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Gouvernement-Ugtt : Un accord désaccordé
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 12 - 2012


Par Amin Ben Khaled*
En musique, l'accord est un ensemble de notes jouées simultanément, créant une sonorité identifiable. Cependant, la sonorité issue de l'accord orchestré par le gouvernement et l'Ugtt, le 12 décembre, est loin d'être identifiable. Elle est, le moins que l'on puisse dire, désaccordée. Pourquoi? Pour plusieurs raisons objectives.
Notons tout d'abord que sur le plan purement symbolique, les négociations avec le gouvernement ne se sont pas déroulées sur un terrain neutre. Malgré la décision de grève à l'échelle nationale, c'est bien les membres du bureau exécutif de l'Ugtt qui se sont déplacés (in extremis ?) au palais du gouvernement et ce, 24 heures avant la date fatidique du jeudi 13 décembre. Or, si l'Ugtt était vraiment dans une position de force, c'est à elle d'attendre que le gouvernement fasse le premier pas. Un tel pas serait traduit symboliquement par une rencontre dans un endroit neutre, loin des oreilles curieuses (et malveillantes ?) ...
Notons aussi que les membres du bureau exécutif de l'Ugtt n'ont pas rencontré le chef du gouvernement mais des ministres dont la plupart sont issus, selon beaucoup d'observateurs, de l'aile « dure » du parti Ennahdha. Ainsi, esthétiquement parlant, et vu la pointure de ces ministres, l'Ugtt n'avait pas rencontré « le gouvernement légitime », encore moins la Troïka (l'absence du Congrès pour la République est remarquable), l'Ugtt s'est retrouvée (à son insu ?) dans l'antichambre du parti Ennahdha ...
Notons aussi que la grève décrétée par l'Ugtt, telle que définie par le règlement intérieur de la centrale syndicale, ne peut être entreprise que si cette dernière considère que le dialogue avec le gouvernement n'est plus possible et que toutes les tentatives ont été épuisées. Ainsi, décider une grève générale c'est déclencher un processus lourd, complexe et tout de même irréversible. Or, malgré cela, la rencontre avec le gouvernement a eu lieu d'une manière officielle. Elle a été même suivie minute par minute par les médias nationaux et internationaux ainsi que par les réseaux virtuels. Ce qui constitue en soi une entrave à la fois politique, juridique et psychologique au processus de grève ...
Notons, enfin, que la principale revendication de l'Ugtt tourne autour d'un point principal : la dissolution des ligues de protection de la révolution qu'elle considère comme étant les instigatrices de l'attaque du 4 décembre. C'est ce qui ressort de la déclaration officielle du comité administratif extraordinaire de l'Ugtt, la troisième instance au sein de la centrale syndicale. A cet égard, il serait opportun de se demander si la décision de la grève nationale n'aurait pas dû émaner du conseil national (la deuxième instance au sein de l'Ugtt ; la première étant le congrès), comme le précise expressément l'article 49 alinéa 4 du règlement intérieur de l'Ugtt et non par le comité administratif extraordinaire ?
S'agit-il d'un vice de procédure passé inaperçu ? Peu importe, car ces possibles irrégularités juridiques ont été rapidement occultées par la dimension politique, historique, internationale voire métaphysique de la grève générale.
Le texte de l'accord
Voyons de près le texte de l'accord conclu entre le gouvernement et l'Ugtt.
Sur le plan formel, le texte est composé d'un petit préambule suivi de cinq points. Le texte est sanctionné par la signature des personnes (ceux du gouvernement et ceux de l'Ugtt) qui ont participé à l'élaboration de l'accord. Ici une petite remarque «formaliste» mérite d'être relevée. En effet, bien que juridiquement parlant l'accord engage et le gouvernement et l'Ugtt, il n'en demeure pas moins qu'on ne trouve ni la signature du chef du gouvernement ni celle du secrétaire général de l'Ugtt. Même si cela ne change pas grand chose à l'affaire, un accord de cette envergure aurait dû être signé par M. Hamadi Jbali et M. Houcine Abbasi pour montrer la détermination personnelle, morale et structurelle du chef du gouvernement et du « chef » de l'Ugtt, même si dans la logique syndicaliste, l'Ugtt n'a pas de chef.
Le préambule, quant à lui, est très intéressant. Il convient que l'on s'y attarde un peu.
1 – Le préambule parle des «événements survenus le 4 décembre 2012 en face du siège de l'Ugtt». Le terme «événements survenus » est un terme juridiquement neutre. On aurait pu utiliser une terminologie plus prononcée et, somme toute, réaliste. On aurait pu parler par exemple «d'attaque», «d'agression», «d'atteinte». Des syndicalistes n'ont-ils pas été tabassés et blessés ? Dans le même ordre d'idée, le préambule situe les événements devant le siège de l'Ugtt. Il fallait préciser tout d'abord que ce siège n'est pas n'importe quel siège, il s'agit du siège central. En plus, dire que ces événements se sont déroulés «face au siège» de l'Ugtt c'est considérer que la place mythique de «Mohamed Ali» ne fait pas partie du siège de l'Ugtt. Il est vrai que juridiquement parlant, cette place fait partie de l'espace public. Mais sur le plan symbolique et dans l'inconscient collectif elle constitue le cœur même de la centrale syndicale.
Enfin, les négociateurs de l'Ugtt aurait dû mentionner que ces «événements» se sont déroulés la veille de la commémoration de l'assassinat de Farhat Hached, pour ajouter une charge symbolique au contexte des événements survenus.
2 – Le préambule précise que l'accord vise à «instaurer un climat social sain et pacifique loin des déclarations qui visent à raviver la tension». Concernant le terme «climat social», s'agit-il d'un terme qui a une dimension purement sociale ou s'agit-il plutôt d'un terme qui possède une dimension plus grande englobant le politique, l'économique et le culturel ? Il fallait sans doute éviter ce flou terminologique qui risque de reléguer l'Ugtt dans sa dimension purement «sociale». Il fallait plutôt parler de climat national. Car ce qui s'est passé le 4 décembre concerne toute la nation.
Quant aux «déclarations qui visent à raviver la tension», le texte ne précise pas leur provenance. On pourra comprendre que le préambule fait allusion aux déclarations de M. Rached Ghannouchi. Mais le texte ajoute « et suite à la décision de grève générale émanant de l'Ugtt ». Ce « et » est intéressant. S'agit-il d'une classique conjonction de coordination ou s'agit-il plutôt d'une figure rhétorique qui fait apparaître implicitement que la déclaration de grève émanant de l'Ugtt fait partie des déclarations visant à raviver la tension ?
Venons-en maintenant, point par point, aux termes de l'accord. Ils sont cinq
1 – «Le gouvernement réaffirme le droit à l'activité politique, civile et syndicale et confirme son entière responsabilité à protéger ses activités et à condamner toutes les formes de violence». Ici, ce qui est louable, c'est le fait que le gouvernement assume sa responsabilité à protéger les activités politiques, civiles et syndicales. Mais il convient de faire deux remarques.
a- Ce n'est pas au gouvernement de réaffirmer le droit à l'activité politique, civile et syndicale. Il fallait plutôt préciser que ces activités sont des droits constitutionnels, universels et indiscutables et s'imposent par conséquent à tout gouvernement.
b- Un gouvernement ne condamne pas. Un gouvernement agit à travers ses structures à lutter contre la violence. Car la condamnation fait partie du langage diplomatique. C'est une manière voilée d'afficher une forme d'impuissance face à un événement impérieux.
Apaisement et dialogue
2 - «Le gouvernement ainsi que l'Ugtt appellent à l'apaisement et à aborder tous les problèmes à travers le dialogue». Sur ce point, nous avons deux questions et nous laissons au lecteur le soin de cogiter dessus :
a- Est-ce que c'est à l'Ugtt, c'est-à-dire la partie agressée, d'appeler à l'apaisement ?
b- L'accord ne ligote-t-il pas l'Ugtt, en ce sens qu'elle ne pourra plus faire appel à une grève générale vu qu'elle s'engage à aborder TOUS les problèmes à travers le dialogue ?
3- «Le gouvernement condamne les agressions dont ont été l'objet les membres, fonctionnaires et sympathisants de l'Ugtt le 4 décembre dernier». Le gouvernement condamne toujours mais ici il ne tient compte que de l'agression du 4 décembre, alors que l'Ugtt, dans sa déclaration de grève, considère que l'agression n'est pas isolée mais faisant partie de tout un processus visant à l'assujettir. Aussi, il convient de remarquer que l'accord évoque l'agression dont ont été objet «les sympathisants» de l'Ugtt. S'agit-il d'une agression morale ? Dans ce cas pourquoi ne pas dire que cette agression morale avait touché tous les Tunisiens ? L'Ugtt n'est-elle plus un bien national ?
4 – Le quatrième point évoque la mise en place d'une commission composée par le gouvernement et l'Ugtt afin d'apporter la vérité sur les violences survenues le 4 décembre. Tout d'abord, quelques questions s'imposent. Pourquoi une commission ? Est-ce que le ministère public n'est plus crédible ? Et si une commission s'impose pourquoi n'est-elle pas composée de personnes indépendantes ? La présence du gouvernement et de l'Ugtt dans cette commission ne risque-t-elle pas de bloquer l'enquête ? D'un autre côté, la commission au départ paritaire ne risque-t-elle pas de se transformer en une commission asymétrique vu que le gouvernement possède les moyens logistiques et matériels pour mener l'enquête que l'Ugtt ne possède pas ?
Ensuite il est intéressant de noter que selon le point 4 de l'accord, la commission a pour mission de définir «l'éventuel» rôle joué par les ligues de protection de la révolution durant les événements du 4 décembre. Le hiatus qui sépare les revendications de l'Ugtt du texte de l'accord est donc énorme. Car dans sa déclaration de grève générale, l'Ugtt avait pointé du doigt les ligues de protection de la révolution et a même avancé qu'elle possédait des preuves matérielles concernant l'implication directe de ces dernières dans les événements du 4 décembre. Mais le texte de l'accord est plus dubitatif. Il ne parle que d'une ... éventualité.
Gain de temps ?
Enfin, et concernant toujours le quatrième point de l'accord conclu entre le gouvernement et l'Ugtt, le texte précise que la commission rendra ses conclusions au chef du gouvernement qui va «prendre les décisions nécessaires tel que stipulé dans la loi». Cela veut dire a contrario que le chef du gouvernement ne va pas procéder directement à la suspension des ligues de protection de la révolution, via le secrétaire général du gouvernement, tel que stipulé dans le décret-loi n° 88/2011. Il ne le fera qu'une fois que la commission aura terminé ses travaux. Le gouvernement veut-il gagner du temps ? Et surtout à qui profite cette lourdeur procédurale dans un moment où la transition démocratique se trouve très fragilisée ?
5- Dans le cinquième et dernier point, le gouvernement et l'Ugtt s'engagent à diligenter les procédures légales et punitives à l'encontre de tout un chacun qui porterait la responsabilité d'avoir contribué aux agressions du 4 décembre ; procédures, précise l'accord, déjà entreprises par le parquet. Ici aussi quelques observations s'imposent.
a- Tout d'abord, il semble que le quatrième et le cinquième point de l'accord soient contradictoires. Pourquoi saisir la justice si une commission mixte pour établir la vérité sur les faits à été déjà constituée ? Ces deux procédures parallèles ne risquent-elle pas de complexifier l'enquête ?
b- Ensuite, les termes de l'accord concernant ce point sont laconiques. Car il n'évoque pas les auteurs principaux de l'infraction, mais ceux qui ont contribué aux agressions. De deux choses l'une : ou bien il y a eu une agression principale de la part de l'Ugtt et les ligues de protection de la révolution ont «contribué» à cette violence en ripostant d'une manière agressive. Ou bien, ces dernières étaient à l'origine de la violence mais les «sympathisants» de l'Ugtt ont contribué à l'amplifier. Dans les deux cas, selon le texte, la responsabilité de l'Ugtt est envisagée.
Au final, nous sommes en présence d'un accord désaccordé dont l'écho ne fera à moyen terme qu'accentuer la dysharmonie entre le gouvernement et la centrale syndicale. Ainsi, le premier ne peut pas satisfaire les revendications de la seconde et cette dernière ne peut plus faire de grève générale.
*(Avocat)


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