Mme Basma Khalfaoui, veuve du martyr Chokri Belaïd, et Mohamed Jmour, secrétaire général adjoint du Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu) et membre du comité de défense du martyr, étaient vendredi dernier à Genève pour sensibiliser les organismes et instances internationales à l'affaire de l'assassinat du secrétaire général du Ppdu. Quels sont les motifs qui ont poussé le comité de défense de Chokri Belaïd à franchir le pas et porter ainsi l'affaire à un plan international? Catégorique, M. Jmour ne cache pas ses doutes quant au sérieux de l'enquête en cours et de la volonté d'identifier les assassins et les commanditaires du crime : «Nous nous sommes rendu compte, hélas, que nos doutes et appréhensions étaient légitimes. Et ce pour plusieurs raisons. Car, comment se fait-il que la reconstitution du crime s'est déroulée sans la présence du camarade qui conduisait la voiture dans laquelle a été assassiné Chokri Belaïd ? La police ne l'a pas convoqué. C'est vous dire le sérieux de ces investigations et de cette enquête menées par le ministère de l'Intérieur. Voilà qui accentue nos doutes. Franchement, nous avons constaté une volonté manifeste de classer cette affaire». Les démarches entreprises De ce fait, une action de sensibilisation des instances et organismes internationaux a été entreprise par le comité de défense de Chokri Belaïd, «cela, afin, précise Mohamed Jmour, de les exhorter à se saisir de ce dossier. Notre démarche se situe à deux niveaux : celui des instances et organismes comme les Nations unies, la Fédération internationale des droits de l'Homme, l'Organisation mondiale contre la torture (Omct), Human Rights Watch et autres. Cette démarche pourrait aboutir à une motion du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies. Maintenant, au niveau judiciaire, il s'agit de créer un comité de soutien international à Chokri Belaïd, formé essentiellement d'avocats, afin d'établir la vérité sur cet assassinat à travers la découverte des exécutants, organisateurs et commanditaires». Dans un premier temps, Mme Basma Khalfaoui et Mohamed Jmour ont rencontré l'adjointe du haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme qui leur a assuré qu'elle demandera à la section du Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme de Tunis de suivre le dossier Chokri Belaïd et de l'informer sur tous les manquements et défaillances. «Nous l'avons par ailleurs informée, affirme M. Jmour, des menaces qui continuent de peser sur Mme Basma Khalfaoui Belaïd et ses deux filles qui ne se sentent pas en sécurité ainsi que du laxisme du ministère de l'Intérieur qui n'a pas encore pris les mesures nécessaires pour leur protection. Nous l'avons également informée des menaces à l'encontre de journalistes, syndicalistes, universitaires et artistes. Au plan judiciaire, un ami avocat entreprend actuellement des démarches afin que nous puissions rencontrer l'ancienne procureure du TPI (Tribunal pénal international). Nous avons également engagé des contacts en France avec des avocats pour la création d'un comité de soutien international à Chokri Belaïd». La démarche de saisie des instances internationales est-elle saine pour la démocratie ? «Oui, répond Mohamed Jmour, puisque nous avons sollicité des instances et des organismes internationaux qui sont tous représentés à Tunis et ont, par conséquent, chacun leur propre section. Et c'est le cas des Nations unies, la Fédération internationale des droits de l'Homme, Human Rights Watch, l'Omct et autres. Peu importe si certains ne sont pas convaincus de notre action, l'important, à nos yeux, est que la vérité éclate au grand jour et que toute la famille du défunt ainsi que le peuple sachent, enfin, quelles sont les parties qui ont planifié, exécuté et commandité l'assassinat de Chokri Belaïd».