De notre envoyé spécial à Washington Ridha MAAMRI «Ce qui était jusqu'à maintenant une reprise à deux vitesses, rapide dans les pays émergents et les pays en développement, mais plus faible dans les pays avancés, devient une reprise à trois vitesses», estime Olivier Blanchard, économiste en chef au FMI «La croissance allemande s'accélère, mais elle devrait quand même être inférieure à 1 % en 2013. En France, l'activité devrait se contracter en 2013, à cause de l'assainissement budgétaire, de mauvais résultats à l'exportation et d'un manque de confiance», selon les prévisions du FMI Le rapport phare du FMI, « Les Perspectives de l'économie mondiale 2013», n'apporte pas de bonnes nouvelles pour l'économie nationale. En effet, les bonnes nouvelles concernant les Etats-Unis, annoncées lors de la conférence de presse tenue, hier, à Washington, au siège du FMI, ont coïncidé avec de nouvelles craintes à propos de la zone Euro. Notre premier partenaire économique est fragilisé au niveau des pays périphériques, notamment l'Italie et l'Espagne, mais aussi au niveau de son cœur, à savoir la France et l'Allemagne. «La prévision d'une contraction de l'activité dans la zone euro s'explique par des faiblesses non seulement dans la périphérie, mais aussi dans une certaine mesure au cœur de la zone», rappelle Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI. Et d'expliquer: «La croissance allemande s'accélère, mais elle devrait quand même être inférieure à 1 % en 2013. En France, l'activité devrait se contracter en 2013, à cause de l'assainissement budgétaire, de mauvais résultats à l'exportation et d'un manque de confiance». Face à ces difficultés, le noyau dur de l'Europe pourrait remettre en question la générosité de ses plans de soutien pour les pays de la périphérie. «La plupart des pays de la périphérie, notamment l'Espagne et l'Italie, devraient enregistrer une forte contraction de l'activité en 2013», renchérit-il. En somme, la morosité de ces principaux marchés des exportations tunisiennes et des principaux pays émetteurs de touristes pour la Tunisie est de nature à rajouter une dose de prudence aux projections de l'économie nationale. Par ailleurs, les panelistes du FMI ont fait savoir que les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord restent confrontés à des transitions internes progressives et difficiles. «Surtout pour les pays importateurs de pétrole, il s'agit d'une année très difficile», souligne Jorg Decressin, l'un des représentants du FMI à cette conférence. Une économie mondiale à trois vitesses «Ce qui était jusqu'à maintenant une reprise à deux vitesses, rapide dans les pays émergents et les pays en développement, mais plus faible dans les pays avancés, devient une reprise à trois vitesses», estime Blanchard. En d'autres termes, la scène mondiale est désormais constituée de pays émergents en forme, des Etats unis sur une bonne voie et d'une Europe qui trébuche. Selon les prévisions du FMI, la croissance de la production mondiale devrait atteindre 3,25 % en 2013 et 4 % en 2014. Dans les pays avancés, l'activité devrait s'accélérer progressivement, à compter du second semestre de 2013. «La demande privée semble de plus en plus vigoureuse aux Etats-Unis, mais elle reste très anémique dans la zone Euro. Dans les pays émergents et les pays en développement, l'activité est déjà passée à la vitesse supérieure», peut on lire dans le rapport sur les Perspectives de l'économie mondiale. Sur la bonne voie, la première puissance économique a renoué avec les taux de croissance positifs de 2% en 2013 et de 3% en 2014. Toutefois, selon Blanchard, cette croissance prévue est insuffisante pour faire reculer sensiblement un taux de chômage qui reste élevé. «Mais elle sera atteinte malgré un assainissement budgétaire très vigoureux, en fait trop vigoureux, d'environ 1,8 % du PIB», insiste-t-il. Tout le mérite est pour la demande privée «vraiment vigoureuse», qualifie-t-il. «Cette demande est portée en partie par l'anticipation de taux directeurs faibles selon les indications de la Réserve fédérale quant à l'orientation future de la politique monétaire, ainsi que par la demande non satisfaite de logements et de biens de consommation durables», explique-t-il. Les pays émergents tirent leur épingle du jeu. Les projections du FMI tablent sur des taux de croissance de 5,3 % en 2013 et de 5,7 % en 2014 dans les pays émergents et en développement. Les pays du Printemps arabe ne sont pas inclus dans ce groupe à cause des transitions politiques et économiques en cours. Pour la Chine, l'Inde et le Brésil, les prévisions pour l'année 2013 sont bien en dessous de celles de l'année dernière. Le rapport affiche respectivement des taux de croissance de 8%, 5,7% et 3%. Pour ce qui est du Japon, l'institution semble satisfaite des réformes entreprises par le gouvernement en place. «Le Japon fait son propre chemin», vante l'économiste en chef du FMI. «Après de nombreuses années de déflation, et peu ou pas de croissance, le nouveau gouvernement a annoncé une nouvelle politique, qui repose sur un assouplissement quantitatif agressif, un objectif d'inflation positive, une relance budgétaire et des réformes structurelles», poursuit-il. Cette politique stimulera la croissance à court terme, comme en témoigne notre prévision d'une croissance de 1,6 % pour 2013. Toutefois, pour un pays fortement endetté, il est risqué d'engager une relance budgétaire sans disposer d'un programme d'assainissement budgétaire à moyen terme. «Il est probable que les investisseurs exigeront une prime de risque, avec pour conséquence une remise en question de la viabilité de la dette», prévient-il.