Ils étaient assez nombreux, hier, représentants de partis politiques et d'associations, ainsi que des journalistes et des universitaires, à participer à cette journée de discussion et d'échange. Organisée par l'Institut de presse et des sciences de l'information (Ipsi), conjointement avec l'Institut arabe des droits de l'Homme (Iadh) et la fondation Konrad-Adenauer, ce forum fait partie d'un cycle de rencontres, séminaires et autres forums prévus dans le cadre d'un projet d'appui aux partis politiques en vue des élections. Le projet, cofinancé par l'Union européenne et le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), a été lancé en juillet 2011 et prendra fin au mois de décembre 2012. Alors que le débat continue sur cette relation partis politiques-médias, que certains intervenants ont qualifiée de dangereuse, le forum organisé hier s'est présenté en tant qu'espace de dialogue entre les différents acteurs, dont notamment la société civile, avec la présence de membres de l'Inric, dissoute. Dans son allocution, le directeur de l'Ipsi, Taoufik Yakoub, a affirmé que cette relation médias-partis politiques est intrigante notamment dans une période de course aux élections. «Il y a toujours une difficulté à donner des chances égales entre les différents partis en course», a-t-il souligné. Selon lui, le manque de moyens humains et logistiques, ainsi que la différence de la fréquence des actions entreprises par des partis, sont des raisons parmi d'autres. Aussi, il a indiqué qu'après l'arrivée d'un parti au pouvoir, il y a des attaques qui ont visé la crédibilité et l'impartialité des médias, ainsi que des campagnes menées par un certain nombre de partis qui mettent en doute le professionnalisme de certains médias, notamment publics. «Ce comportement ne peut que menacer le processus démocratique et nous risquons de revenir à la case départ», a-t-il conclu. Dialogue et éthique Pour sa part, le représentant résident de la Fondation Konrad-Adenauer, Hardy Ostry, a qualifié les relations des partis politiques avec les médias d'ambivalentes. «D'une part, a-t-il expliqué, les partis ont besoin des médias pour faire passer leurs messages et informations. Inversement, les médias peuvent s'avérer, précisément dans le domaine du journalisme d'investigation, parfois comme les accompagnateurs mal aimés des événements politiques, qui peuvent exercer par leurs rapports une forte influence sur les développements à l'intérieur d'un parti». Pour lui, dans la situation actuelle de la Tunisie, «il est essentiel de chercher à temps durant ce processus de transformation, le dialogue entre les partis et les médias». Le représentant résident de la fondation allemande a, d'autre part, indiqué qu'il est important que les deux parties précisent une base éthique pour les rapports avec leur vis-à-vis, indépendamment des règlements juridiques. Expliquant sa remarque, il a ajouté : «Les partis et les politiciens succombent aussi facilement à la tentation de s'approprier et manipuler les médias, que les médias, pour leur part, sont en mesure d'influencer l'ambiance par une couverture médiatique non appropriée». Et alors que Dr Ostry a insisté sur le besoin de renforcer les institutions démocratiques, la directrice exécutive de l'Iadh, Lamia Grar, a évoqué l'importance de la sensibilisation dans une période où il n'y a pas de vision claire des deux parties concernées : les partis politiques et les médias. Elle a jugé, d'autre part, que la couverture médiatique des différents partis est assez équitable en dépit des pressions que subissent les organismes de presse et les journalistes. L'inexpérience a été évoquée par les intervenants en tant que facteur commun entre ces deux partenaires de la vie politique. Mohamed Salah Hedri, président du Parti de la justice et du développement, fondé en 2011, a été parmi ceux qui considèrent qu'il n'y a pas d'équité entre les partis connus ou «grands» et les nouveaux partis encore à la recherche d'une base. Pour un cadre juridique clair La réforme du secteur des médias a été relevée comme le garant de cette équité. Chahrazed Redhouani, membre du bureau politique du Parti des démocrates patriotes, a souligné, dans ce sens, qu'il est impératif d'activer les deux décrets-lois 115 et 116 relatifs aux médias. «La non-activation de ces deux décrets est une faute délibérée qui a donné lieu à un flou quant au paysage médiatique. Le pouvoir exécutif tente de mettre la main sur les médias et les dernières désignations ainsi que la pression continue sur les professionnels de ce secteur en sont la preuve». «Le traitement du paysage politique par les médias est le même que sous l'ancien régime», a-t-elle enchaîné. Pour sa part Abdelwaheb El Heni, président du parti El Majd, a évoqué la nécessité d'avoir des garanties institutionnelles pour ne pas tomber dans l'instrumentalisation des médias à des fins politiques. Le journaliste Iheb Chaouch, de la chaîne nationale, a quant à lui parlé de sa propre expérience dans l'animation des débats télévisés. Il a affirmé que des partis politiques tentent toujours d'influencer sa méthode de travail et ses choix. Parlant de ce dilemme, l'universitaire Abdelkarim Hizaoui, directeur du Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs, a souligné que les médias publics sont le garant de l'information impartiale et indépendante. Certains intervenants de la société civile et de partis politiques ont mis en évidence le fait que l'indépendance des médias est un facteur non négociable pour assurer le rôle escompté de ce secteur, notamment dans une phase de transition démocratique.