Mise en place d'une cellule de veille sur les droits de l'Homme Une cellule de veille sur les droits de l'Homme en Tunisie est en train de se mettre en place ; telle est la première recommandation du Comité pour le respect des libertés et des droits de l'Homme en Tunisie, réuni en atelier fermé, dimanche dernier dans la Capitale. Il y avait une société civile qui a fait la veille et milité dans le pays et à l'extérieur, qui a alerté l'opinion mondiale sur les violations méthodiques perpétrées par la machine Ben Ali. Des militant(e)s toujours habités par le même combat entêté contre l'injustice et les répressions de toutes sortes se sont donnés, encore une fois, rendez-vous, le 17 février. Des questions d'actualité étaient à l'ordre du jour : la violation des droits de l'Homme entre hier et aujourd'hui ? Quelle est la nature des violations, s'il y en a ? Dans quelle mesure les conventions internationales ratifiées par la Tunisie sont traduites dans les lois et les pratiques nationales, pour apporter une meilleure protection aux citoyens ? Le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'Homme en Tunisie, Crldht, ne sort pas de nulle part. Il est connu de toute la classe politique et des défenseurs des droits de l'Homme. Officiellement créé en 1996, le comité opère depuis 1993, il avait pris alors à sa charge, le suivi des dossiers en rapport avec les atteintes des droits de l'Homme. En 1993, c'est l'époque de l'atroce répression contre les islamistes, rappelle Kamel Jendoubi, actuel président du Crldht. L'objectif de sa création était justifié par le fait que les Tunisiens ne pouvaient pas s'informer, ni se rencontrer, ni entreprendre des actions collectives dans le pays. Le comité avait alors le rôle à la fois d'informer et de mener des campagnes internationales de sensibilisation et de solidarité avec les victimes du régime. «Nous avons défendu tout le monde, sans exception, tient à faire remarquer M.Jendoubi, y compris les jihadistes. Nous avons publié deux rapports qui ont fait date ; sur la pratique de la torture dans les geôles de Ben Ali, ainsi que sur la loi concernant la lutte contre le terrorisme en Tunisie adoptée en 2003». Agissant en partenariat avec la Ligue des droits de l'Homme, la société civile, Amnesty international et les organismes Internationaux, le Crldht avait entrepris, sans relâche et pendant deux décennies, des campagnes massivement relayées auprès des parlements européens, des institutions internationales et des médias pour mettre en lumière les graves dérapages de l'ancien système. En 2002, une rencontre avait été organisée sur les questions des droits de l'Homme à Paris, à laquelle avaient participé tout l'éventail politique et associatif tunisien et des personnalités indépendantes. Moncef Marzouki et Ahmed Néjib Chebbi étaient alors parmi les présents. Avec la révolution, le comité a suspendu son action. Mais voilà que deux ans après, les membres et partenaires décident de le réactiver. La question a été posée, nuance le président du Crldht : ne faut-il pas continuer à relayer la situation des droits de l'Homme en Tunisie ? Actuellement, les violations se font par des groupes non étatiques, a-t-il analysé, qui répriment les libertés des personnes, la liberté d'expression ou de création. D'autres dossiers sont également dans notre agenda : nous organisons une action de défense des « Jeunes de Mahdia ». « Les anciens du régime ont droit à un procès équitable » L'image du pays véhiculée à l'extérieur ne correspond pas réellement à la réalité, apprend-on au gré de la rencontre. Les informations relayées par la presse internationale sont au mieux amplifiées, au pire fausses. Ce n'est pas la faute des médias, mais il y a des réseaux, accuse M.Jendoubi, qui véhiculent tendancieusement une image catastrophique, décrivant la Tunisie comme étant le Mali. Ce qui est complètement faux. Nous allons procéder à un travail élaboré de réajustement de l'image du pays, ajoute-t-il. Ce comité, qui compte parmi ses membres permanents et ses partenaires un grand nombre de Tunisiens, de Marocains, d'Algériens, de Français et d'Allemands, a jugé utile d'aborder une question délicate, qualifiée de «taboue» : celle des conditions de détention des dirigeants de l'ancien régime : on ne peut pas accepter des conditions inhumaines et des détentions arbitraires, lâche le président du comité. Il faut que chaque citoyen ait le droit à un procès équitable, selon les normes connues : le droit à la défense, le droit à l'intégrité physique et morale. Même s'ils ont commis des crimes, il ne faut pas les leur faire payer de manière abjecte, a-t-il conclu gravement. En cette Tunisie postrévolutionnaire, non encore réconciliée avec son passé, les chantiers en rapport avec les droits de la personne se font nombreux. Les menaces et les risques sont réels pour que les vieilles pratiques remontent à la surface. Le système démocratique n'étant pas encore mis en place, les mentalités sont difficiles à changer. Mais, grande nouveauté, la résistance se fait tenace et acharnée pour barrer la route aux vieux démons du passé.