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L'autre mer intérieure
REPORTAGES - Un été AU SUD
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 07 - 2010

Tous les déserts ne se ressemblent pas et le Sahara tunisien est sans doute le plus beau de tous. Il offre au visiteur une multitude de paysages à couper le souffle.
Surprenant par sa diversité et ses écrins de verdure qui s'égrènent, il assure à ses visiteurs tous les ingrédients de l'aventure, de sensations fortes, mais aussi de la quiétude et de la méditation. Quand la nuit tombe, le Sahara devient perceptible à travers les sons, ce sont eux qui renseignent. Quant au ciel, qui semble si proche, il transforme les hommes qui l'auscultent en pâtres d'étoiles tels des poètes en quête d'amour céleste.
La région de Tataouine donne presque le vertige avec ces paysages lunaires à perte de vue où quelques camélidés à la démarche titubante paissent tranquillement sans se soucier du temps. Quand vous découvrez cette région en été, une impression grisante d'être le premier ou presque à fouler le sol s'empare de vous. Ici, le temps ne semble pas avoir de prise sur ces paysages où les premières traces de la vie remontent à plus de 250 millions d'années. Tataouine, ce jeune gouvernorat qui couvre à lui seul le tiers du territoire tunisien, a été le règne des dinosaures pendant l'ère tertiaire et secondaire.
Voilà une ville bien singulière qui dévoile ses lumières, ses parfums mais qui se livre chichement au visiteur. Timide mais souriante et charmeuse comme ses habitants, cette ville longtemps considérée comme la porte de l'Orient, conserve jalousement un riche patrimoine architectural et un savoir-faire artisanal qui reflètent la grandeur de ce carrefour de civilisations mais aussi la tragédie berbère. « Ô Ksar, qui défie le temps, même vide tu seras grand » a lancé dans une tirade le poète Sahbi Chaïr à la clôture de la dernière session du Festival international des ksours à Tataouine. Une épopée réalisée spécialement pour cette session et qui chante la gloire des temps passés. En effet, les ksours sont une spécificité architecturale singulière dans cette région. L'on dénombre près de 150 dans le sud-est tunisien. Abandonnés pour un mode de vie plus commode, la plupart d'entre eux tombent en ruine. Dans un sursaut de sauvegarde, des associations locales s'activent pour les restaurer et les préserver.
Les villages de montagne bientôt restaurés
En effet, l'Institut national du patrimoine de Tunis (INP) vient d'achever les études techniques concernant le projet de restauration du village de montagne de Toujane (Délégation de Mareth) et des villages berbères de Taoujout (Délégation de Matmata- ville ancienne) et de Zraoua (délégation de Matmata, nouvelle ville). Ce projet s'inscrit dans le cadre de la préservation des spécificités berbères et arabes de ces localités en vue de les intégrer dans les circuits touristiques. Il consiste en la restauration de ces trois villages, à travers notamment la mise en valeur des habitations bâties sur les flancs des montagnes, la rénovation des façades, la réparation des fissures dans les murs et des voûtes longitudinales. Tout en veillant à préserver les monuments religieux dans ces villages. Les travaux porteront, notamment, sur la construction de murs d'enceinte, tout au long des versants des montagnes, afin d'empêcher les glissements de terrain, ainsi que sur le dallage des rues principales de ces trois localités. Ces villages occupent une position stratégique sur la carte des nouvelles routes de montagne reliant les pôles touristiques et archéologiques, dans le sud tunisien, tels que Djerba, Zarzis et le Djérid. Le village de Toujane est situé sur la cime d'une montagne haute de 700 mètres surplombant la mer et les plaines d'El Arradhe et Jaffara. Pour sa part, le village de Zraoua se situe à une hauteur de 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, à un point de passage stratégique entre le Sud-Est et les villes du sud-ouest du pays.
Après une route sinueuse et saccadée qui serpente tout au long du djebel, une tache blanche trahit la présence humaine dans le village des Douiret. Un village caméléon qui épouse la couleur rougeâtre de ce mont est difficilement détectable. C'est un ksar de montagne. « Le ksar constitue une réponse à des conditions naturelles, historiques, économiques et sociologiques. Pour réaliser l'adaptation de l'homme à son milieu, le ksar a dû évoluer progressivement à travers l'histoire pour occuper à chaque période une place dans la vie de la région‑», écrit le géographe géomorphologue, Hedi Ben Ouezdou. Pourtant malgré ces sites qui suscitent la curiosité et en dépit des autres richesses géologiques que compte la région de Tataouine, le tourisme ne semble pas y faire florès.
*L'esprit « far-west »
On dévale les flancs des cimes pour retrouver les canyons de la Gorge de Selja, où serpente majestueusement le Lézard rouge. Ce train siffle trois fois avant d'emprunter la voie ferrée des mines qui s'étendent entre Tebeddit et Métlaoui. Le chef conducteur, qui exerce son métier depuis 32 ans, s'en donne à cœur joie de reconstituer l'esprit «far-west» qu'évoque le paysage constitué de ces superbes canyons où serpente l'oued aux crues lourdes.
C'est donc à bord de ce train qui a servi aux trois derniers souverains husseïnites pour leurs déplacements entre Tunis et Hammam-Lif, la résidence d'hiver du Bey, que l'on pénètre au cœur des «Gorges de Selja», un lieu épique qui offre de magnifiques échappées. Arrivés à Métlaoui, on met le cap, à bord des véhicules 4x4, sur Tamerza. Au fur et mesure que l'on s'approche de l'univers magique des oasis de montagne avec les superbes palmiers-dattiers juchés sur les flancs des djebels arides aux couleurs ocre et rouge, on quitte ce triangle Métlaoui/Redeyef/Om Larayès, centre minier d'extraction de phosphate.
A Tamerza, le visiteur ne sera pas au bout de ses surprises. L'ancien village abandonné était illuminé de 5.000 bougies. Accrochée aux flancs dominant toute la plaine du Jérid, le village semble renaître de ses cendres. Dans le ciel, une constellation d'étoiles témoigne de la singularité du lieu. Il faut impérativement passer la nuit dans ce lieu magique avant de prendre la route pour «Tozeur», la capitale du Jérid. Ici, le désert étale sa virginité, sauf lorsqu'on survole les palmeraies. Au sol, le bleu et le blanc chers aux villes tunisiennes ont disparu. Le sable est une poudre digne de la plus fine des farines, les dunes de safran ondoient. On reste aveuglé par l'ocre et le grège de la brique tout en losanges qui a fait la légendaire splendeur de Tozeur.
Tozeur, avec son style architectural singulier et la décoration de ses demeures en brique disposées en dessins géométriques, nous accueille telle une ville mystérieuse.
Ses habitants, connus pour leur pointe d'humour, ont choisi la palme du Jérid comme nom à leur région pour ainsi sceller à jamais leur rapport avec le palmier, cet arbre sacré aux fruits sucrés.
* «E.T.» est né à Chott Jerid
La chaîne d'hôtels n'a pas trop altéré la beauté de la capitale du Djerid. Dans les vieux quartiers, le lacis des venelles envoûte toute chronologie, avale l'ombre comme la lumière. Tozeur surprend aussi par la fraîcheur des jardins où perlent, gorgés de soleil, « les doigts de lumière et de miel ». Les palmiers protègent l'abricotier, le grenadier, le citronnier, les fleurs…
Dans la palmeraie, on croise, dans la clarté ombragée, des femmes enveloppées dans leur costume bleu, violine ou noir. À la sortie, un homme pousse un âne ployant sous le poids d'une jarre à chaque flanc. A un vol d'oiseau plus loin, le désert reprend ses droits... Chaos de rochers, troupeaux de chameaux, et cabanes isolées ouvrant des bouches d'ombre sous un soleil de plomb jalonnent la piste jusqu'à Ong El Jemel.
La traversée du Chott El Jérid, ce grand lac croûté de sel et dont le reflet par un soleil ardent fait naître le troublant mirage, illustre fort et bien le contraste de paysages dont regorge la région du Grand-Sud. A la lisière du Sahara, on passe d'une oasis à l'autre. Kébili, Deguèche et Nefta nous plongent au cœur même d'un univers magique où la douceur des vergers procure une sensation paradisiaque.
Cependant, c'est Douz qui nous interpelle le plus et nous rappelle le rôle que jouait par le passé ce grand carrefour d'échanges commerciaux et de départs des caravanes. Terre des M'razigues,fiers cavaliers et vaillants combattants pour la libération de la nation en temps de colonisation, cette ville livre chichements ses secrets.
Coiffant le « chach » saharien et croisant les jambes sur le cou du méhari,Belgacem, un jeune « marzougui? »(nomade de Douz) déclare en rime son amour dans les veines pour le méhari et le courage de ses ancêtres qui ont su apprivoiser le Sahara. Les yeux rivés sur le désert, les festivaliers qui ont pris d'assaut les gradins de la place Hnich à Douz, auscultent avec attention cette « terra incognita » qui présente des possibilités d'explorations spatiales exponentielles et kaléidoscopiques illimitées.
En effet, il existe une force centripète qui attire vers cet espace pur où l'œil se perd. Mais ce désert qui présente un espace à perte de vue, comporte un nombre infini de plans et de lignes, nous fait peur parce qu'il nous semble «‑vide d'hommes‑».
Certes, en tant que lieu de silence, du minéral, le Sahara est le lieu indiqué pour soigner les blessures de l'être fragilisé par le rythme moderne effréné.
C'est aussi un lieu de méditation, de concentration et d'inspiration où seul le silence est grand.
Mais le Sahara est plein de vie et d'animation. En effet, les quelques tableaux présentés lors de son festival qui fête cette année son centenaire mais qui est frappé par un mauvais sort risque de disparaître cette année des radars des festivaliers à cause de ses dettes et d'un manque de soutien, et consacrés essentiellement aux scènes du mariage traditionnel, des «‑arrassas‑», de la chasse du lévrier (sloughi), de la course de méharis, de combats de dromadaires mâles, de danse «‑nokhane‑» ou de concours de poésie populaire ont conquis l'assistance et suscité en eux le désir de traverser le désert et d'en faire l'expérience.
Ici, surprise, les cocktails se savourent au couchant dans les décors, éclairés à la torche, du célèbre village d'Anakin Skywalker dans «Star Wars». La réalité rejoint la fiction… 
En effet, ce sont les vétérans de l'image, des hommes à la sensibilité à fleur de peau qui ont succombé au charme saharien de notre pays, en l'occurrence de ces cinéastes qui ont repéré dans ce désert un plateau de tournage en plein air. Ainsi des longs métrages au succès indélébile, tels que La Guerre des étoiles, Le patient anglais, Le Messie, La vie au paradis, Le ciel sous le désert et Peut-être ont vu le jour grâce à cette mer de sable onduleuse où perlent sous le soleil le quartz et la silice.
Des dizaines de séries de films tunisiens ont été également tournés ici: les contes de Laroui, les deux films de Naceur Khmir: “Les baliseurs du désert” et “Le collier perdu de la colombe”, “Paroles d'hommes” de Moez Kamoun, “No mans Land” de Nidahl Chatta et des films de Tayeb Louhichi de Abdellatif Ben Ammar, de Khaled Ghorbal, Nacer Ktari et la liste est longue à côté des dizaines de courts métrages.
Spielberg affirme que sur le tournage de Star Wars en allant de Nefta à Tataouine et en traversant le Chott, au mois d'août, il a vu E.T., son célèbre personnage descendre des mirages. C'est ainsi qu'E.T. est né au Jérid. Jules Verne a fait arrêter la cavale de son héros évadé de la prison de Gabès dans son fameux livre «La mer intérieure» à 14 km au nord de Nefta au bord de Chott el Gharsa. Cet étrange et agréable roman sur l'utopie d'un certain Roudaire qui voulait transformer le Chott du Djérid en une mer intérieure en projetant de creuser un canal à partir du Golfe de Gabès.
Mais le Sahara tunisien, le plus sûr des déserts, offre aussi des panaches de verdure, des palmiers- dattiers où s'accrochent des doigts de lumière et de miel.
A Nefta, appelée aussi la «‑Petite Koufa‑» ou le «‑Kairouan du désert‑» grâce à ses villes sources et grâce à ses coupoles blanches, ses minarets, ses mosquées et sa merveilleuse corbeille (aujourd'hui menacée), on ne sent pas passer le temps. De Nefta, la «‑Perle du Jérid‑» à Tozeur «‑l'Eden du désert‑», le secret de cette luxuriance s'appelle eau. Certains d'entre eux rentreront avec le souhait de devenir saharien de cœur, de corps et d'esprit car l'espace envahi manque à jamais à ses visiteurs. Et le Sahara tunisien même en été n'échappe point à cette règle.


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