Le leader nahdhaoui Rached Ghannouchi a affirmé que son parti n'hésitera pas à s'opposer aux décisions que le nouveau gouvernement pourrait prendre si elles ne correspondaient pas aux orientations d'Ennahdha Contre toute forme de violence et pour un débat national institutionnel, sous la coupole de l'ANC, Ennahdha a appelé à une réconciliation avec les hommes d'affaires «Nous sommes sortis d'une situation floue vers une certaine clarté quant à la vie politique. Je crois qu'avec la fixation des dates des élections et la détermination du programme d'action du gouvernement, les choses vont s'améliorer», a déclaré le président du mouvement Ennahdha, hier, lors d'une conférence de presse qu'il a tenue à la cité Ettadhamen pour présenter son évaluation de la situation qui prévaut. D'après lui, il y a une certaine accalmie qui prédomine avec la prise de fonction du nouveau gouvernement. Evoquant le chômage et la propagation de la corruption, il a affirmé que le retard enregistré quant au processus de justice transitionnelle en est la cause principale, ce qui a provoqué le sentiment de déception chez un certain nombre de citoyens, notamment les jeunes. Dans ce sens et tout en accusant certains médias qui, selon lui, «exagèrent dans leur traitement des faits et déforment l'actualité», Ghannouchi a indiqué qu'il est temps de passer à la vitesse supérieure quant au développement, notamment dans les régions. Il a appelé à une réconciliation avec les hommes d'affaires qui, selon lui, ont été stigmatisés et qualifiés de «Trabelsi» alors qu'une majorité d'entre eux ont le sens du patriotisme et ont contribué à la construction de la Tunisie moderne. «Il faut trouver une formule avec le gouvernement pour cette conciliation, comme l'a formulé le professeur de droit Kaïs Saïed, pour réintégrer leur argent bloqué dans le circuit économique. Nous insistons sur la nécessité d'appliquer le contrat social qui a été signé avec les centrales syndicale et patronale. De même, il faut parvenir à un gel des prix des produits de consommation», a expliqué le président du mouvement Ennahdha. L'administration, une machine imperturbable Tout en remerciant les partis politiques qui ont participé aux négociations ayant abouti à la nouvelle formation gouvernementale, Ghannouchi a affirmé que «les structures du mouvement Ennahdha vont entamer leur travail dans les différents secteurs». Concernant le nouveau gouvernement, il a indiqué que son parti ne détient qu'une minorité des ministères, neuf sur les trente-sept. «C'est un gouvernement, a-t-il poursuivi, dont la moitié revient à la Troïka, alors que l'autre moitié est formée d'indépendants. Il est probable que le conseil ministériel optera pour des décisions qui soient contre les principes d'Ennahdha. Dans ce cas précis, nous affirmons que notre parti s'opposera à de telles décisions. Pour ceux qui disent qu'Ennahdha a la mainmise sur l'administration, je dis que notre parti a soixante mille adhérents, alors que l'administration tunisienne compte un demi-million de fonctionnaires, ce qui rend impossible cette mainmise. Autrement, ce qui caractérise la Tunisie est qu'elle a toujours eu une administration répondant présent même lors des périodes les plus difficiles, notamment celle d'après le 14 janvier, date de l'avènement de la révolution. C'est une machine qui, contrairement à ce que pensent plusieurs, ne peut être perturbée et qui se fait respecter grâce à une hiérarchie bien déterminée. Même un ministre, avec ses conseillers, ne pourra mettre la main sur l'administration», a-t-il enchaîné. Appel à appliquer la loi Par ailleurs, le président d'Ennahdha a affirmé que son parti dénonce la violence et appelle à l'application des lois en vigueur. Il a indiqué, concernant les ligues de protection de la révolution, que seule la justice peut décider quant à leur dissolution ou pas, tout comme concernant les partis politiques. D'autre part, il a rejeté les propos de certains qui dénoncent un appareil sécuritaire parallèle à celui du ministère de l'Intérieur. Aussi, il a assuré que des plaintes seront déposées contre «ceux qui vont persister avec les accusations portant sur l'implication d'Ennahdha quant à cet appareil inexsitant». Reprenant la question de la révision des désignations au sein de l'administration, Ghannouchi a précisé qu'il est possible de réviser quelques désignations qui ne seraient pas adéquates, mais a refusé une révision automatique et globale de toutes les désignations. Ces dernières, a-t-il précisé, doivent être faites loin des quotas partisans et selon la compétence, mais l'appartenance à un parti ne doit pas être une cause pour la révocation. Le souci de la modération Répondant à une question portant sur les différends au sein du mouvement Ennahdha et sur les dernières déclarations de certains leaders dont Habib Ellouze, Abdelfattah Mourou et Abou Yaâreb Al Marzouki, Ghannouchi a affirmé que son parti est démocrate avec une certaine ouverture sur plusieurs orientations de pensée islamique. «Certaines déclarations n'engagent pas le parti et il y a eu, pour d'autres, une mauvaise interprétation et un détournement du sens de ce qui a été dit. C'est le cas pour le militant Ellouze qui a nié certaines déclarations», a expliqué Rached Ghannouchi. D'après lui, il ne faut pas exagérer quant à la propagation des pensées wahhabites. C'est que le Maghreb a toujours prôné l'école malékite pour sa modération. D'autre part, le président d'Ennahdha a affirmé que la démission de Ameur Laârayedh de son poste de président du bureau politique n'a pas été encore traitée, ce qui le confirme à son poste. Ameur Laârayedh a expliqué que par sa démission, il a voulu éviter tout amalgame, alors que son frère, Ali Laârayedh, est désormais chef du gouvernement. Par ailleurs, en évoquant le départ des jeunes en Syrie pour le djihad, Ghannouchi a nié tout lien de son parti avec cette affaire, indiquant que l'apport d'Ennahdha en Syrie reste au niveau politique et intellectuel.