Pour longtemps, le paysage culturel retiendra de lui l'image d'un grand artiste au verbe riche et désopilant, à la persévérance peu égalée, et au parcours parsemé de succès. A près de 69 ans, il a choisi de se reposer. Paix à son âme ! Partout où il est passé, il a laissé une empreinte indélébile. C'est qu'il ne faisait pas les choses à moitié. Son crédo, aujourd'hui on s'en rend compte, consistait à toujours réussir, quels que soient le poste où il se trouvait, et la tâche dont il s'acquittait. Comédien talentueux, dramaturge distingué, responsable de banque au sommet de la hiérarchie, dévoreur infatigable de livres, rédacteur fort respecté et créateur d'espaces comme de talents. Reprenons. Mahmoud Larnaout fait partie de la première génération de la Jeunesse du théâtre scolaire avec, entre autres, Raouf Basti, Raouf Ben Amor, Raja Farhat et d'autres. Sa passion pour le 4e art est telle qu'il se fait fort d'initier ses copains à des expressions théâtrales peu courantes, comme le mime par exemple, fort de sa culture livresque—surtout— qui lui assure un background des plus riches. C'est qu'il plonge sans retenue dans les grands classiques (Racine, Corneille, Molière, Shakespeare...), mais aussi dans les innombrables représentations, dont il ne rate pas un seul spectacle. C'est néanmoins au milieu des années 1980 que son nom commence à marquer la scène artistique, d'abord pour avoir contribué, avec Taoufik Jebali, Mohamed Driss et Raouf Ben Amor, à la création de l'espace El Teatro, ensuite, et surtout, pour ses prestations remarquables dans la série Klem Ellil, en tant que comédien et dramaturge, une double vocation qu'il mettra un peu plus tard au service de la Télévision tunisienne dans une série coécrite avec Kamel Touati. Pour ses copains de la première heure, son sort semblait scellé avec le théâtre. Hélas, la vie nous met parfois dans des situations auxquelles l'art, à lui seul, ne peut répondre. C'est ainsi que Mahmoud a dû faire le choix dans les années 1970, de ne pas se consacrer exclusivement au 4e Art et intègrer aussitôt le secteur bancaire. Une nouvelle carrière s'emmanche si bien qu'au bout de quelques années, il est propulsé numéro deux de l'institution qui l'a recruté. Au demeurant, ce n'est guère étonnant de la part d'un homme qui sera, plus tard, le directeur général de Canal Horizons – Tunis, soit le bras droit de Serge Adda. Comment expliquer ses succès ?... C'est peut-être dans ce bref portrait que brossent de lui ses amis : «Il ne lisait pas au rythme du commun des mortels, il dévorait plutôt les livres, les magazines et les journaux sans modération, au point d'avoir prêté sa plume bilingue, lui l'artiste, à certaines publications, dont La Presse de Tunisie ; féru de théâtre, il écrivait, jouait et...créait lui-même de nouveaux talents ; taquin mais tendre, il savait faire accepter son humour, se faire aimer de tous, y compris pour son humour lancinant et légèrement piquant ... ». A dire vrai, Mahmoud Larnaout a laissé un répertoire inachevé. Son passage par le secteur bancaire l'a empêché de donner le maximum de lui-même à la scène artistique. Comme pour se consoler, et en dépit de ses obligations, il n'a jamais tout à fait rompu avec le paysage culturel puisqu'il n'avait d'autre lieu à fréquenter que le milieu artistique où ses amis, toujours assoiffés de ses réparties hilarantes, l'attendaient avec beaucoup de gaîté de cœur. Ses amis qui le pleurent aujourd'hui, impuissants face au dernier coup du destin.