En dépit des recommandations de la consultation nationale, des efforts déployés par le ministère de la Communication et la tutelle culturelle pour amorcer une mise à niveau à l'échelle de la pratique et de la diffusion, les secteurs de la musique, les principaux pôles de l'audiovisuel public et la grande majorité de la presse artistique continuent de s'en tenir à leurs «choix de toujours», c'est-à-dire, globalement, à lorgner du côté de l'audimat et à ignorer toute considération de qualité. Nos lecteurs trouveront peut-être que nous nous répétons sans cesse et en vain, mais ce qui se passe chaque week-end (et ce ne sont que des exemples parmi tant d'autres) sur les plateaux de Mouzika et forja et El Achouia dénote d'une véritable fuite en avant dans le déni des valeurs de l'art. On ne veut accuser personne parmi les protagonistes, ce ne sont que des invités qui se saisissent des occasions (miraculeuses !?) qui se présentent à eux, on veut s'adresser une énième fois, (à l'infini), aux programmateurs. Comment font-ils pour ne pas prêter attention à tant de médiocrité, au niveau des musiques, des textes, des voix ? Comment des «chanteurs» et des «chanteuses» aussi peu dotés, aussi clairement inexpérimentés, sinon même aussi incompétents, parviennent-ils à occuper tant d'espace et d'horaire à la télévision ? Pourquoi, surtout, ceux qui les présentant se répandent-ils ainsi en éloges à leur adresse ? Et pourquoi mettent-ils autant de zèle, pour (soi disant) en convaincre les publics ? Nos «gazettes», désolés d'avoir à le dire, ne cherchent pas tellement à faire mieux. Aucun reproche à faire à la critique (rare hélas) qui montre un scrupule assidu à soutenir l'action de réhabilitation décidée au plus haut sommet de l'Etat. La déception, si l'on puisse dire, vient de nombre de publications grand public, certes libres en tant que médias privés, de chercher la rentabilisation qui leur sied, néanmoins assez indifférentes, croyons-nous, aux nouvelles options culturelles pour lesquelles nous nous sommes tous engagés. Faire le bon distinguo Ce qui nous paraît tout à fait faisable, c'est, sans sacrifier des intérêts économiques évidents, de distinguer, médiatiquement, entre la promotion des musiques et l'accompagnement des talents. La promotion est un phénomène incontournable dans le commerce de l'art. Avec le développement des marchés de masse, il est légitime que les arts cherchent à s'octroyer les avantages inhérents à toute industrie. Ce droit de commercer ne doit pas, cependant, être confondu avec le devoir de mettre en exergue, et de rendre justice aux artistes les plus méritants. C'est cela faire œuvre d'accompagnement des talents, et c'est cette fonction précise que les médias, dans les plus grandes nations musicales, s'appliquent à exercer au bénéfice des grands artistes, sans, en rien, empiéter sur le terrain des marchés et des marchands de la musique. Or, non seulement ce bon «distinguo» n'existe plus dans nos traditions, mais (encore !) on s'efforce, comme, à imposer l'inverse. Pratiquement pas de trace de l'élite musicale et des travaux de l'élite musicale sur nos colonnes, nos chaînes et nos antennes. Celles-ci sont investis parfois par des inconnus à l'adresse, dont on s'étonne, par ailleurs, autant du manque de métier que de l'irrésistible aplomb. L'élite musicale tunisienne existe bel et bien pourtant et sa production est quantitativement et qualitativement remarquable, contrairement à ce que disent les sceptiques. Simplement (et personne ne l'ignore) ces travaux sont refusés par les éditeurs, et manifestement «sabotés» par le piratage. La moindre des choses, dirions-nous en l'occurrence, eut été, au contraire, que l'audio-visuel et la presse artistique cherchent à suppléer cette impossibilité de marché, en faisant la promotion de ces musiques de haut choix, au lieu de se jeter sur les produits bas de gamme et les dilettantes de tous bords, au prétexte «de satisfaire» à la demande de ses prétendus clients. Qui fait quoi? On n'a pas toutes les données économiques en main, mais un petit détail nous taraude encore: quelles recettes, au juste, cette promotion de seconde zone rapporte-t-elle à ses éditeurs et à ses «écrivants»? S'il s'agit de télé, aucun doute: on voit bien qu'il n'y a pratiquement pas de sponsors derrière ces innombrables et inarrêtables plateaux. Quant aux écrits de presse, il est rare, très rare qu'ils soient relayés par des «encadrés pub». Résultat : on ne sait qui fait quoi, pourquoi et comment? Dieu vienne en aide à tout le monde, mais une fois de plus, rappelons : nous avons tous une part de responsabilité dans l'essor ou le déclin des arts. Dans la musique, pas besoin d'être un spécialiste ou érudit pour remarquer que les choses ont besoin d'être poussées de l'avant. La question est que les diffuseurs et les médiateurs ne se décident à agir que pour le mieux. Il y a manifestement erreur sur la «Promo».