Par Abdelhamid GMATI Ce qui s'est passé mardi devant le siège de l'Ugtt est grave. Les Tunisiens ont été de nouveau choqués par cette violence politique qui semble s'être bien installée dans nos murs. Des individus, identifiés comme membres des comités, autoproclamés de protection de la révolution, ont assailli à coups de gourdins et de pierres des syndicalistes réunis pour commémorer l'assassinat du leader Farhat Hached. Une dizaine de blessés, dont trois secrétaires généraux adjoints de la centrale syndicale et un ancien ministre de l'Emploi, attestent de la violence qui a été utilisée. Ces comités sont apparentés au mouvement Ennahdha. Plusieurs responsables, plusieurs partis, dont un parti au pouvoir (Ettakatol), plusieurs représentants de la société civile ont demandé la dissolution de ces comités sauf M. Rached Ghannouchi et son mouvement islamiste, qui estime «que ce sont eux qui donnent la légitimité aux autres et non pas le contraire... Ces comités sont une partie et une force de la société civile». De son côté, l'inénarrable Abderraouf Ayadi, du nouveau parti Wafa, affirmait, il y a quelques jours, que la révolution est menacée et a appelé les comités à la rescousse. Il semble avoir été entendu. On se rappelle tous les agressions de ces comités, dont notamment celle contre le parti Nida Tounès à Tataouine qui a débouché sur la mort d'un responsable de ce parti. Ennahdha nie sa responsabilité et va jusqu'à prétendre que ce sont les syndicalistes qui ont agressé des nahdhaouis qui se trouvaient sur les lieux, «par hasard». Que faisaient-ils devant le siège de l'Ugtt, et pourquoi avaient-ils des gourdins et des pierres ? Les slogans «assainir l'Ugtt» et d'autres du même acabit sont significatifs de leurs intentions. Ces incidents sont graves et risquent d'entraîner le pays dans la violence et le chaos. Déjà le secrétaire général de la centrale syndicale estime que «la porte des affrontements est à présent ouverte», et des grèves générales sont annoncées dans plusieurs villes du pays. On peut légitimement s'interroger sur les raisons et les objectifs de cette violence. Depuis quelque temps déjà, le pouvoir en place ne cesse de s'en prendre à la centrale syndicale, accusée de tous les maux et d'être à l'origine des manifestations populaires dans tout le pays. On oublie que l'Ugtt est composée de travailleurs et que son rôle est d'être à l'écoute de la population et de ses membres. Le but: culpabiliser la centrale, la discréditer et la marginaliser. Alors que l'ANC débattait de la future Isie, une campagne était déclenchée contre l'ancienne instance, visant particulièrement son président M. Kamel Jendoubi. Pourtant, cette instance a été louangée par tous, y compris par Ennahdha, pour son travail et l'organisation des élections du 23 octobre 2011 qui ont mené ce mouvement islamiste au pouvoir. On apprend qu'une plainte a été déposée contre cette instance pour de prétendus abus et mauvaise gestion, alors même que la Cour des comptes n'a pas encore présenté son rapport. Le but poursuivi est clair : discréditer l'ancien président et ses collaborateurs pour mieux contrôler la prochaine Isie. Depuis que le parti Nida Tounès, créé il y a quelques mois, prend de l'importance, en multipliant les adhésions et en faisant alliance avec d'autres partis de l'opposition, les campagnes contre cette formation se font nombreuses et virulentes. Des agressions verbales et physiques contre ses membres se multiplient, essayant d'empêcher ses meetings et lui adressant toutes sortes d'accusations, en particulier de compter plusieurs membres du défunt RCD. Etre Rcdiste est devenu l'injure suprême. C'est cette «injure» qui a été jetée au visage du député du parti Al Moubadara Karim Krifa par certains élus du CPR. Lequel a répondu que «le RCD est votre maître». Un tollé général s'en est suivi au point que ce député est traité comme un paria. Mohamed Abbou du CPR, Abderraouf Ayadi du Wafa et Mohamed Ben Salem d'Ennahdha ont même menacé de ne pas participer à une émission à laquelle avait été invité ce député. Ils oublient que ce monsieur a été élu avec 52.000 voix, soit plus du double de ce qu'ont obtenu ses dénigreurs. Le même but de discréditer et d'éliminer ses adversaires se retrouve dans ce projet de loi visant à priver des milliers de personnes ayant travaillé du temps du RCD de leurs droits civiques et politiques. Ce projet qui est une punition collective est illégal, puisque seuls les tribunaux peuvent priver quelqu'un de ses droits les plus élémentaires, et ce, à condition que leurs forfaits soient prouvés. Ce qui n'est pas le cas. Ce qui est visé en fait, c'est Nida Tounès et son président M. Caïd Essebsi. C'est clair : Ennahdha, secondée par le CPR et Wafa, veut faire place nette, éliminer ses adversaires politiques sur le mode «ôte-toi de là que je m'y mette». Reste qu'il faut mesurer les conséquences de ce comportement. L'effet boomerang existe et le bon peuple n'est pas dupe.