Par Zouhaïer EL KADHI (*) Face à l'angoissant problème du chômage, en particulier des jeunes diplômés, de nombreux experts et conseillers tentent de mener des réflexions. Et beaucoup a été dit à tort et à raison. Le bon sens fait qu'il est plus sage de comprendre d'abord comment nous en sommes arrivés là avant de chercher à proposer des solutions. Une lecture détaillée de la structure de l'économie tunisienne laisse apparaître des signes de faiblesse et des anomalies tant du côté de l'offre que de celui de la demande de travail. Si les problèmes du côté de la demande sont largement connus, du côté de l'offre, les anomalies sont souvent confuses. En effet, notre université a souvent cherché à multiplier le nombre de diplômés sans se soucier de la qualité des diplômes. Cette dite qualité dépend largement des universitaires dont le parcours d'un certain nombre d'entre eux peut paraître parfois douteux. Et il n'est pas impossible que l'enseignement soit entré dans un cercle vicieux où la médiocrité produit de la médiocrité. De toute manière, l'enseignement supérieur et la recherche en Tunisie oscillent entre crise latente et crise ouverte. Les enseignants-chercheurs dénoncent à la fois la déperdition et l'insuffisance des moyens, un gaspillage de leur temps et de leurs efforts, une perte de considération de la part de la société civile. L'opinion observe que l'effort financier global qu'elle consacre n'est pas négligeable comparativement à d'autres pays, que le système d'enseignement supérieur et de recherche tend à se replier sur lui-même et s'adapte trop lentement, que les réformes successives l'ont alourdi sans vraiment le réformer, enfin que les résultats attendus en termes de gains de productivité et d'innovation pour la nation sont discutables et insuffisants. Notre système actuel d'enseignement supérieur et de recherche s'est construit comme une juxtaposition d'organisations verticalisées avec des statuts différents, tous décidés par l'Etat. Il convient aujourd'hui de réunifier la conception, la gouvernance et l'organisation de notre système d'enseignement supérieur et de recherche afin de le remettre en adéquation avec les besoins des entreprises tunisiennes. Tout le monde est aujourd'hui d'accord sur le fait que l'université doit être en interaction plus directe avec la réalité et l'évolution de la société. En langage économique, on dit que le modèle « interactif » prend le pas sur le système « linéaire » traditionnel. L'enseignement supérieur doit être en interaction directe avec la recherche et les deux doivent être en interaction avec l'économie dans son ensemble. Pour l'essentiel, le défi majeur est d'adapter l'université tunisienne aux besoins présents et futurs de l'économie et aussi de faciliter la reconversion des travailleurs, en cas de licenciement. Ces défis exigent une véritable formation continue et générale tout en évitant une spécialisation excessive. (Economiste)