Les déboires viennent souvent en groupe. L'après-midi d'hier a mal commencé avec le énième report de l'annonce du remaniement ministériel. Et puis il y a eu cette cuisante défaite de notre équipe nationale de foot à la CAN : trois zéro face aux Ivoiriens. Ici et là, on ne s'y reconnaît pas. Certes, il y a des jours ternes. Mais l'on ne saurait s'y résoudre. Le chef du gouvernement semble bien empêtré dans l'impossible issue du feuilleton du remaniement. Annoncé chaque fois à cor et à cri, il est sans cesse ajourné. M. Hamadi Jebali a décidé cette fois de l'annoncer incessamment devant l'Assemblée constituante. Ultime parade. Encore une fois, c'est le surplace. Parce que l'Assemblée constituante est l'instance de fait dans laquelle se trament les conciliabules du remaniement. Haj Moussa ou Moussa Haj, comme dit le proverbe. Disons-le clairement. Le pays est en panne. Tout est en suspens tant que le remaniement se dilate à n'en plus finir. Les sourires du chef du gouvernement n'y peuvent guère. Ni son optimisme affiché à tout bout de champ. Et l'actuel gouvernement, fondé sur les distributions partisanes, administre la preuve de son impuissance à se régénérer. Il faut reconnaître que, paradoxalement, l'épicentre du pouvoir n'est point dans le seul gouvernement. Les partis politiques l'emportent. Ils en font à leur guise. Et le sabordement du consensus au sein de la Troïka gouvernante a littéralement frappé le gouvernement d'inanition. Encore plausible si cela concernait un gouvernement fondé sur un équilibre précaire de partis disparates. Mais là, nous sommes en présence d'un triumvirat hier encore soudé à toute épreuve. Les pesanteurs sont multiples et endogènes. Le gouvernement Jebali pâtit de plusieurs blocages intrinsèques. D'abord, le mouvement Ennahdha, traversé par des courants qui se neutralisent. Au bout du compte, cela favorise un statu quo empêchant M. Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahdha, d'avoir les coudées franches. Obligé de composer avec des chefs réels en dehors du gouvernement, il n'a pas les moyens de sa politique. Il y a également les deux autres partis de la Troïka. Eux aussi sont aux prises avec Ennahdha. Leur bras de fer non déguisé, surtout du côté du CPR, tétanise le gouvernement au point de le scléroser. Après avoir fait profil bas, Ettakatol s'y est engagé, lui aussi. On ne compte plus les télescopages, les batailles fratricides, les fuites désastreuses pour l'image de certains ministres du gouvernement. C'est la mêlée et la rixe au grand jour, motivées par des calculs partisans étroits, des désirs de vengeance, des représailles à outrages subis ou ressentis comme tels. Le gouvernement est devenu, ces derniers mois, une arène privilégiée de luttes fratricides. Cela a nécessité un remaniement. Lequel s'avère presque impossible. Entre-temps, la situation économique est loin de connaître l'embellie. Par-delà les chiffres officiels et les effets d'annonce. Pour l'économie des ménages, c'est un désastre quotidien. Envolée des prix des produits alimentaires et des services de base, pénuries et spéculations vicieuses enveniment la vie du citoyen lambda. Sans parler de l'insécurité et des violences déchaînées et multiformes. Les investissements et les exportations sont, eux aussi, en panne. Cela en rajoute à l'image de marque du pays profondément détériorée par le faisceau des conditionnements pervers. C'est dire qu'il n'est guère facile d'être dans la posture du chef du gouvernement. M. Hamadi Jebali subit davantage les feux amis que les charges de l'opposition ou des forces hostiles. Il supporte les charges de ceux qui sont supposés l'épauler. Mais il n'est guère en reste, lui aussi. Au lieu de prendre le taureau par les cornes, il essaie de louvoyer à vue. Et l'interminable surplace du gouvernement équivaut à évoluer à reculons. Pourtant, dans les réussites comme dans les déboires, on parle surtout du gouvernement Jebali. Jusqu'ici, il y a encore un round de perdu. Jebali n'a pas encore jeté l'éponge. Mais, encore un report de l'annonce du remaniement et ce sera le k.-o.