La pénurie de lait sur le marché tunisien restera comme un fait historique. Ce n'est pas parce que ça se produit pour la première fois ( la production laitière diminue en janvier et en février), mais ce qui est inquiétant, c'est que elle a pris l'effet «boomerang» : le lait disparaît dans les grandes surfaces et auprès des commerçants, les rumeurs s'accentuent autour d'une augmentation de son prix et voilà une médiatisation de la question qui affole les ménages tunisiens. Pendant des semaines et des semaines, le lait est devenu un produit rare avec des spéculations et des pratiques monopolistiques qui donnent du vertige au simple citoyen. Comment un pays qui a une production agricole laitière conséquente n'arrive-t-il pas à satisfaire sa demande interne ? Une question existentielle qui demande une analyse sectorielle et une reconfiguration du marché concerné lui-même. Centrales laitières peu nombreuses et mal organisées, coût de plus en plus élevé de l'élevage bovin, pratiques et ententes monopolistiques des industriels laitiers en Tunisie (jusqu'à quand ce secteur va-t-il être la chasse gardée de quelques marques?), tentations exportatrices vers le marché libyen ( une cause bien explicative de la diminution de l'offre des bien agricoles et agroalimentaires) et surtout un réseau d'intermédiaires qui font leur loi sur le marché au vu et au su de tout le monde et un comportement d'achat phobique (il suffit qu'un produit se fasse rare pour que la demande devienne folle), c'est ainsi que l'on peut expliquer la crise du lait et la flambée des prix des biens de consommation. Et le ministère du Commerce dans tout cela? Honnêtement, il a été d'une grande passivité et parfois incompétent pour gérer la régulation des marchés. Si tout le monde, et en particulier le Tunisien moyen et au revenu limité, dit que la vie coûte plus cher après la révolution et que les statistiques officielles le prouvent (taux d'inflation), c'est que ça existe et que ça devient dangereux. Le rôle du ministère du Commerce n'est pas seulement d'injecter d'énormes quantités sur le marché pour diminuer les prix. Le plus important, c'est de savoir si ces quantités sont acheminées en délais et en quantités adéquates sur le marché final. L'organe du contrôle des marchés est un service hors connexion, et ce n'est pas le discours gouvernemental rassurant qui va nous contredire. Les grossistes (pas tous), et précisément un réseau de spéculateurs qui étouffe tous les marchés, avec l'aide d'autres intermédiaires connectés directement sur le marché libyen et hors du champ étatique, ce sont ceux-là qui ont déréglé les marchés tunisiens en grande partie. Impunis, libres de faire ce qu'ils veulent devant l'impuissance ministérielle, ils rendent pénible la vie des ménages tunisiens. Avant de planifier la restructuration de l'approvisionnement et de la distribution (réformes qui demandent beaucoup de temps), le gouvernement a intérêt à reprendre sa crédibilité sur les marchés et à frapper fort ces spéculateurs intouchables !