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Point d'histoire (II)
Un évènement, un document
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 11 - 2012


Par Omar KHLIFI (cinéaste)
De nombreux pays africains suivirent l'exemple de la Tunisie et créèrent des organismes qui devaient prendre en charge les destinées de leur secteur cinématographique. En effet, le cinéma est une industrie, et les grandes puissances industrielles du cinéma avaient intérêt à empêcher les Etats du tiers-monde d'avoir leur propre industrie cinématographique. Deux sociétés françaises, la Secma et la Comacico, se partageaient le marché africain en lui fournissant 1500 films par an pour les 320 salles de cinémas dont 200 appartiennent à ces deux compagnies, donc gérées et programmées par elles. Contre cette puissante coalition, plusieurs pays africains ont tenté de réagir en affrontant les trusts qui accaparent les réseaux de distribution : ce sont, à l'époque, la Haute-Volta (Burkina Faso), la Guinée-Conakry, le Mali, le Sénégal et le Dahomey, d'autres suivront. C'était une menace très sérieuse et la réaction du PDG de la Comacico, Maurice Jacquin, est très révélatrice lorsqu'il déclare à la revue Show Business du 6 février 1970 « Nous attirons l'attention des services de la coopération sur cette nationalisation des cinémas de Haute-Volta qui, si elle faisait tache d'huile, aurait pour conséquence une projection réduite de films français et, comme nous le constatons déjà, la projection d'un grand nombre de films étrangers de toutes provenances». Il fallait également ramener à la raison les cinéastes africains qui avaient tenté de créer en 1970 un organisme international pour la distribution des films africains. En effet, du 20 au 24 novembre 1970, un séminaire s'est tenu à Dakar pour étudier ce projet. La plupart des 16 pays africains intéressés y étaient représentés.
Hégémonie et pressions
La position de la Fiapf se radicalise davantage, le danger se précise, c'est la panique, elle cherche à se venger de ceux qui sont responsables des tenants et des aboutissants de cette brèche, béante, ouverte dans son dispositif du cadenassage, à son profit, du marché africain. Dans une lettre circulaire adressée au nouveau ministre tunisien Mahmoud Messaâdi, la Fiapf revenait à la charge et menaçait de boycotter ce jeune festival qui osait revendiquer ses choix, son indépendance et sa spécificité. Devant cette levée de boucliers, ainsi que des menaces proférées ouvertement de cesser d'approvisionner le marché tunisien en films, cette fédération de producteurs, forte de sa mainmise sur l'ensemble des écrans du continent africain, à travers ses filiales de distribution, se fait intraitable et impose sa loi. En refusant de se soumettre et de se plier aux choix et décisions des 8 majors qui régissent le cinéma dans le monde, pour T. Chériâa et «SON» festival, le résultat a été net et clair. Il fallait punir cette Tunisie et son «festival» qui donnait le mauvais exemple. La sanction ne tarda pas à venir. Pendant près d'une année, la Tunisie n'a plus eu aucun film nouveau. C'était un ultimatum, le festival devait se soumettre ou se démettre. Ce fut, tout de même, l'occasion pour les cinéphiles de découvrir les cinématographies turques, russes, hindoues, libanaises et même chinoises, etc. Les conséquences de cette audace à vouloir s'opposer à ce système aux relents colonialistes a valu à Tahar Chériâa bien des déboires, allant jusqu'à son emprisonnement, sans jugement, durant plus de sept mois, avant d'être réhabilité dans ses fonctions de directeur des JCC. Nous étions nombreux à soutenir les positions de souveraineté de T. Chériâa. Le festival était notre festival et nous étions en droit de revendiquer et d'assumer légitimement nos choix. Mais les pressions exercées par la Fiapf au niveau des ministres et des ambassadeurs eurent finalement raison de cette farouche détermination de préserver nos acquis de l'ingérence de ceux qui cherchaient à saborder cette initiative pas comme les autres et qui, surtout, gênait les intérêts des grandes sociétés, particulièrement les américaines et les françaises. Il importait pour eux de faire avorter cet exemple qui risquait de faire tâche d'huile et d'entamer peu à peu les prérogatives des «GEANTS» qui faisaient la pluie et le beau temps sur les écrans du cinéma de notre continent. A la même époque, Brahim Babaï, alors président de la Fepaci, fit reconnaître notre Fédération des cinéastes africains par l'OUA qui décréta le 12 octobre, de chaque année, journée du cinéma africain. Le choix de cette date n'était pas fortuit, il coïncidait avec les dates habituelles du déroulement des JCC et fut considéré comme un appui aux cinéastes africains dans la défense de leur festival. Mais, malheureusement, cette recommandation, pourtant officielle, ne fut pratiquement jamais fêtée et fut, même, ignorée superbement par les JCC elles-mêmes? Après un court intermède, Chédly Klibi fut de nouveau titulaire du ministère de la Culture. Entre-temps, T.Chériâa fut nommé chef du programme culturel de l'Agence de coopération culturelle et technique (Acct), avec résidence à Paris. Tahar Guigua, désigné président des JCC, informe Chériâa par lettre en date du 13 mai 1974, qu'il est désigné en qualité de secrétaire général pour la quatrième session des JCC. T. Chériâa répond qu'il a le très vif regret de décliner ce poste, et propose d'être un simple «membre» du comité directeur, sans affectation précise, étant donné ses nouvelles occupations à l'Acct. Mais malheureusement, pour la quatrième session de 1972, il fut décidé de jeter du lest en modifiant le règlement général des JCC pour calmer la Fiapf. Frederick Gronich, directeur pour l'Europe de la Mpeaa, fut même invité pour assister à cette session. Confortablement installé dans une suite de l'hôtel Hilton, en liaison téléphonique avec Pierre Brisson, secrétaire général de la Fiapf, il déclare à la revue tunisienne Contact que «le festival de Carthage est reconnu par la Fiapf, je suis là, dit-il, en observateur seulement... Nous, nous reconnaissons» un festival à partir du moment où les grandes règles sont respectées... toutes ces règles sont faites pour protéger les droits des producteurs (sic). Les grandes maisons de production et de distribution internationales plient mais ne cèdent pas, c'est ainsi que par exemple «Gaumont» informe le public par des placards publicitaires sur les journaux de Tunis «qu'elle est heureuse d'annoncer que l'exclusivité de la distribution de ses films sera assurée en Tunisie par la Satpec» . Devant ce désaveu, Tahar Chériâa, qui était considéré, à juste titre, comme étant le principal meneur de cette croisade, sollicite du ministre, qu'il vaudrait mieux qu'il n'ait plus aucune responsabilité directe et publique au sein des JCC, et surtout, insiste-t-il, que cela soit publiquement proclamé le plus tôt possible.
Le cinéma africain se libère
La moralité de cet épisode épique, mais nécessaire, fait que tous les pays africains se sont dégagés, rapidement, de cette chasse gardée en prenant, avantageusement, en main, la destinée du 7e art sur l'ensemble du continent. Les festivals cinématographiques fleurissent en Afrique et personne n'ose prétendre les assujettir — inimaginable de nos jours — à une quelconque caution ou reconnaissance. Est-il nécessaire de rappeler que contre vents et marées, l'Etat Tunisien a maintenu le cap en soutenant financièrement et moralement les JCC, qui sont directement organisées par le ministère de la Culture. Le grand historien du cinéma, Georges Sadoul, écrivait en 1961 dans l'hebdomadaire «Afrique-Action» (ancien titre de Jeune-Afrique)... «Soixante-cinq ans après l'invention du cinéma il n'a pas encore été produit (en 1960) un seul long métrage véritablement africain... , ainsi, 200 millions d'hommes se sont vu interdire la forme la plus évoluée du plus moderne des arts... Je suis persuadé qu'avant la fin des années soixante, ce scandale ne sera plus qu'un mauvais souvenir de temps révolus». Il ne croyait pas si bien dire. Sa prophétie et son vœu de voir fleurir un cinéma africain furent exaucés. Ce nouveau cinéma est né, grâce au militantisme, au courage, à la détermination des pionniers, auxquels il faudrait un jour rendre un vibrant hommage pour leurs luttes et leurs sacrifices afin qu'un cinéma africain existe. Aux côtés des anciens qui sont toujours en activité, d'autres cinéastes, talentueux, sont apparus. Ensemble, ils ont réalisé des films de qualité, authentiquement nationaux, qui se sont progressivement imposés sur le marché international, et ont raflé de nombreux prix dans les plus importants festivals occidentaux. Que de chemin parcouru depuis les derniers soubresauts et les tentatives des «majors», dans les années soixante, pour essayer de maintenir et sauvegarder un privilège qui n'avait plus sa raison d'être. Ce furent les derniers spasmes annonciateurs de la fin d'une époque. Pour beaucoup, c'est une réalité oubliée et méconnue, mais qu'il n'est pas inutile de rappeler.


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