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Professionnaliser d'abord l'acte d'investir
Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 04 - 2013

Peut-on privatiser les banques publiques ? Pourquoi tous ces prêts auprès des institutions financières internationales ? Où va l'argent ? La Tunisie est-elle devenue un Etat mendiant ? Les Tunisiens sont-ils en panne de création et d'innovation ? Est-on vraiment au bord du gouffre ? Et que faire pour s'en sortir ? Voilà les questions que se posent ces derniers temps bien des Tunisiens qui redoutent un scénario grec ou encore chypriote pour une Tunisie mal gérée. Afin de mieux éclairer ses lecteurs sur les principaux défis de l'économie nationale et les moyens de les relever, La Presse a donné la parole à l'ex-ministre des Finances Jalloul Ayed. Pour cet éminent financier mélomane qui a présenté sa dernière composition «Concerto de la révolution» au Kennedy Center, à New York, en présence de Barack Obama, la relance est possible, à condition de savoir être à la page des évolutions scientifiques et technologiques du monde. Comme il l'admet, l'investissement est pour le développement ce que la note est pour le musicien. Pour Jalloul Ayed également, il n'y a que le travail, la science, l'innovation et la bonne gouvernance qui puissent élever les nations à de plus hauts rangs. Entretien.
Quels seraient selon vous les réformes à engager en toute urgence?
Cela est à l'évidence dû à un modèle économique qui n'est pas sans tares graves et pesantes. La première de ces tares se rapporte à l'emploi. Le taux de chômage qu'on a aujourd'hui est très élevé : 800 mille chômeurs, dont 400 mille diplômés du supérieur. On est, donc, appelé à réduire d'une manière drastique ce taux, en procédant à une révision globale et à des réformes structurelles du modèle économique. La deuxième dans le classement des tares serait, à mon sens, la grande disparité observée entre les régions. Laquelle disparité se veut l'aboutissement logique d'une distribution inéquitable du volume des investissements. De là, il est clair comme de l'eau de roche qu'il est impératif de repenser toute la stratégie d'incitation à l'investissement. En France, ils ont créé les conditions d'une croissance économique en encourageant l'investissement marchand (privé). Car ils ont la ferme conviction qu'il est l'unique garant de la valeur ajoutée sine qua non pour le développement dans son acception la plus large. C'est pourquoi ils lui ont consacré toute une enveloppe à part entière. Or, chez nous, l'intention est de se servir du budget réservé aux dépenses publiques (6 millions de dinars) pour créer des projets et des opportunités d'emploi. Un choix qui ne peut en aucun cas satisfaire toutes les attentes, en réalisant que la création d'un emploi direct stable nécessite entre 25 et 40 mille dinars.
La privatisation des banques publiques peut-elle servir l'investissement ?
Ce qui freine l'investissement en Tunisie aujourd'hui est avant tout l'absence d'un marché de fonds propres. Lequel marché de fonds propres est utile pour la création et l'expansion des PME et PMI (petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries). En admettant que ces PME et PMI constituent 80% du tissu économique national et 60% des opportunités d'emploi créées, l'on peut aisément réaliser l'importance de créer des structures d'appui. Il faut donc des fonds d'investissement contrôlés par l'Etat, mais gérés d'une façon indépendante. Cela permet d'agir par secteur et en fonction des spécificités économiques et culturelles de chaque région. Cela, pour dire, du reste, que la privatisation des banques publiques n'est pas pour aujourd'hui. Il nous reste un long chemin à faire avant d'adopter une démarche pareille.
Quelles seraient les étapes à suivre avant d'adopter cette stratégie ?
Dans ce sens, il faut dire que les banques publiques ont joué un rôle important dans la mise sur pied de l'économie nationale. A titre d'exemple, la BTS est appelée la mère des banques et cela prouve qu'elle a accompagné le processus économique du pays. Ces banques publiques sont néanmoins exposées, par les temps qui courent, à maintes difficultés occasionnées par la combinaison de plusieurs facteurs. Parmi ces facteurs, figure en tête l'interventionnisme de l'Etat ou de l'administration. C'est que les recrutements se faisaient suite à des interventions et non pas sur la base de la compétence. Ce qui peut poser des problèmes de taille aujourd'hui, puisqu'on est appelé à assainir ces banques avant de les privatiser. D'autant plus qu'elles manquent de supports technologiques adaptés aux exigences du présent. A ce stade de l'analyse, il faut dire que j'avais proposé, du temps où j'étais à la tête du ministère des Finances, la création d'une plate-forme commune pour toutes les banques. L'objectif, étant de minimiser les dépenses, vu que la consécration d'une plate-forme pour chaque banque dépasse largement nos moyens. L'autre avantage de cette démarche est qu'elle peut faciliter, par la suite, la fusion de ces banques, étant plus rapprochées les unes des autres en usant de la même base de données. Ce sont toutes ces données, pas du tout des moindres, à prendre en considération avant d'opter pour la privatisation ou la fusion. Nous devons inscrire nos actions dans la mondialisation. Pour ce faire, nous devons avoir de grandes structures et des banques puissantes recapitalisées de manière très significative. Mais nous sommes appelés à jeter au préalable les fondements solides et pérennes d'un tel choix. L'adage : il faut penser avant de parler et peser avant d'agir.
Dans l'une de vos interventions, vous signalez que la Tunisie a opté pour une économie de transformation sans réelle valeur ajoutée. Vous appelez également à rompre avec l'Etat providence et à encourager l'économie de la connaissance et de l'innovation. Dans quels domaines l'Etat doit-il concentrer ses efforts, à cet égard ?
Avec cette économie de transformation sans valeur ajoutée, on s'est retrouvé avec des centaines de milliers de chômeurs et on risque le pire. C'est qu'en cas de crise grave en Europe, on aura des difficultés à commercialiser les articles produits en Tunisie. Je n'ai rien contre l'économie de transformation, sauf qu'elle ne doit pas être l'objectif ultime du système économique et des dirigeants tunisiens. Nous gagnerons beaucoup plus à investir dans l'innovation et la technologie et nous avons les moyens de le faire : des jeunes intelligents, bien formés et avides de réussite. Nous devons les encourager et leur apporter l'assistance qu'il faut. Aux Etats-Unis d'Amérique, l'enveloppe consacrée à l'innovation s'élève à 3% de leur PIB alors que chez nous, elle ne représente que 0,5%. Pour avancer et occuper une bonne place dans le concert des nations, il faut retrouver le chemin qui y mène. L'innovation et l'usage des moyens technologiques avancés pour ne plus exporter notre huile d'olive en vrac et la commercialiser à des prix très bas, pour garantir la valeur ajoutée dont ont besoin le secteur céréalier et bien d'autres secteurs, sont les démarches-clés pour participer activement et effectivement aux affaires du monde. Certaines entreprises tunisiennes ont déjà fait les premiers pas et se trouvent sur la bonne voie. Les autres n'ont qu'à suivre.
Selon l'historien Claude Chancel, le décollage économique repose sur cinq piliers : Etat, éducation, entreprise, épargne et exportation. Quelle appréciation faites-vous de ces cinq secteurs de chez nous, comparés à ceux des pays émergents ?
Dans mon livre «La route des jasmins », j'évoque ce qu'a dit Ibn Khaldoun : « La culture, puis, l'éducation, puis, la gouvernance, puis, l'urbanisme ». J'entends par culture ici, la culture de l'innovation, de l'excellence, de la persévérance, de la performance, etc. Nos exportations sont en deçà de la moyenne escomptée, la capacité d'épargne à Singapour est de 50%, alors qu'en Tunisie elle est inférieure à 20%. Nos PME et PMI, comme je viens de l'évoquer, manquent de sources de financement et de structures d'accompagnement. Notre système éducatif ne fait que produire des chômeurs, étant en grand déphasage avec les demandes et exigences du marché de l'emploi. Nos universités sont en perpétuelle rupture avec leur environnement économique. Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Tous ces facteurs suffisent pour nous maintenir en bas de l'échelle, par rapport aux pays développés et aux mondes émergents.
Le qualificatif émergent fait penser à d'autres axes et concepts qui sont très bien liés, à savoir croissance économique forte et durable dans un pays pauvre, Etat stable et interventionniste et désir de participer aux affaires du monde. Où en sommes-nous par rapport à tout cela ?
Avec cette question, vous me faites penser à une démarche que j'ai adoptée quand j'étais au ministère des Finances. J'ai recommandé la création d'un fonds pour aider les jeunes qui comptent lancer leurs propres projets à avoir un auto-financement. J'ai également donné des crédits aux employés et les ai encouragés à acheter des actions. C'est ainsi que l'on peut soutenir la croissance économique. En aidant les jeunes et les femmes des classes défavorisées à s'insérer dans la vie professionnelle et en fidélisant les clients et employés à leurs entreprises, nous procédons à la redéfinition des valeurs de l'emploi et de la relation entreprise-personnel travaillant. De la sorte, on peut admettre qu'il est possible de garantir une croissance économique pérenne dans un pays pauvre. De ce point de vue, Singapour est un modèle à suivre. Il y a 40 ou 45 ans, ce pays dont la superficie ne dépasse pas celle de l'île de Djerba était, sans ressources, plus pauvre que la Tunisie. Grâce à son premier ministre Leekwan Yew qui était un vrai dictateur mais éclairé, Singapour est aujourd'hui une cité-monde, un pays des plus prospères au monde. Elle produit annuellement 20 mille ingénieurs sur près de 5 millions d'habitants, alors qu'en Tunisie le chiffre est fixé à 5 mille sur près de 12 millions d'habitants. Dans ce pays devenu un des premiers dragons asiatiques, le fonds destiné à encourager les jeunes chercheurs est de 1 milliard de dollars. Ils avaient un dirigeant visionnaire entouré d'une équipe de compétences ayant évolué dans les plus grandes universités du monde. Voilà pourquoi ils ont réussi. Nous n'avons qu'à procéder à leur manière si on veut décoller.
Mais, selon des experts économiques, l'endettement de plus en plus croissant du pays chez les institutions financières internationales (FMI et BM) aura des conséquences néfastes sur l'économie nationale: une suppression progressive des subventions qui constituent 5% du PIB, la création d'impôts pour les sociétés exportatrices et la diminution des impôts pour les sociétés non exportatrices, une augmentation des taxes sur la valeur ajoutée (TVA), la privatisation des institutions publiques, des accords de libre échange et des réformes bancaires étranglant la classe moyenne. Qu'en dites-vous ?
L'endettement, quand il est bien utilisé, devient un vecteur de développement. Du moment que nous traçons nous-mêmes les conditions et les objectifs des prêts contractés auprès de ces institutions financières internationales, nous devenons les maîtres de notre sort. La transparence et la bonne gouvernance sont utiles pour rendre ces prêts profitables à l'économie nationale et aux Tunisiens et non pas des fardeaux qui pèsent lourd. L'argent doit être investi là où il faut : dans la promotion de l'éducation, de la recherche scientifique, des prestations de santé, de l'infrastructure, etc. Cela ne sert à rien de dissimuler les vérités. Nous devons concevoir ensemble le chemin à parcourir et les objectifs à réaliser. On a dit un jour que celui qui veut aller loin n'à qu'à ménager sa monture.


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