«Hâtez-vous donc, amateurs de pittoresque, vous qui souhaitez voir ces villes orientales qui font frissonner : courez à Tunis, car dans quelques années, vous n'y trouverez peut-être plus que l'Occident». (Léon Michel, voyagiste et écrivain, Paris 1867) Le choix de Tunis d'abriter les travaux de l'Organisation africaine du tourisme, qui se sont déroulés au courant de la semaine dernière, nous a redonné l'espoir de croire encore en la capacité du tourisme tunisien de retrouver prochainement la place qui lui revient de droit, ainsi que sa vitesse de croisière. Pourvu que cette léthargie ne soit qu'à un stade d'hibernation artificielle, car son prolongement risquerait fort d'inhiber et de paralyser cette activité primordiale et essentielle pour l'économie nationale. Dans ce déballage, il y a des idées justes qui justifient et motivent notre souci de remettre en mémoire l'ouvrage d'un expert confirmé du tourisme tunisien, Les années Régence de Mohamed Bergaoui. L'ambition de ce guide, publié tout au début des années 2000, réside et transparaît en filigrane et d'une manière très explicite sur les atouts, ainsi que les faiblesses d'une stratégie qui, vue sous certains angles, manquerait de profondeur et de teneur. L'ambition ou la vocation de cet ouvrage est de scruter la passé afin de mieux comprendre le présent et d'appréhender ainsi avec plus d'assurance et de certitude l'avenir. Au départ, étaient les voyages L'ouvrage est divisé en quatre parties : la première est consacrée à la Tunisie orientale, pittoresque et mystérieuse ; la deuxième à la Tunisie, station d'hivernage ; la troisième aux mutations de la seconde moitié du XXe siècle, et la quatrième partie aux zones et villes de prédilection. Au début du siècle dernier, la Tunisie avait drainé bien des touristes, des Français pour la plupart, qui cherchaient outre le dépaysement, la clémence de son climat, à l'origine de la création d'un produit d'hiver, envisageant de s'y installer définitivement. Cette forme de tourisme de prospection était encouragée par le gouvernement du Protectorat, en même temps que par les intellectuels de l'époque. C'est dire que la Régence de Tunis constituait un pôle d'attraction touristique fort prisée. C'est ainsi que Châteaubriand, Alexandre Dumas, père et fils, Guy de Maupassant, Isabelle Eberhard, Camille Mauclair, André Gide, Henri de Montherlant, le Baron d'Erlanger, les artistes-peintres de grande réputation Auguste Macke, Paul Klee et d'autres de grande réputation marquaient leur engouement pour la Tunisie qui devenait ainsi la destination en vogue. L'entrée en lice des Tunisiens La destination tunisienne offrait aux étrangers un meilleur choix que l'Egypte avec le thermalisme et surtout le tourisme cynégétique avec les forêts de Kroumirie, Aïn Draham et la chasse aux sangliers et la mangouste. C'est alors qu'on vit des autochtones arriver sur le marché de l'hôtellerie avec la concurrence acharnée livrée par le grand spécialiste du tapis de Kairouan, Béchir Mechri, les Fourati et Ali Mhenni, les précurseurs qui ont posé les premiers jalons de l'activité touristique en Tunisie. C'était l'époque où le monde découvrait la beauté céleste et divine de Hammamet. Ce coin de paradis avait séduit et ébloui le comte roumain Georges Sébastian qui fit construire en 1927 sur une plage de sable fin un palais matérialisant ses fantasmes architecturaux, inspirés des constructions traditionnelles. Ce palais qui abrite aujourd'hui le Centre culturel de Hammamet a vécu du vivant du comte, de nombreux invités : Giacometti, le maréchal Rommel, Winston Churchill, Lucchino Visconti, Elsa Schiaparelli et Wallis Simpson, la future duchesse de Windsor. Aujourd'hui, qu'en est-il de Hammamet, supplantée et détrônée par la nouvelle coqueluche des Occidentaux, Marrakech? L'on est en droit de s'interroger avec une certaine amertume, sur les raisons de cette décadence. Plaise à Dieu que cette situation cesse et que les beaux jours sont à venir. * Les années Régence de Mohamed Bergaoui-Imprimerie Simpact