aussi. Le nombre de gens atteints de troubles psychologiques, à des degrés divers, est en nette augmentation, statistiques à l'appui. Un phénomène sans nul doute passager et dû aux convulsions politico-sociales, aux soubresauts de l'insécurité et à l'inévitable cortège de peurs et de frayeurs. Cependant, le phénomène semble avoir pour terreau de prédilection la classe politique, ou ce qui en tient lieu sous nos cieux. On y remarque depuis quelques mois une irruption des grands angoissés graves et autres personnes atteintes de troubles psychologiques manifestes. Un vent de folie semble souffler sur une partie de la classe politique. Il charrie aussi dans son sillage des propensions à la mythomanie, aux déclarations invraisemblablement fantaisistes et à l'emporte-pièce. Il en résulte par moments des affaires au grand jour sur la base de déclarations non vérifiées. Elles occupent le devant de la scène, notamment dans des médias soucieux d'être aux avant-postes des sujets qui secouent la place. Petites folies et grande mythomanie vont ainsi de pair. Et vicient l'atmosphère politique. Des études appropriées et minutieuses devraient y être consacrées. L'affabulation déborde chez nous du seul domaine de la fiction. Certains protagonistes sont devenus des spécialistes en la matière. Le fait que l'Internet, les réseaux sociaux et la blogosphère prennent le relais de l'enceinte médiatique explique sans doute certaines dérives. Ne nous y trompons pas. Des gens tapis dans l'ombre s'avisent de tirer les ficelles du jeu. L'inconsistance de la classe politique tunisienne, pour des raisons historiques, fait qu'elle se prête en partie au jeu des marionnettistes. D'où la légitime interrogation sur les fondements purement fantaisistes ou réels des mythomanies et mensonges en vigueur sur la place. Ce qui n'exclut guère quelque base objective à certaines constructions globalement chimériques. Des enceintes comme celle des partis politiques, des associations ou des médias n'échappent pas à une certaine piovra. Des manipulateurs et prétendants au blanchiment en tout genre s'y investissent volontiers. Au grand dam de la démocratie et des libertés. Bref, le topo ne s'avère guère reluisant. A se perdre dans l'observation de nos dédales et arrière-boutiques politiques, l'on finit par se fier aux évidences. Il y a encore un long chemin à faire pour que nous puissions disposer d'une vie véritable politique qui se respecte.