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«Les nécessaires choix artistiques et culturels»
L'entretien du lundi : Charbal Dagher (écrivain-chercheur)
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 02 - 2013

Notre invité de ce lundi nous vient tout droit du Liban. Il était parmi nous à l'occasion d'une conférence qu'il a présentée la semaine dernière à Beït al-Hikma, sur «l'art islamique entre l'approche archéologique et l'approche historique».
Egal à lui-même et d'une humilité déconcertante, le Pr Charbal Dagher n'est plus vraiment à présenter. Ami de la Tunisie, journaliste, un certain temps, homme de lettres de grosse pointure, figure de proue de la sphère culturelle arabe et même internationale, il est également considéré comme un artiste et un homme de théâtre de grande stature.
Auteur de livres sur la littérature arabe moderne, traducteur de plusieurs recueils de poèmes, de livres sur l'art islamique (Les traités du Beau, L'art islamique selon les sources arabes, L'Art et l'Orient, en deux volumes) et l'art arabe moderne (Art et lettres : expériences de peintres arabes avec la lettre arabe, La toile arabe entre contexte et horizons, L'œil et la toile : les ateliers arabes,), il a, aussi, à son actif de nombreuses études et recherches. Il nous mène, ici, dans le sillage de sa vie de chercheur, nous parle d'art et de littérature, ses domaines de recherche de prédilection, ainsi que des choix que nos sociétés doivent faire à ce niveau.
Vous êtes un ami de longue date de la Tunisie...
Oui, effectivement. C'est en 1979 que je suis venu pour la première fois en Tunisie. En tant que journaliste, j'ai effectué une série d'articles sur la culture tunisienne. J'ai eu la chance de rencontrer, à l'époque, plusieurs figures emblématiques, comme Mahmoud Messaâdi, Béchir Ben Slama, Ezzeddine Madani... J'ai, également, présenté des jeunes poètes tunisiens qui sont devenus, aujourd'hui, au-devant de la scène culturelle tunisienne comme Sghaïer Ouled Ahmed pour ne citer que lui. Ce fut une première dans la presse panarabe. Depuis, j'ai été régulièrement invité pour des colloques et des conférences, notamment au Centre culturel de Hammamet et à l'Académie des lettres, des sciences et des arts (Beït al-Hikma). J'étais, par ailleurs, professeur-visiteur dans plusieurs instituts de Beaux-Arts et d'arts et métiers en Tunisie.
Poète, écrivain, chercheur, universitaire, journaliste, vous êtes un intellectuel aux multiples casquettes. Laquelle est la plus proche de votre cœur ?
J'ai été amené à vivre et à accepter ces voies multiples. Ce que je fais n'est pas si conforme de l'image qu'on peut avoir du professeur ou de l'écrivain. A mes débuts, je n'ai pas spécialement cherché à adopter des pratiques différentes.
Je garde de mon expérience journalistique une curiosité qui a cultivé mes différents penchants. Pour la littérature et mes recherches, je tiens à être fidèle à la chose que j'écris, au moment où je l'écris, en essayant d'isoler cette pratique du reste. Mais en regardant de près mes écrits, on peut relever plusieurs passerelles. Certains ont relevé dans ma poésie une corrélation entre le poétique et le visuel. D'autres ont pensé à propos de mes recherches sur la poésie arabe moderne que j'étais le premier à avoir considéré le poème comme forme graphique. Une troisième catégorie a constaté que j'ai toujours pris les œuvres littéraires arabes classiques comme sources de mon interprétation de l'art islamique. Cela fait qu'à la fin, tout converge d'une manière ou d'une autre. Mais si j'avais à avouer ma préférence — et c'est exceptionnellement que je le fais devant vous aujourd'hui —, je dirais que c'est la poésie qui est la plus proche de mon cœur. C'est avec elle que je retrouve, en effet, mon enfance et c'est avec elle que je me projette, aussi, dans la mort. Car la poésie est bel et bien une bataille incessante entre le désir et l'obsession de la mort. Elle me rend plus humain, avec toutes les feuillures de l'existence.
La littérature et la poésie arabe contemporaines, les vôtres en particulier, sont-elles en phase avec ce qui se passe dans les sociétés arabes ou se meuvent-elles dans la seule «bulle» de l'imaginaire ?
A votre question je pourrais donner deux réponses différentes, mais complémentaires. Dans ma poésie, je suis plus proche de l'Instant, tout en précisant que, pour moi, ce dernier ne se cristallise pas nécessairement dans le politique. Ce qui m'intéresse dans la poésie, c'est plutôt l'humain, ce que provoque en moi cette situation stagnante ou changeante des réflexions souterraines, sous-jacentes ou même secrètes, à travers l'inclinaison d'une voix humaine par exemple.
Dans la littérature, je considère que je travaille dans une perspective à la fois critique et historique, tout en évitant deux tendances actuelles. L'une traditionnelle qui croit, à tort, que nous sommes toujours les mêmes, une entité immuable, depuis au moins 20 siècles. L'autre réduisant la lecture des textes à une lecture figée de ses signes, indépendamment de l'Histoire elle-même. Une attitude qui explique l'aspect critique de mes recherches. J'essaie, en fait, de dépoussiérer la culture traditionnelle, de la reformuler autrement, la rendant plus convenable avec les perspectives et les projets des sciences humaines. Ainsi et aussi je vis mon présent...
Vous êtes un grand spécialiste de l'art arabe contemporain. Mais ne pensez-vous pas que l'utilisation de l'expression «art arabe» n'est plus aujourd'hui possible à l'ère de la mondialisation, où s'estompent les frontières et s'insinuent les cultures?
Assurément ! Je conteste déjà l'appellation «art islamique» et ce n'est que par simple commodité que je l'utilise dans mes écrits. D'ailleurs, ce qu'elle désigne actuellement était, en grande partie, autrement conçu dans le passé arabo-musulman.
Pour l'«art arabe», j'ai, de même, un certain regard critique, dans le sens où cette appellation peut regrouper des désignations différentes. En effet, si elle renvoie à l'art pratiqué par les Arabes, ce sont seulement la filiation et la nationalité de l'artiste qui définissent l'art. Ce qui n'est pas sans créer d'ambiguïtés. Cette appellation désigne, par ailleurs, un critère identitaire, voire national, ce qui pourrait réduire l'«art arabe» à des pratiques artistiques qui s'inspirent de l'art islamique. Que faire alors des autres pratiques dans ce cas-là ? Il y a donc plusieurs problèmes à envisager et beaucoup à dire et à discuter sur ce sujet. En ce qui me concerne, j'utilise l'appellation «art arabe», encore par commodité, pour désigner l'ensemble des œuvres artistiques produites par des Arabes (tout comme on parle de peinture française, par exemple). Aujourd'hui, le problème concernant l'identité de l'art est de plus en plus difficile à envisager. Comme vous l'avez très bien dit, le monde s'est vraiment transformé en un village, les informations circulent instantanément et à une rapidité extrême, à telle enseigne que nous n'arrivons pas à déceler l'aspect identitaire, civilisationnel, national dans l'art. La «sphère» de l'art est presque devenue un monde à part où les artistes se cherchent, se retrouvent avec une facilité extrême, avec des convenances ou des chocs. C'est pour cela qu'il vaudrait mieux parler de choix artistiques, d'options esthétiques transnationales qui traversent les sociétés, les cultures et les arts. En assistant à des biennales internationales, je vois des correspondances artistiques et esthétiques qui se font et se défont entre des expériences venant de pays très différents. Le monde de l'art permet, actuellement, aux artistes arabes, s'ils le veulent, d'accéder à ce concert mondial, à y participer activement et à proposer des versions novatrices de leurs visions artistiques. Il suffit de suivre le remarquable parcours de l'Irakienne Zaha Hadid qui est parvenue, entre Bagdad et Beyrouth — sans compter Londres —, à être présente d'une façon exceptionnelle dans le monde de l'art aujourd'hui.
Pourtant, plusieurs artistes arabes brandissent sciemment le drapeau de l'identité et, de là, celui d'un certain exotisme, pour se positionner sur le marché international de l'art...
Ce que vous dites était très vrai, il y a quelques décennies. Plus d'un artiste cherchait à être présent en montrant un aspect identitaire de la culture ou de l'art. A mon avis, il est clair que cette façon de faire ou de produire est devenue caduque, bien qu'elle persiste encore. Ce qui prime, désormais, dans le monde de l'art, de nos jours, c'est le concept plutôt que le style. Chose qui oblige les artistes à être des intellectuels et non pas des artisans, mais également novateurs non des copistes. Des exigences qui élèvent le débat et rendent la compétition beaucoup plus ardue. Dans ce sens, je relève aujourd'hui qu'un bon nombre de jeunes peintres arabes se frayent un chemin dans le monde arabe, changeant et stimulant à la fois.
Y aura-t-il, à votre avis, des répercussions sur les pratiques artistiques des pays concernés par ce qu'on appelle le Printemps arabe?
Il est encore tôt de juger de l'avenir des révolutions arabes, surtout que la situation politique est susceptible de changer dans une direction ou une autre. Nonobstant, le regard historique nous permet de dire qu'une fois les peuples libérés de la tutelle de l'accaparation du pouvoir, ils posent nécessairement la condition du politique dans la société. Mais comment représenter ? Comment gérer ? Et sur quels critères ? Je pense que nous avons encore une longue expérience à vivre pour pouvoir trouver, à la fin, des formules légitimes et durables qui font fonctionner la vie normale d'une démocratie. Concernant l'art en soi, il dépend sans doute aucun du climat politique général. La manière de sa réception et par le gouvernement et par les collectionneurs éventuels ainsi que les besoins multiples et différents de la société sont, en effet, déterminants.
Il va sans dire que nos sociétés ont des choix à faire au niveau de l'art et de la culture, d'une manière générale, et dans le contexte actuel, en particulier. Seulement, ces choix ne sont pas faits et ne se feront pas par les contraintes, l'exclusion ou le favoritisme. Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, dire ou faire le tri dans les pratiques artistiques. Il n'est pas sensé de dire, à titre d'exemple, que nous acceptons la Toile, mais refusons le cinéma !
Personnellement, j'ai le sentiment que les différentes sociétés arabes recherchent l'art et le refusent à la fois. C'est un rapport très sélectif qu'elles entretiennent, appréhendant des retombées ou des implications pouvant éventuellement toucher les Valeurs. Ce sont des attitudes craintives qui ne produisent pas des avancées dans nos sociétés. Il est, par ailleurs, aberrant de vouloir contrôler l'internet, l'image ou le livre dans un monde qui connaît des avancées technologiques permettant, à tout un chacun, l'accès au site web ou aux livres interdits et à l'image censurée en un instant.
La culture, les arts sont devenus des icones de civilisation avec une rentabilité financière évidente, ne l'oublions pas. De toute évidence, le monde de l'art n'est plus restreint ou clos. Il est devenu l'un des fondements de la société moderne et jouit d'une présence importante dans le monde d'aujourd'hui. Sommes-nous préparés en tant qu'Arabes à un tel changement? Facilitons-nous à nos jeunes les conditions d'un tel développement ? Telles sont les vraies questions...


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