Source de valorisation, de création de richesses et d'emplois, les ressources patrimoniales en Tunisie demeurent le plus souvent sous-exploitées à cause d'une implication encore timide des acteurs privés. Gardés jalousement dans leurs écrins, les joyaux historiques et civilisationnels de notre patrimoine sont cependant confrontés à de multiples dangers, en l'occurrence le pillage et la déperdition. Pour tirer de sa torpeur un secteur à forte valeur ajoutée, les acteurs culturels attendent depuis belle lurette un cadre législatif, juridique et fiscal cohérent pour encourager l'investissement dans un domaine où la conciliation entre deux mondes, affaires et culture, semble incompatible. Pour remédier à ces lacunes et atténuer l'impact négatif du déclassement, le mécénat (en plus du sponsoring) offre une nouvelle méthode de financement adoptée dans les politiques menées dans les pays, les régions ou les villes qui ont réussi à tirer profit de leur patrimoine culturel pour accroître leurs ressources économiques, élargir les opportunités d'investissement et créer davantage d'emplois. Selon les spécialistes, ces politiques peuvent servir d'exemples desquels la Tunisie pourrait s'inspirer pour établir une stratégie nationale de valorisation de son patrimoine, pour mieux l'appréhender. Une stratégie qui puisse mobiliser l'Etat, les acteurs culturels, économiques et sociaux, le secteur privé, la société civile, et les citoyens dans leur ensemble. Au grand dam des férus et passionnés du patrimoine, le mécénat tarde encore à se définir dans les mentalités et les fondations dédiées à ce genre d'activités ne voient pas, comme il le faut, le jour dans notre pays. En effet, cette pratique de mécénat, lancée en débat lors du premier colloque international «Mécénat culturel et patrimoine», n'a pas encore de définition légale vu l'absence d'un cadre institutionnel à même d'encourager,malgré certaines actions ponctuelles, l'investissement dans la culture en général et le patrimoine en particulier. Quel est l'état des lieux du patrimoine ? Existe-t- il une volonté de créer une mission de mécénat dans la politique culturelle de notre pays ? Comment le mécénat peut-il servir le patrimoine ? C'est autour de ces réflexions que s'est focalisé le deuxième colloque «Patrimoine et Mécénat» dans la nouvelle aile du musée du Bardo le 30 novembre et 1er décembre 2012. Y ont pris part des experts nationaux et internationaux, notamment de l'Unesco, universitaires, archéologues,des entreprises mécènes, artistes, des représentants du patronat français Medef et de l'Utica. Une pléiade de spécialistes qui s'est réunie deux jours durant pour réfléchir ensemble sur les meilleures modalités et pratiques susceptibles à relancer le débat sur le mécénat culturel en Tunisie. Le mécénat est un mot qui tire son origine du nom de Caius Cilnius Maecenas, protecteur des arts et des lettres sous le règne de l'empereur romain Auguste (1er siècle avant J.-C.). Au fil du temps, son sens s'est élargi pour désigner une personne physique ou morale qui soutient un artiste, ou un projet culturel, aussi bien par les moyens financiers que par les compétences, le savoir-faire spécialisé ou même le don des collections à des musées ou à des bibliothèques, d'ailleurs l'un des exemples, à citer dans ce sens, est celui de feu Jamil Joudi qui a fait don de ses collections privées aux Archives nationales de Tunisie. Dans notre pays, le concept de mécénat culturel est assez nouveau et demeure une pratique culturelle ponctuelle dont la définition n'est pas encore légale. En la confondant toujours avec le sponsoring ou le parrainage, le mécénat, selon les spécialistes, prend aujourd'hui la forme de « Fondation» qui participe à des actions culturelles ponctuelles ( festivals, concerts) alors qu'il peut se manifester autrement que par une simple contribution matérielle, pour perdurer dans le temps. Dans le concret, le premier lieu d'échange et de réflexion sur le rôle du mécénat dans la préservation du patrimoine remonte à octobre 2010, un mois après la création de l'association «Tourath». Les multiples recommandations formulées à cette époque, bien qu'importantes, n'ont cependant pas trouvé de suite dans la pratique, en termes de mise en place d'un cadre institutionnel qui définit le mécénat, ses types, ses bénéficiaires et sa contribution dans la dynamique socioéconomique. Cela dit, parler d'un mécénat au service du patrimoine est un sujet de grande urgence dans la mesure où le patrimoine est aujourd'hui menacé. D'abord, en ce qui concerne le code du patrimoine qui, selon Youssef Ben Brahim, représentant du ministère de la Culture, connaît un certain vide juridique. En effet, aucun texte aujourd'hui ne fixe les modalités pratiques de l'intervention de l'Etat aux travaux de restauration. En termes de mécanismes, les effets juridiques de l'arrêté de protection sont généralement identiques aux effets de classement. Pis encore, avance-t-il, aucun site culturel n'a vu le jour jusqu'à aujourd'hui en utilisant les mécanismes prévus par le code du patrimoine pour préserver ce genre de sites. Outre les failles dans le texte, les mesures prises par l'Etat pour préserver ces sites dont 8 en tout sont classés patrimoine mondial (7 culturels et 1 naturel) demeurent en decà des attentes, relève l'expert Ahmed Ben Abdallah, représentant de la commission nationale de l'Unesco. Dans ce registre et face aux multiples dégradations que connaissent les sites et monuments historiques en Tunisie, le déclassement est la pire punition que peut infliger l'Unesco à un Etat membre, secoue-t-il, faisant allusion au site de Carthage. Demain : Une rigidité qui rend le mécénat difficile