Pas moins de 7 organisations ont annoncé hier, lors d'une conférence de presse tenue au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), la formation d'une coalition civile pour la défense de la liberté d'expression et ont présenté à cette occasion une déclaration commune. Composée de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, le Snjt, le Syndicat général pour la culture et l'information (organisation affiliée à l'Ut), l'association «Yakadha» pour la démocratie et l'Etat civil, le Syndicat tunisien des radios libres, le Syndicat tunisien des journaux indépendants et partisans ainsi que le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, la coalition fixe une dizaine de revendications. Protéger les journalistes et la liberté de la presse Les signataires de la déclaration lue par la présidente du Snjt, Najiba Hamrouni, demandent ainsi l'application des textes de loi garantissant la liberté de la presse et le droit d'accès à l'information (en d'autres termes les décrets-lois 115 et 116, et le décret-loi 41) notamment en ce qui concerne la création de la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle (Haica), la suppression de l'article 121 du projet de la Constitution qui prévoit la création d'une Instance pour les médias (qui engloberait la presse écrite normalement sujette à l'autorégulation) qui annonce, selon eux, un retour au «ministère de l'Information». D'un autre côté, la coalition demande le retrait d'un projet de loi organique que s'apprête à faire voter le groupe CPR au sein de l'Assemblée nationale constituante et qui va jusqu'à prévoir des sanctions de privation de liberté à l'encontre des journalistes allant jusqu'à trois ans. La transparence est également une des revendications de la déclaration. Transparence en ce qui concerne les médias publics dont les lois doivent être révisées en vue de renforcer leur mission de service public, la transparence dans les circuits de distribution souvent dominés par un monopole, et aussi la transparence dans l'attribution de la «publicité publique» aux journaux, loin des calculs partisans. Enfin, les signataires demandent des éclaircissements et un droit de regard sur le sort des établissements médiatiques saisis au lendemain de la révolution. Une volonté d'enterrer les décrets-lois 115 et 116 C'est le soupçon qui pèse sur le projet de loi organique présenté par le CPR qui, notons-le, prévoit également des sanctions pénales à l'adresse de ceux qui utilisent les lieux de culte comme tribune politique. Mais la coalition dénonce la présence de pas moins de 13 articles de sanctions de privation de la liberté pour les journalistes accusés de «diffamation», un terme considéré comme un peu trop vague. Selon Kalthoum Kannou, présidente de l'Association des magistrats tunisiens, présente dans la salle, «les sanctions privatives de la liberté à l'encontre des journalistes dans le cadre de leur travail ne peuvent être admises en démocratie, seules les amendes peuvent être tolérées», tout en indiquant que si, en plus le juge n'est pas indépendant dans l'interprétation de la notion de «diffamation», ce genre de lois finira par verrouiller définitivement la vie politique. Venu soutenir la coalition, Ahmed Seddik, un des dirigeants du Front populaire, estime que la «diffamation» est «obligatoire» pour maintenir un climat de démocratie et de liberté de la presse «Si ce projet de loi est adopté, il annoncera la fin des émissions satiriques tant prisées par les Tunisiens, et j'ajouterai que ceux qui ne souhaitent pas être diffamés n'ont qu'à rester chez eux», dit-il. De son côté, Naziha Rjiba, présidente de l'association «Yakadha» (vigilance), a déploré le laxisme des journalistes eux-mêmes dans la défense de la liberté de la presse. «Cessez de réfléchir avec la logique du gagne-pain, et n'oubliez pas que votre gagne-pain c'est justement la liberté de la presse», lance-t-elle. Najiba Hamrouni pointe également du doigt trois personnalités qui bloquent, selon elle, les nominations des membres de la Haica. «Mohamed Bannour, Lotfi Zitoun et Tarek Kahlaoui bloquent les négociations sur la composition de la Haica», précise-t-elle. La présidente du Snjt a annoncé en outre que le Syndicat organisera une marche, le 3 mai, à l'occasion de la journée internationale de la liberté de la presse.