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«La réforme du système fiscal ne peut être faite par les ingénieurs de l'ancien régime corrompu» Trois Questions à ... Lassaâd Dhaouadi, conseiller fiscal agréé
Le dialogue national sur la réforme du système fiscal qui a démarré, hier, à Tunis, est qualifié par Lassaâd Dhaouadi, conseiller fiscal agréé, membre du Groupement professionnel des conseillers fiscaux, de l'Association fiscale et de l'Institut des avocats conseillers fiscaux de France, comme folklorique et s'avère être une mascarade. Afin de mieux saisir les dessous de sa propre évaluation de ce dialogue, La Presse lui a posé trois questions. Vous êtes très critique en évoquant les carences du système fiscal tunisien. Vous affirmez, en effet, que le dialogue national y afférent, dont le coup d'envoi a été donné hier à Tunis, semble être vide et dépourvu des fondements scientifiques qu'il faut. Voulez-vous en dire plus ? D'abord, il faut dire que la réforme du système fiscal ne peut être faite par les ingénieurs de l'ancien système corrompu. En effet, certains des acteurs de ce dialogue sont les mêmes qui étaient derrière les dispositions fiscales mafieuses qui ont fait de l'entreprise citoyenne une vache à lait. A titre d'exemple, on peut citer l'article 15 du Code de la TVA, l'article 36 de la loi de finance pour la gestion 2010, l'article 49 désuet sur l'impôt sur le revenu des personnes physiques et l'impôt sur les sociétés. S'y ajoute l'article 185 de la loi de finance 2012 qui a paralysé les services de contrôle fiscal au profit de fraudeurs. Ces dispositions discriminatoires et contraires aux principes constitutionnels ont subordonné le bénéfice d'un droit par une entreprise citoyenne à la certification de ses comptes par un commissaire aux comptes. Sachant que ces types de dispositions n'ont pas de similaires dans les législations européennes. Vous dites également que les rapports du FMI auxquels se réfère ce dialogue sont vides. Que peut-on entendre par cela ? Scientifiquement et professionnellement, les rapports du FMI sont vides. C'est qu'ils ne tiennent pas compte de la corruption dans le domaine fiscal. Laquelle corruption nous coûte annuellement des dizaines de milliers de milliards, à peu près le double du budget national. De ce point de vue, il ne faut pas perdre de vue que les chiffres réalisés dans les marchés parallèles coûtent le double du PIB, plus de 150 milliards de dinars. L'autre point essentiel négligé par ce dialogue est le registre national des fraudeurs, adopté par les pays développés, dont le Canada. On a, en outre, négligé de revenir sur la radiation des créances fiscales depuis 1998, en violation de l'article 25 du Code de la comptabilité publique par la Commission chargée de l'examen des requêtes des contribuables qui n'a aucun fondement juridique et dont la composition comprend deux experts comptables parmi les proches du système de Ben Ali. De surcroît, on a manqué de reconnaître que le Conseil national de la fiscalité n'a pas pu jouer son rôle en matière de développement du système fiscal, du fait qu'il n'est pas indépendant et qu'il est présidé par le ministre des Finances, alors qu'il est appelé à évaluer la politique fiscale du pays. Selon vous, les conseillers fiscaux ont été exclus des rapports de l'Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI). Quels seraient leurs raisons ? Ils ont toujours composé — et continuent de le faire d'ailleurs — avec les corrompus et mafieux de l'ancien système. Ils ne nous ont jamais consultés, alors que nous sommes experts et spécialistes. A mon sens, réaliser des rapports sans l'apport d'experts requis constitue un crime de gaspillage de l'argent public pour des études vides et sans fondements scientifiques. Les mêmes corrompus et mafieux de l'ancien système qui sont derrière le chômage de milliers de diplômés en fiscalité, œuvrent à marginaliser davantage la profession de conseiller fiscal, afin de servir leurs propres intérêts.