Plus aucun doute maintenant : le football intéresse l'élite mondiale entière. Et, fait nouveau (historique?), les penseurs et les décideurs occidentaux en premier. Le Mondial d'Afrique du Sud parachève le constat. Dès qu'une sélection nationale du Nord trébuche, ce ne sont plus les publics et les médias sportifs qui «montent au créneau», mais encore les Etats, les parlements, voire les philosophes, les intellectuels et les chercheurs de tous bords. Dans l'Hexagone, pour ne prendre que cet exemple, la sortie au premier tour de l'équipe de France a mobilisé sur place deux ministres, et un conseil de crise s'est tenu à l'Elysée même. Conjointement, un aréopage de savants a investi les chaînes et les antennes, jusqu'à l'édition, avec force analyses, réflexions et ouvrages. Quelles conclusions en tirer? D'abord que tout ce que l'intelligentia européenne professait, il n'y a pas longtemps, à propos du «foot opium des peuples», s'avère faux, pour ne pas dire trompeur ou insidieux. A l'évidence, ensuite, l'inarrêtable croissance économique du football, et sa diffusion à l'échelle de la nature, exacerbe sa symbolique identitaire (image et prestige des pays) au point de la transformer (presque) en «indicateur de développement». On peut s'interroger enfin sur ce qui subsiste encore du légendaire rationalisme occidental. L'impression, ici, est que ce sont les nouvelles réalités du football qui dictent les décisions, et que les gouvernances et les élites pensantes n'ont d'autre choix que de suivre la vague. Inversion des priorités. Partout. La jonction souhaitée Impossible, en raison d'empêchement majeur, d'assister aux «50 heures de musique» organisées à l'initiative de l'équipe en charge du projet de la nouvelle cité de la culture, ce week end au centre culturel de Hammamet. On était présent, en revanche, à la conférence de presse du jeudi 24. Au vu du programme proposé (un échantillon expérimental, a expliqué Mohamed Zine El Abidine), il semble bien que la Cité de la culture s'oriente vers les pratiques et les techniques artistiques les plus avancées. Cela va du chant lyrique, à la chorégraphie, à la mise en exergue des talents solistes, aux technologies de pointe du spectacle en général. Aucune objection sur les objectifs et les contenus. D'autant qu'il s'agit de la moisson d'un extraordinaire travail de formation effectué, depuis près d'une décennie, en grande partie au sein de l'Institut supérieur de musique, et de ses filiales régionales. Questionnement tout de même : cette montée en excellence a-t-elle son juste répondant ? Une contrepartie adéquate ? La crainte, toujours, est que l'effort et les résultats louables d'une mise à niveau de la musique, ne correspondent pas assez à la qualité générale d'un large auditoire. Le paradoxe est qu'alors que l'élite des artistes affine ses compétences, les publics restent en l'état, sinon en deçà. L'idéal est que les deux évolutions puissent aller de pair. Ce à quoi sont exposés nos publics, aujourd'hui, ce sont les musiques répétitives, les théâtres faciles, les télévisions commerçantes. Enorme conditionnement à rebours. Comment, déjà, rattraper le passif ? Et puis, comment agir en amont de la culture, à travers l'éducation de base, l'amélioration de l'environnement sonore, la réadaptation de l'audiovisuel, la réglementation des marchés artistiques, parvenir à aligner cette mise à niveau à cette autre. Soyons clairs : en aucun cas l'orientation des programmes de la Cité de la culture ne sont, en eux-mêmes, remis en question. Bien au contraire, la ligne de progression et de valorisation doit absolument être maintenue. Simplement, des structures et des actions à caractère pédagogique demeurent nécessaires pour que, pas à pas, et du mieux possible, il y ait jonction entre arts et public des arts.