Par Omar BOUHADIBA Les bus de touristes qui descendent Boyston Street, les Champs Elysées de Boston, ralentissent tous au niveau de la grande galerie marchande du Prudential Plaza. Les guides attirent l'attention des visiteurs sur une large bande jaune peinte sur la chaussée qui marque l'arrivée du marathon de Boston. Courru depuis 1897, c'est le plus ancien du monde moderne. C'est précisément à cet endroit que le lundi 15 avril à 14h49 explosait une bombe artisanale, explosion capturée en direct par les caméras des reporters sportifs, et instantanément retransmise par les télévisions du monde entier. 13 secondes plus tard, à 300 métres de là une autre bombe explosait. Un enfant de huit ans, une jeune femme, et une étudiante chinoise étaient tués sur le coup. Les blessés se comptaient par centaines. L'enquête commença dans l'heure qui suivit, et dès le lendemain, les nouvelles commencèrent à filtrer. On apprit ainsi que l'objet infernal n'était autre qu'une simple cocotte-minute remplie de poudre, et de clous et que la mise à feu avait été faite par téléphone portable. Les bombes auraient été apportées dans un sac à dos noir et dans un autre gris, dont on avait trouvé des fragments sur les lieux du sinistre. Conscientes de l'impact médiatique sur la capitale de l'Amérique profonde, les autorités américaines ne lésinaient pas sur les moyens. Plus de 2000 agents relevant d'une douzaine de corps de police étaient mis sur l'enquête. L'affaire semblait difficile vu que 500.000 spectateurs suivent en moyenne l'événement sportif de l'année. Le mercredi 17, moins de 48 heures après l'incident, Richard Deslauriers, l'officier du FBI dirigeant l'enquête, déclarait avoir des images des poseurs de bombes. Le jeudi 18, vers 16h00, des photos et vidéos de deux jeunes gens, identifiés comme suspect numéro 1, et suspect numéro 2, descendant Boyston Street d'un pas nonchalant étaient en boucle sur toutes les chaînes. En boucle également le message du chef de la police de Boston : «Quelqu'un quelque part connaît ces personnes insistait-il. Si vous les reconnaissez, appelez la police. Ils sont très dangereux». La plus grande chasse à l'homme de l'histoire des Etats Unis était lancée. Elle ne fut pas longue. 4 heures après, vers 10h00 du soir, une superette du campus de MIT voisin appelait. Les suspects étaient là. Le premier sur les lieux fut un agent de la sécurité de l'université. Il fut tué au volant, avant même d'avoir eu le temps de descendre. Les suspects prirent la fuite dans une Mercedes volée. Une poursuite s'engageait, qui devait s'achever dans le calme faubourg de Watertown. La police américaine plus prompte à faire parler la poudre qu'à négocier, tirait non moins de 200 cartouches en quelques secondes. D'autres cocottes-minute explosaient, et puis le silence. Suspect numéro 1. qui maintenant on le sait était un étudiant d'origine tchètchène de 26 ans était abattu. Son frère Djohar, un étudiant de 19 ans, plutôt beau garçon et sans histoire, disparut dans la pénombre. Pour les habitants de Watertown, la nuit la plus longue venait de commencer. Voitures blindées, hélicoptères, et quelque 12.000 hommes bouclaient la ville. Tout Boston se mit sur le pied de guerre. Gares, écoles, universités, bureaux, étaient fermés. Toutes les radios invitaient les citoyens à rester chez eux. Du jamais vu! Et puis finalement, on trouva Djohar, couvert de sang mais vivant, sous une bâche dans un bateau derrière une maison. Entre le crime et l'arrestation du dernier suspect, moins de 5 jours. Chokri Belaïd était assassiné le 6 février. A ce jour, pas une piste, pas un vrai suspect, et pas une arrestation. Quelques photos dont on ne semble être trop sûr. De temps en temps, une rumeur disant qu'on aurait entrevu un des assassins en Algérie, ou que la voiture dans laquelle ils auraient fui aurait été identifiée. Le fait est que pour le public, l'enquête ne semble même pas avoir commencé. Le marathon de Boston est un des plus difficiles du monde. Les meilleurs coureurs du monde se disputent la victoire sur 42 kms d'un parcours difficile. L'enquête pour trouver les assassins de Chokri Belaïd semble, elle, être un marathon autrement plus ardu. Une épreuve qui ne semble pas avoir de ligne d'arrivée, et où les coureurs ne semblent pas pressés de prendre le départ.