A trois semaines de la date à partir de laquelle certains types de billets de banque cesseront d'avoir cours légal, les Tunisiens continuent d'affluer, depuis décembre 2012 aux comptoirs de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour échanger leurs billets. Pourtant, l'opération de remplacement a été lancée il y a plus de six mois. Reportage. L'annonce du retrait de la circulation des billets de banque de 50 dinars (type 2008), de 30 dinars (type 1997) et de 20 dinars (type 1992) date du mois de juin 2012. Les Tunisiens ont eu, de ce fait, plus de six mois pour déposer ou échanger leurs anciens billets dans les agences bancaires mais, visiblement, ils ont attendu la dernière minute pour le faire. En effet, suite à un nouveau rappel dans les médias au mois de décembre 2012, l'affluence auprès des guichets de la BCT et autres guichets des différentes banques de la place a été exceptionnelle et «marquée par une demande record», selon un communiqué publié le lundi 31 décembre 2012, au soir, par la Banque centrale. Dans ce même communiqué, on informe que la BCT a décidé de prolonger la validité du cours des billets de banque sus-cités jusqu'au 31 janvier 2013. Ainsi, les citoyens peuvent encore échanger leurs billets jusqu'à la fin du mois de janvier, dans leurs agences bancaires ou à la BCT. Dépassée cette période, l'échange est toujours possible auprès de la BCT, et ce, jusqu'au 31 décembre 2017. Autrement dit, il n'y a pas vraiment d'urgence, puisqu'il reste encore quatre ans pour mener l'opération. Mais alors, comment expliquer l'arrivée massive des gens dans les différents guichets de la BCT ces dernières semaines ? Les raisons de l'affluence Bizerte, Sousse, Sfax, Nabeul, Gabès, Gafsa, Kasserine, Kairouan, Médenine, Jendouba, Monastir, Tunis, tous les comptoirs de la BCT affichent complet. Au siège de Tunis, en moyenne 450 mille dinars sont échangés chaque jour sur les six dernières semaines de 2012, selon Habib Es-Cheikh, directeur général de la caisse générale et du paiement à la BCT. Plusieurs personnes présentes à la banque dénoncent un problème de communication. «Un unique rappel a été effectué à la télévision pratiquement le même jour où les billets devaient être retirés de la circulation, et ce, après plusieurs mois de silence. Beaucoup se sont affolés et ont accouru à la BCT», explique Abdelmajid, qui a fait la queue toute la matinée. Abdelmajid semble être bien au courant des procédures à suivre, mais s'il s'est présenté à la BCT, c'est parce qu'à sa banque on a refusé de lui prendre ses anciens billets. Ils sont nombreux à évoquer ce problème. El Aid, par exemple, n'a pas de compte bancaire mais un carnet à la Poste. Cette dernière lui a indiqué qu'il fallait aller dans une banque pour procéder à l'échange, mais aucune des agences visitées n'a accepté de faire l'opération. D'autres banques avancent à leurs clients qu'il faut impérativement passer par la Banque centrale, ce qui, vérification faite auprès des cadres de la BCT, n'est pas juste. Plusieurs banques n'ont donc pas «joué le jeu», poussant les clients à s'adresser directement à la BCT, qui n'a pas prévu de recevoir autant de monde en si peu de temps. La pagaille dans les guichets Afin de satisfaire la demande qui s'est accrue notamment les quinze derniers jours de décembre, de nouveaux guichets ont été créés dans le comptoir-siège de Tunis. Les horaires d'ouverture sont de 8h00 à 11h30, et de 13h30 à 15h30. Dans le bureau d'accueil, à l'entrée de la banque, les personnes qui se présentent à 10h00 ont pourtant de grandes chances de ne pas être reçues. En effet, les gens font d'abord la queue à l'extérieur de la BCT avant l'ouverture des portes... et les premiers arrivés sont les premiers servis. Une fois à l'intérieur, il faut prendre un formulaire dans lequel le détail des billets à échanger doit être noté. Ces formulaires comportent des numéros qui, au regret de ceux qui attendent, ne sont pas systématiquement utilisés pour organiser les files. «Ça a été la pagaille ce matin, les gens se poussaient les uns les autres et se criaient dessus», déplore Salah. Beaucoup de mécontentement, donc, et peu de conviction quant à l'utilité de l'opération lancée par la Banque centrale. «Je ne sais plus où donner de la tête, entre mes clients qui me payent avec des anciens billets et ma banque qui refuse de les encaisser. Le pire, c'est que je ne vois pas l'utilité de cette affaire, à part peut-être l'estimation des sommes d'argent que les citoyens gardent chez eux», confie un commerçant. D'autres clients pensent encore que l'opération va être utile pour injecter des liquidités dans les banques. On rappelle que la décision d'échanger les billets de banque, prise en juillet 2011, vise à éliminer les billets portant des symboles de l'ancien régime. Quoi qu'il en soit, la priorité actuellement serait que les banquiers appliquent les dispositions de la BCT et acceptent de prendre les anciens billets, pour que l'opération se déroule dans les meilleures conditions.