Alors que les négociations sur le Open Sky (Ciel ouvert) étaient en cours, les agents et les cadres de Tunisair ont manifesté, à travers leurs syndicats relevant de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), leur contestation par un sit-in organisé près du ministère du Transport. Ils s'inquiètent pour leur entreprise qui risque de passer aux mains d'une autre compagnie—en l'occurrence Qatar Airways—un préalable, selon eux pour sa cession. Selon l'un des manifestants «tous les employés de la compagnie nationale se sont mis d'accord pour sauver, coûte que coûte, l'entreprise pour laquelle ils ont sacrifié durant des années leur temps et leur savoir-faire». D'ailleurs, le chef du gouvernement a été appelé à agir dans les plus brefs délais en vue d'éviter les risques qui pourraient être encourus suite à la décision d'attribution à des compagnies tunisiennes et étrangères des autorisations pour exploiter la ligne Tunis-Paris et notamment à Qatar Airways dans le cadre de l'accord d'exploitation du ciel tunisien à partir de l'Aéroport international Tunis-Carthage. Mme Monia, employée dans la compagnie depuis une vigntaine d'années, expose son cas et les injustices qu'elle a subies : «Le salaire perçu est modique et ne correspond nullement à l'effort déployé. Les promotions tardent à venir et je ne bénéficie pas de tous mes droits. Malgré cela, il est inacceptable que notre entreprise perde des lignes au profit d'une autre compagnie qu'elle soit du Qatar ou d'un autre pays car cela causera un manque à gagner pour notre entreprise qui souffre déjà d'un déséquilibre financier». Avions de dernière génération A noter qu'une lettre de doléances a été envoyée au chef du gouvernement pour dénoncer «le non-respect des autorités de tutelle et de la direction de l'aviation civile de leurs engagements à propos de la préservation de Tunisair qui constitue un acquis national appartenant à tous les Tunisiens». Depuis sa création, la compagnie est passée par plusieurs étapes dans des conditions difficiles, compte tenu de la concurrence ardue qui prévaut au niveau international. Mais la compagnie a réussi grâce à l'injection d'importants investissements à améliorer les prestations offertes et à renforcer sa flotte par l'acquisition de nouveaux avions de dernière génération. Les agents et les cadres ont contribué dans une large mesure à ces performances, ce qui a valu à l'entreprise un classement honorable au niveau mondial. Aujourd'hui, ces mêmes agents et cadres sont contre l'attribution de nouvelles autorisations d'exploitation de la ligne Tunis-Paris-Tunis à des transporteurs nationaux et étrangers. Un cadre de la compagnie estime «que le manque à gagner qui pourrait découler de ces autorisations n'arrange personne, ni l'économie nationale ni la compagnie et encore moins l'effectif. Les responsables auraient dû penser à établir une stratégie en vue de renforcer les recettes de la compagnie sans autoriser une quelconque concession». Pourtant, Qatar Airways a obtenu, en vertu de la 5e liberté de l'air, une autorisation pour exploiter le ciel tunisien et l'Aéroport international Tunis- Carthage. C'est ce que constestent dans l'immédiat les manifestants qui veulent éviter de multiplier de telles autorisations à d'autres compagnies au cours de la prochaine période. Le ministère du Transport défend, de son côté, cette procédure, mettant en exergue ses effets bénéfiques sur la qualité de service sans pour autant léser la compagnie nationale qui va bénéficier, de son côté, de nouvelles lignes dans le cadre de l'Open Sky. A noter que Tunisair fait travailler plus de 8.200 personnes de différentes catégories. Notre interlocuteur estime même que «Tunisair n'est pas actuellement bien armée pour se lancer dans l'Open Sky. La concurrence des autres compagnies étant vive, notre compagnie risque de perdre des lignes au profit d'autres partenaires, ce qui équivaut à un manque à gagner sur le court, moyen et long terme. Commençons d'abord par mettre à niveau notre compagnie qui a bénéficié d'améliorations de prestations qui n'ont pas atteint, néanmoins, le niveau des autres concurrents». Environnement hostile D'où l'importance d'approfondir la réflexion à ce sujet à la faveur d'une étude stratégique tenant compte de tous les risques qui pourraient être encourus, de l'avenir des agents et des cadres, des recettes de la compagnie nationale, des dépenses, de la mise à niveau et de la qualité de service. Par ailleurs, les syndicats et les employés de Tunisair sont pour la révision de toutes les autorisations attribuées en vue de préserver les intérêts de la compagnie nationale qui fait face à des difficultés financières à résoudre pour garantir sa pérennité et relancer ses activités dans un environnement hostile et défavorable. Pourtant, dans le cadre de la 5e liberté, l'aviation civile a le droit d'accorder à un pays l'exploitation de certaines lignes habituellement exploitées exclusivement par la compagnie nationale. «Une 5e liberté accordée au Qatar, explique un agent de la compagnie nationale, autorise toute compagnie qatarie d'embarquer et de débarquer des voyageurs de chaque aéroport tunisien quelle que soit la destination. D'autres compagnies étrangères peuvent agir de la même façon à la faveur de ces autorisations». L'Open Sky donne la liberté de programmer des vols entre le pays d'origine de la compagnie et la Tunisie. La 5e liberté constitue une solution pour les pays dont la compagnie aérienne nationale est sous-performante et n'arrive pas à fournir des prestations de niveau pour les voyageurs. Ainsi cela a été le cas de Tunisair avec le Mali, et Tunisair a pu bénéficier des retombées positives d'une telle procédure aux dépens du Mali et elle a été autorisée, de ce fait, à transporter des voyageurs entre Bamako et Abidjan. Les opportunités africaines dans ce domaine sont multiples, mais ne sont pas totalement exploitées pour diverses raisons. D'autres compagnies sautent sur l'occasion pour augmenter leur chiffre d'affaires. Qatar Airways a, par contre, les moyens et la volonté d'exploiter les opportunités entrant dans le cadre de la 5e liberté. Elle pourrait ainsi organiser des vols en concurrence avec ceux programmés par Tunisair. Autrement dit, les voyageurs qui empruntaient la compagnie nationale—ou du moins une partie—vont désormais opter pour la compagnie concurrente, vu la qualité de service et, éventuellement, les offres alléchantes proposées Les agents de la compagnie nationale sont catégoriques : leur entreprise ne pourra jamais résister à cette concurrence directe imposée par les nouvelles dispositions internationales auxquelles la Tunisie a adhéré. D'autant plus que le transporteur qatari est mieux loti financièrement et dispose d'équipements plus performants que Tunisair. Si elle ne réagit pas rapidement pour mettre à niveau ses équipements et proposer des offres similaires à son concurrent direct, l'entreprise—dont l'actionnaire principal est l'Etat—peut voir sa situation s'aggraver et les agents craignent sa mise à la vente par la suite, ainsi qu'un plan social qui obligerait la retraite anticipée ou le chômage technique. Un mémorandum d'entente qui pourrait être signé entre l'Instance générale qatarie de l'aviation civile et l'aviation civile tunisienne accorderait à Qatar Airways le privilège d'exploiter l'Aéroport international Tunis- Carthage, ce qui inquiète, donc, l'effectif de la compagnie nationale. Ce dernier a manifesté sa protestation contre les dispositions de la 5e liberté de l'air qui autorise notre concurrent à transporter des passagers ou des marchandises à partir ou à destination de l'aéroport tunisien.