Par Foued ALLANI Très efficace contre la pauvreté, l'exclusion, le chômage et la marginalisation et très utile pour le développement local durable, l'économie sociale et solidaire (ESS) reste, hélas, très timide et mal connue en Tunisie, et ce, malgré l'existence de solides traditions dans ces domaines malheureusement abandonnées. Le 1er Forum méditerranéen de l'ESS, tenu la semaine dernière à Tunis, n'a, d'ailleurs, bénéficié que d'une faible et superficielle médiatisation malgré les énormes enjeux qu'il s'est proposé de débattre et l'effort visible de vulgarisation qu'il a affiché. Il a eu cependant le mérite de dépoussiérer ce secteur qui ne contribue en Tunisie qu'à hauteur de 1% seulement du PIB alors que ce taux dépasse déjà les 10% en Europe. Basée sur les acteurs économiques à caractère social et de solidarité (coopératives, mutuelles, associations, syndicats...), l'ESS possède l'énorme avantage d'impliquer le maximum d'individus dans des projets collectifs dont les retombées bénéficient à de larges franges de la population. Projets conduits selon une gestion participative privilégiant l'intérêt collectif sur le profit et favorisant la création de sources de revenus et qui possèdent le mérite de limiter au minimum l'économie parallèle. Grâce à la création souhaitée d'un cadre juridique qui permettra à l'ESS de se développer, la Tunisie pourra augmenter ses chances dans la lutte contre le chômage et la pauvreté. Sachant qu'elle possède déjà une petite expérience en matière de développement local durable grâce notamment à l'approche de l'Agenda 21 local, de financement des micro-projets par le biais des associations de développement, le concept de «un village, un produit», promu dans le cadre de la coopération tuniso-niponne, etc. Il s'agit donc de favoriser un meilleur développement du tissu socioéconomique du pays et de former les compétences nécessaires à la bonne marche du secteur, le tout en veillant au caractère apolitique de ces actions et leur entière appartenance à la société civile. Des expériences dont il nous a été donné de suivre de près dans certaines régions du pays ont montré que l'ESS, tout en ne nécessitant pas de gros fonds comme investissement, peut dégager des pistes de revenus durables et intéressants. L'essentiel est de dégager des idées porteuses qui constitueront la garantie de la réussite des projets retenus. Idées qui devront partir de la réalité du terrain et non d'une quelconque idéologie. La démarche à adopter est celle, assez pragmatique, des résolutions des problèmes, avec diagnostic approfondi de la situation (analyse des causes), étude des points faibles et des points forts, identification des résistances et des craintes, fixation des objectifs... Ainsi, les potentialités de chaque localité ou région seront identifiées et les acteurs éligibles proposés. Mais pour permettre l'essor de l'ESS, il faut un effort titanesque d'éducation, d'information et de promotion. Il faudrait aussi mettre en valeur les expériences réussies et en faire des projets pilotes. Il nous faudrait aussi recréér le citoyen engagé, car nous avons affaire aujourd'hui, et après près de soixante années de dictature et voilà déjà deux années d'anarchie, à l'anti-citoyen. L'on ne peut donc avancer dans cette piste très rentable en termes de développement humain, social, économique et écologique qu'en permettant l'éclosion des valeurs positives qui en seront les fondements.