L'élaboration d'une charte de bonne conduite entre les partis politiques pour mieux gérer les relations politiques C'est dans le cadre du riche projet d'appui aux partis politiques, financé par l'Union européenne et élaboré par la fondation Konrad-Adenauer, l'Institut de presse et des sciences de l'information (Ipsi) et l'Institut arabe des droits de l'Homme, qu'a eu lieu hier à Tunis un forum relatif au financement des partis politiques. Ont pris part à cette journée de formation et de débats dirigée par le directeur du département communication à l'Ipsi, Moez Ben Messaoud, des représentants de plusieurs partis politiques tunisiens, notamment Equité et développement, le Front populaire, Nida Tounès, Ettakatol, le Congrès pour la République, l'Union populaire libre, le Parti socialiste, le Parti des patriotes démocrates unifiés, le Mouvement des démocrates socialistes, Al Khiar Athalith (troisième choix), etc. Les interventions des experts formateurs se sont focalisées sur la réglementation régissant le financement des partis politiques ainsi que les méthodes de contrôle de ce financement et leur dysfonctionnement. A l'entame de la journée, Karsten Grabow, coordinateur des analyses politiques et de la recherche sur les partis de la Fondation Konrad-Adenauer, a présenté l'expérience allemande en matière de financement des partis politiques, notamment les principes du financement public et ses différents types. Selon lui, deux facteurs sont déteminants quant à l'importance du financement public : l'enracinement du parti dans la société allemande et son poids dans la vie politique. Il a indiqué que 0,5% des votes permettent à tout parti d'avoir droit au financement public qui doit être la première source de financement. «Les abonnements mensuels et annuels représentent entre 30 et 40% des ressources de financement des partis politiques en Allemagne, qui sont plafonnées à 142 millions d'euros pour chaque parti», a-t-il précisé. L'apport du secteur privé, notamment les sociétés, est permis alors que les partis sont tenus de déclarer leurs dons au public dans le cadre d'un rapport financier annuel complet qui est transmis en outre au président du Parlement allemand, outre sa publication via Internet et les médias. Aussi, chaque don dépassant la somme de cinq mille euros doit être déclaré, tout comme le nom du donateur, tandis que les dons dépassant cinquante mille euros doivent être déclarés dans la semaine après leur entrée dans les caisses d'un parti. De même, les partis allemands peuvent bénéficier de l'apport financier des organisations à l'instar des églises. Evoquant le cas allemand, les intervenants ont insisté sur le risque de l'interférence des intérêts des sociétés qui financent et des orientations politiques des partis financés, ainsi que sur le poids du financement privé par rapport à celui public et les moyens de contrôle de ces entrées. Manque de transparence et défaut de contrôle L'analyse du contexte tunisien a relevé plusieurs défaillances, notamment au niveau du contrôle des entrées d'argent. Selon le juge Mohamed Salah Ben Aïssa l'apport du secteur privé est de loin plus important, par rapport à celui de l'Etat en matière de financement des partis politiques tunisiens. D'après lui, les mécanismes de contrôle des entrées financières sont un moyen de rationalisation de la vie politique et le financement public reste une méthode régulatrice du financement entre les différentes catégories de partis selon leur poids électoral. Ben Aïssa s'est étalé sur le volet réglementaire du financement des partis politiques qui a été amendé et renforcé par des décrets adoptés en 2011 dont celui n°87 de septembre relatif à l'organisation des partis politiques et celui n°35de mai. Concernant les rapports financiers, il a indiqué que plusieurs listes n'ont pas encore présenté leurs rapports à la Cour des comptes, alors que certaines listes n'ayant pas atteint les 3% du nombre de votes, n'ont pas remboursé à l'Etat la deuxième tranche du financement public dont elles ont bénéficié, comme le stipule la loi. Il a précisé aussi que sur les primes publiques de l'ordre de 8,396 millions de dinars, plus de 4,2 millions de dinars ont été versés à des listes qui n'ont pas encore donné leurs rapports financiers. Manque de synchronisation Le manque de transparence et de méthodes de contrôle, notamment des financements en provenance de l'étranger, a été au centre du débat de ce forum. Mohamed Salah Ben Aïssa a affirmé, dans ce sens, que les mécanismes de contrôle existent mais ils ne sont pas performants, faute de synchronisation entre les différents organismes de contrôle. «De même, a-t-il affirmé, les lois existent mais elles ne sont pas appliquées». «Pour ce qui est de la Cour des comptes, je ne peux pas confirmer son entière indépendance. Il y a un manque de communication sur les travaux et les résultats des rapports de cette instance qui effectue convenablement son travail. Je pense que lors des prochaines élections, il sera nécessaire de disposer d'un organisme indépendant pour gérer le contrôle du financement des partis politiques loin des tiraillements politiques existants actuellement, ce qui est difficile. La situation politique actuelle a engendré une sorte d'absence d'informations financières justes et fiables. Ainsi et jusqu'à nos jours, il y a un parti au sein de la Troïka qui n'a pas encore divulgué son rapport, ce qui peut avoir des conséquences sur la transparence à ce niveau», a-t-il ajouté. Pour sa part, l'expert en droit Mounir Snoussi a affirmé que plusieurs vides juridiques entravent la transparence des informations dans ce contexte, notamment la non-publication des normes comptables relatives aux partis, ce qui doit être fait par décret du ministre des Finances. De même, il a indiqué que les contributions aux partis devraient être soumises à un audit annuel selon des normes non encore établies par l'Ordre des experts-comptables. Il a évoqué une troisième faille concernant le comité national en charge du contrôle du rapport financier des partis, et qui devrait être constitué du premier président du Tribunal administratif, du premier président de la Cour d'appel et du président de l'Ordre des experts-comptables. Il a recommandé, pour combler ces lacunes, d'appliquer les lois en vigueur, notamment le décret n°87, ainsi que de créer une commission nationale pour le contrôle des comptes. Aussi, Snoussi a proposé la création d'un organisme indépendant du contrôle du financement des partis en lieu et place du Premier ministère, lui-même appartenant à une formation politique... Le conflit d'intérêts a été ainsi évoqué comme problème majeur qui entrave le contrôle de la transparence du financement des partis. Des solutions devraient être trouvées avant les prochaines élections.