Le confort d'un espace fermé et la beauté architecturale de la Bonbonnière convenaient parfaitement à ce genre de récital (Baroque et Opéra), organisé par l'Institut culturel italien et animé par l'Ensemble orchestral de Tunisie. Le spectacle avait tout pour séduire: charme, justesse, du rythme à revendre, de la sensibilité, de la finesse, avec, en plus, un décor réussi et une projection, en arrière-plan, des chefs-d'œuvre (en noir et blanc) du célèbre photographe et cinéaste italien Quinto Albicocco. Tout cela a donné une autre dimension au récital. Sous la direction de Rachid Koubâa, les cordes jouent pianissimo les œuvres d'Antonio Vivaldi, créant d'entrée une ambiance où l'intime le partageait à l'intense. Et aux ovations de fuser. Cette première partie du spectacle a été particulièrement relevée par la musique d'Adagio de Tomaso Albinoni, adaptée à un texte en arabe littéraire louant la Tunisie. Cette magnifique mélodie mélancolique a été merveilleusement rendue par la brillante soprano Yosra Zekri qu'on a déjà admirée dans plusieurs autres sorties, avec son interprétation de quelques airs de la Traviata. La jeune cantatrice a touché, plu et convaincu, confirmant qu'elle est l'une des meilleures voix de la place. Elle n'a franchement pas volé les applaudissements nourris qu'elle a recueillis. S'ensuit, pour notre bonheur, dans la deuxième partie du spectacle, l'intermezzo (intermède musical) La serva padrona (la servante maîtresse) de Giovanni Battista Pergolesi, dans une exécution à la fois simple et sublime, avec Haïthem Hadhiri –un talent sûr— en baryton et Yosra Zekri en soprano. Nous plongeons ensuite dans la Commedia dell'arte et ses situations aussi loufoques que mordantes. Opposition de classes, guerre des sexes, conflit de générations soutiennent, en prétextes, la musique endiablée de l'œuvre maîtresse de l'Italien Giovanni Batista Pergolesi, un ouvrage fulgurant du genre «bouffon» créé en 1733. De pures délices sulfureuses, celles ciselées par le génie d'un prodige napolitain. Il s'agit de l'histoire du riche baron Uberto qui finit par épouser sa jeune servante qui donne le titre à la partition, Serpina. Un travail qui représente une belle approche du Bel canto où cohabitent très intelligemment tradition et modernité, références au passé et sensibilité contemporaine, auxquelles viennent s'ajouter la hardiesse vocale et la conviction scénique des deux jeunes artistes qui ont séduit un public comblé. Pari gagné, donc, l'Institut culturel italien en collaboration avec l'Institut supérieur de musique et le Conservatoire de Tunis qui ont relevé le défi de promouvoir la musique classique, l'opéra et le chant lyrique en Tunisie, ainsi que de mettre en valeur les jeunes talents tunisiens qui se spécialisent dans le genre. En tout cas, le public du Théâtre municipal a eu, mardi dernier, droit à une remarquable démonstration.