La Rachidia tient une place essentielle dans la culture musicale tunisienne, puisqu'elle s'est toujours engagée à sauvegarder et à améliorer le legs musical national. C'est justement, à ce titre qu'elle s'ouvre, désormais, aux différentes troupes et aux artistes qui œuvrent dans ce sens. La vocation culturelle, artistique, hospitalière, ouverte et engagée de la Tunisie fait qu'actuellement, elle est une terre d'accueil, par excellence, pour les amateurs des arts, dont font partie les invités du Forum Social Mondial. Certains parmi ces derniers, mélomanes et avides de découvertes, étaient présents avant-hier au Théâtre municipal, pour assister au concert mensuel de la Rachidia, apportant un peu plus de chaleur dans une enceinte à moitié vide. Il faut dire que le spectacle était concurrencé par le récital de Zied Gharsa qui avait lieu au même moment à Carthage —on se demande pourquoi cette concomitence–, ainsi que par les spectacles qui se tenaient simultanément sur l'avenue Bourguiba, à l'occasion du Forum. Pour en revenir à la prestation de la Rachidia, rappelons-nous que « la musique creuse le ciel », comme le disait Charles Baudelaire, ce qui nous fait penser au langage musical qu'arrime le ciel tunisien qui devient un miroir de notre passé, de notre présent et de notre futur. Cette trilogie temporelle est possible grâce au patrimoine national si riche. En fait, cette richesse a été reflétée par le très bon spectacle, Mina'Nawa de Lassaâd Zouari, présenté par l'orchestre «Awtar al Médina», composé d'instrumentistes et d'un chœur de talent. Au programme, figuraient, essentiellement, du malouf, des «samaï», des «mouwachahat» et des morceaux du patrimoine, dont une partie du répertoire de Cheikh Mohamed Boudaya, la référence en musique traditionnelle dans la capitale du Sud et même dans tout le pays. En fait, la Rachidia qui a été fondée en 1934, tient une place essentielle dans la culture musicale tunisienne, puisqu'elle s'est toujours engagée à sauvegarder et à améliorer le legs musical national. C'est justement, à ce titre qu'elle s'ouvre, désormais, aux différentes troupes et aux artistes qui œuvrent dans ce sens. C'est ainsi qu'avec ce spectacle, on perçoit un langage musical qui prouve l'interpénétration de plusieurs genres et styles, dont l'habillage était d'un raffinement à la fois humble et charmant. Savamment utilisés, les instruments de musique , autant que la chorale, étaient ingénieux, permettant aux mélodies de se métamorphoser en paroles poétiques et au chant d'aborder la rive de l'âme et de ses émotions. Ainsi, le luth, le violon ou le «nay» (flûte) entrent en transe dans un langage tantôt recherché tantôt dialectalisé où le champ sémantique de la nostalgie, de la passion et de la douleur nous envoûte, et ce, en nous racontant harmonieusement les belles notes du cœur, n'est-ce pas Kant qui notait que «la musique est la langue des émotions» ? Le chapelet de ces pièces musicales est invoqué dans un rythme solennel à caractère noble et vertueux. En effet, les morceaux choisis dont le langage, littéraire ou populaire, est poétique, s'imposent avec les éloges de la musique, de l'amour et de la quiétude. L'exaltation se joint à la sagesse que portent les messages de ces fragments qui veulent unir l'héritage musical avec tous les répertoires savants soient-ils ou populaires. Le refrain de cette composition musicale monté en crescendo et éclaté dans la scène lumineuse n'est que celui de l'âme et de ses aspirations. D'ailleurs, les paroles deviennent la métaphore de l'âme et renaissent dans chaque souffle que lancent l'instrument et la voix des artistes. Le spectacle a également été enjolivé par une touche stylée où la nature mystique pénètre à travers les mots dans la dramaturgie musicale. Ainsi, cette soirée ornementée de joyaux mélodieux révèle un hymne à la beauté, à l'amour et à la paix en évoquant une douceur et un rythme paisibles des jours printaniers qui s'annoncent. Finalement, ce spectacle qui rend hommage à notre riche héritage transmis de génération en génération, est aussi un miroir dont l'image musicale projette l'inspiration et l'expression de notre société dynamique et plurielle dans ses joies, ses chagrins et ses aspirations.