L'état de l'économie tunisienne plutôt défavorable et les perspectives de la relance ont été mis en exergue dans la note d'information au public suite à l'examen par le Conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) de la situation économique en Tunisie. La banque effectue, en effet, chaque année, des consultations bilatérales avec ses membres. La rédaction du rapport des services du FMI, qui repose sur les informations disponibles au moment de ces entretiens, a été achevée le 9 juillet 2012. Les vues exprimées dans le rapport sont celles de l'équipe des services du FMI et ne reflètent pas nécessairement celles du Conseil d'administration du FMI. Le rapport estime que les perspectives et risques à court terme ne sont pas si sombres dans la mesure où la croissance du PIB réel pourrait se redresser en 2012, avec une reprise graduelle du tourisme et des entrées d'investissements directs étrangers et une relance budgétaire substantielle. Mais la conjoncture défavorable en Europe, notre principal partenaire en matière de commerce extérieur et d'investissement, risque de constituer un handicap dans la relance, d'autant plus que les tensions sociales et les incertitudes politiques sont persistantes. Les profondes faiblesses du secteur financier et l'attentisme des investisseurs pourraient avoir des impacts négatifs sur les perspectives de croissance à court terme. Les risques liés aux perspectives sont considérables et plutôt de nature baissière, notent les experts de la banque. Juguler les tensions inflationnistes Les principales recommandations consistent à rééquilibrer le dosage des politiques mises en œuvre pour soutenir la croissance à court terme tout en préservant la stabilité macroéconomique. Il s'agit aussi d'assurer la relance budgétaire et de l'orienter vers l'investissement public. La maîtrise des dépenses courantes s'avère aussi nécessaire. Un resserrement graduel de la politique monétaire contribuera à juguler les tensions inflationnistes. Les experts recommandent, par ailleurs, une plus grande flexibilité du taux de change pour favoriser la stabilité des réserves extérieures. Le renforcement de la solvabilité des banques et la consolidation de la supervision bancaire pourraient, quant à eux, préserver la stabilité financière. A moyen terme, les autorités tunisiennes ont intérêt à rééquilibrer les comptes budgétaires pour préserver la viabilité des finances publiques. Le potentiel de croissance économique reste favorable à condition de mettre à l'œuvre de vastes réformes structurelles susceptibles de promouvoir l'investissement privé. Une croissance plus forte et plus solidaire à moyen terme pourrait garantir une meilleure relance qui se traduira par une réduction du taux de chômage qui reste élevé, notamment chez les jeunes tout en diminuant les disparités sociales et régionales. Les experts ont constaté que les nouvelles autorités ont hérité du modèle de développement du précédent régime, centré sur l'Etat, et qui favorisait une minorité de privilégiés. C'est un modèle qui a débouché sur une grave crise économique et sociale et qui a suscité le soulèvement populaire. Après la révolution, la crise économique s'est aggravée suite à plusieurs chocs exogènes. Les troubles sociaux internes et le conflit en Libye —qui était une bouée d'oxygène pour notre économie— ont contribué à une grave récession. Cela a eu pour conséquence un accroissement du taux de chômage et un affaiblissement du secteur financier. Pour atténuer ces tensions, les autorités ont jugé bon de commencer à apaiser les revendications sociales et diminuer les effets de la récession sur les ménages —qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts— et les entreprises. Une politique budgétaire et monétaire expansionniste a été appliquée à cet effet. Mais du chemin reste encore à parcourir pour relever les défis économiques et sociaux. Les autorités devront établir les bases solides pour une croissance plus forte et plus solidaire, estiment les experts, d'autant plus que la Tunisie a connu une forte récession en 2011. Détérioration des portefeuilles bancaires Mais les perspectives pourraient être favorables dans la mesure où l'on observe, déjà, des signes de rebond. L'année dernière, pourtant, l'activité économique a été profondément marquée par les effets des événements intérieurs et extérieurs comme le conflit en Libye. Et ce n'est pas une surprise si le PIB réel a enregistré une contraction estimée à 1,8%, avec une forte chute des recettes du tourisme et d'autres secteurs touchés par les grèves et les perturbations sociales. Par contre, certains secteurs ont poursuivi leur prospérité, à l'instar du secteur agricole qui a connu une croissance estimée à 9%. Cette prospérité n'a nullement touché l'investissement privé qui a enregistré une chute sensible. La position extérieure de la Tunisie s'est considérablement affaiblie, ajoute le FMI, même si les autorités ont augmenté les dépenses courantes pour répondre aux revendications sociales. Le crédit bancaire a connu lui aussi un repli regrettable. Même la qualité des portefeuilles bancaires s'est détériorée en 2011 suite aux pertes provoquées par le ralentissement de l'économie. Les liquidités bancaires sont devenues rares. La détérioration des portefeuilles bancaires est due aussi au ralentissement du secteur touristique. La détérioration du solde des transactions courantes n'a pas laissé la Banque centrale de Tunisie (BCT) passive puisqu'elle a défendu le taux de change par des interventions considérées comme «importantes» sur le marché des changes. Elle a ainsi vendu 2 milliards de dollars en 2011 et 700 millions au cours de janvier-avril 2012, indique le rapport du FMI. Les autorités tunisiennes sont préoccupées pour le moment par les perspectives de croissance de la Tunisie pour 2012. Celles-ci seront, en partie, tributaires de l'évolution de la conjoncture en Europe, de la situation intérieure au plan économique et social et de l'action des autorités. Des risques liés aux perspectives à court terme jugés par les experts comme «considérables» et de nature baissière planent, cependant, sur l'économie tunisienne. Ces risques sont issus des faiblesses du secteur financier et sont en mesure de compromettre la stabilité macrofinancière. L'injection persistante de liquidités pour compenser la dévalorisation des actifs bancaires n'est pas une solution radicale car cela attiserait les tensions sur les réserves de change et l'inflation. Néanmoins, les autorités misent en 2012 sur un rebond plus solide que celui que prévoient les services du FMI. Elles prévoient une croissance du PIB de 3,5 % cette année, grâce à une relance budgétaire et une relance de l'investissement privé. Pourvu que la marge d'erreur ne soit pas grande. Rééquilibrer les moyens d'action ne peut que contribuer à la croissance à court terme tout en préservant la stabilité macroéconomique. En tout cas, les experts pensent que la Tunisie présente une certaine marge de manœuvre budgétaire pour assurer la relance budgétaire à court terme envisagée, à condition qu'elle soit efficacement utilisée dans un cadre budgétaire soutenable à moyen terme et qu'elle puisse être financée. Autant de défis que les autorités sont appelées à relever au cours de la prochaine période en balisant le chemin pour l'investissement intérieur et extérieur privé, le tourisme et tous les secteurs d'activité qui connaissent des difficultés réelles. Le côté social avec ses différentes composantes constitue aussi un défi qui mérite un plan de relance bien établi, tenant compte des couches vulnérables dans toutes les régions. Source : rapport du FMI