Encore un rebondissement de dernière minute dans le feuilleton du remaniement ministériel tant attendu et toujours annoncé officiellement pour le 20 janvier. Après les déclarations, en début de semaine, de Imed Daimi, directeur du cabinet présidentiel et membre du conseil national du CPR annonçant que le Congrès pour la République pourrait se retirer de la Troïka au cas où le remaniement n'engloberait pas les ministère de souveraineté, voilà qu'Ettakatol monte aussi au créneau et fait part de son intention de quitter la coalition au pouvoir, estimant qu'il n'a pas «décelé une volonté réelle de parvenir à un remaniement ministériel sérieux et approfondi propre à répondre aux priorités de l'étape et aux ambitions des Tunisiens». «Cette position, précise Mme Hela Aloulou, membre du bureau politique d'Ettakatol, a été prise, jeudi 17 janvier, lors de la réunion du même bureau». «Nous constatons que les consultations actuelles ne permettent pas un remaniement rassurant qui pourrait aboutir au renforcement du consensus et à l'élargissement de la coalition gouvernementale dans le sens auquel Ettakatol a déjà appelé depuis septembre 2012, à la suite de l'attaque contre l'ambassade américaine. Nous avons fait parvenir nos demandes à nos partenaires dans la Troïka et aux autres partis ou groupes parlementaires qui participent aux négociations et nous attendons encore leurs réponses», ajoute-t-elle. En quoi consistent effectivement les demandes formulées par Ettakatol? Mme Aloulou précise : «Dès la constitution du gouvernement de la Troïka, nous avons exigé que l'action des ministères obéisse au principe de la neutralité administrative. Malheureusement, cet accord n'a pas été respecté et aujourd'hui, nous voulons qu'au moins les ministères de souveraineté soient gérés d'une manière impartiale. Notre vision de l'action gouvernementale est claire et notre parti a demandé la redéfinition des priorités et des objectifs de l'étape actuelle ainsi que le mode de leur gestion. Au cas où nos revendications ne seraient pas satisfaites, nous ne voyons pas de raison pour la poursuite de notre présence au sein de la Troïka. Pour nous, un remaniement de façade ou pour sauver les apparences n'a aucun sens et nous ne sommes pas disposés à le soutenir». Plus de 12 ministères concernés Contacté par La Presse pour commenter la nouvelle réaction d'Ettakatol ainsi que ses revendications, Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif d'Ennahdha, tient à souligner : «Dès le départ, nous avons convenu, au sein de la Troïka, que le remaniement sera à la fois partiel et important puisque plus de 12 ministères seront concernés au vu des priorités de l'étape et sur la base du consensus et de l'évaluation du rendement des membres de l'équipe gouvernementale. Toutes les idées ou propositions avancées par Ennahdha, Ettakatol et le CPR ont été discutées. Quant aux ministères de souveraineté, Ettakatol a demandé que l'un d'eux soit touché par le remaniement et il est pleinement dans son droit de faire les demandes qui lui conviennent». Lourimi précise, toutefois : «Au sein d'Ennahdha, nous considérons toujours qu'Ettakatol est un partenaire à part entière dans l'alliance au pouvoir. Seulement, ses responsables doivent savoir que les rapports de force ont changé depuis la formation du gouvernement, et avec l'effritement que leur parti est en train de vivre, ils pourront se trouver dans la position de ceux qui traversent le désert sans boussole. Leur menace de quitter la Troïka constitue un saut dans l'inconnu dont ils seraient les premières victimes». Dans le même sillage, il rappelle : «Nous sommes le seul parti qui n'a pas connu de division ou de départs et nous sommes toujours capables de réunir une majorité confortable autour de nos choix. Nous n'avons nullement l'intention de changer nos partenaires mais nous leur demandons de saisir la nature et les enjeux de l'étape que traverse notre pays. Le gouvernement n'est pas dans l'impasse et nous considérons que chaque partie est appelée à faire un pas en direction de l'autre». Ettakatol franchira-t-il le pas et quittera-t-il la Troïka comme le laissent entendre les déclarations de certains de ses responsables? Le responsable nahdhaoui se veut rassurant, voire conciliant, en répondant: «Non, nous ne prévoyons ni n'attendons qu'Ettakatol claque la porte parce que nous savons qu'il constitue un partenaire responsable et au fait des réalités. Ses déclarations s'inscrivent dans ce que nous pouvons appeler le suspense politique et médiatique. Seulement, je voudrais rappeler que nous avons conclu un pacte et ceux qui veulent le réviser ou l'interrompre ne doivent pas voir les choses uniquement de leur positionnement. La sortie de l'une des composantes de la Troïka est de nature à réviser le pacte conclu dans toutes ses composantes». Ajmi Lourimi révèle, en conclusion, que le Conseil de la choura d'Ennahdha tient aujourd'hui une session exceptionnelle. «A l'ordre du jour, un point unique : l'examen des résultats des consultations menées par Hamadi Jebali, chef du gouvernement et secrétaire général d'Ennahdha, en vue de la finalisation du remaniement ministériel. Les membres du Conseil de la choura auront à discuter et à parrainer, en cas d'accord, les propositions issues du bureau exécutif du mouvement ainsi que celles avancées par les autres partis politiques impliqués dans les négociations», confie-t-il.